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Pour l’émergence des nouvelles études russes !

Politiste, Historienne, Politiste, Géopolitologue

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, les terrains des chercheurs se sont considérablement obscurcis. Le Collectif de recherche sur la Russie contemporaine pour l’analyse de ses nouvelles trajectoires (CORUSCANT) propose de repenser les modes de production de connaissance sur la Russie en « recentrant » les études russes, en investissant les terrains numériques et en dialoguant davantage avec les instances de décision politique et stratégique, en France et en Europe.

Lancé à l’automne 2023, le « Collectif de recherche sur la Russie Contemporaine pour l’Analyse de ses Nouvelles Trajectoires » (CORUSCANT) propose de repenser de manière pluridisciplinaire les modes de production de connaissance sur la Russie contemporaine face aux conséquences multiples et désastreuses de son invasion à grande échelle de l’Ukraine. Installée à Paris, CORUSCANT est la branche européenne du Russia Program de l’Institute for European, Russian and Eurasian Studies (IERES) de la George Washington University.

Avant tout, nous tenons à souligner que le collectif condamne sans réserve l’invasion russe de l’Ukraine et exprime sa solidarité pleine et entière avec le peuple ukrainien. Nous sommes aux côtés de celles et ceux qui, en Ukraine, en Russie et ailleurs dans le monde, s’opposent à cette agression et luttent pour la restauration de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

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L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie a fait l’effet d’une déflagration pour les spécialistes de la Russie. Non par naïveté, mais bien parce que nous avons immédiatement mesuré, à l’aube du 24 février 2022, les répercussions innombrables et dramatiques sur plusieurs décennies de la funeste décision de Vladimir Poutine. À la stupéfaction se sont ajoutées la colère, la tristesse, l’incompréhension et, souvent, le besoin de prendre du recul face à notre objet d’étude et d’aider les collègues, proches et connaissances en danger, en Ukraine, en Russie, ou en Biélorussie. Ce moment de sidération passé, le temps est venu pour nous de repenser en profondeur nos façons d’étudier la Russie. En effet, nos conditions de recherche ont radicalement changé depuis un an et demi.

Un terrain en friche ? Les études russes après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie

Pour la recherche en sciences humaines et sociales sur la Russie, le 24 février 2022 a constitué un véritable « choc exogène », comme l’a récemment souligné le p


[1] Vladimir Gel’man, “Exogenous Shock and Russian Studies”, Post-Soviet Affairs, vol. 39, n°1-2, 2023, p. 1-9.

[2] Voir le numéro récent de Post-Soviet Affairs dirigé par Tomila Lankina, “Conversations within the Field: Russia’s War against Ukraine and the Future of Russian Studies”, vol. 39, n°1-2, 2023.

[3] Anna Colin Lebedev, Thomas Da Silva, Nathalie Duclos, Gilles Favarel-Garrigues et Ioulia Shukan, “Ukraine, Russie : les sciences sociales à l’épreuve de la guerre”, AOC, 3 mai 2023 ; Françoise Daucé et Kathy Rousselet, “La recherche sur la Russie en France après le 24 février 2022. Le temps des tâtonnements”, Critique Internationale, 2023/3 (N° 100), p.165-176.

[4] Oksana Dudko, “Gate-crashing “European” and “Slavic” area studies: can Ukrainian studies transform the fields?”, Canadian Slavonic Papers, 65:2, 2023, p. 174-189; Susan Smith-Peter, “How the Field was Colonized: Russian History’s Ukrainian Blind Spot”, Blogpost, H-Net Russia.

[5] Voir par exemple Anna Colin Lebedev, Jamais Frères. Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, 2022, p. 12-13.

[6] Madina Tlostanova, “Postsocialist ≠ postcolonial? On post-Soviet imaginary and global coloniality”, Journal of Postcolonial Writing, vol. 48, n°2, 2012, p. 130-142; Francine Hirsch, Empire of Nations: Ethnographic Knowledge and the Making of the Soviet Union. Ithaca, NY: Cornell University Press, 2014; Michael Khodarkovsky, “A Colonial Empire without Colonies: Russia’s State Colonialisms in Comparative Perspective.” Comparativ, vol. 30, n°3–4, 2020, p. 285–299; Dittmar Schorkowitz. “Was Russia a Colonial Empire?”, in Shifting Forms of Continental Colonialism: Unfinished Struggles and Tensions, edited by Dittmar Schorkowitz, John R. Chávez, and Ingo W. Schröder, Singapore: Palgrave Macmillan, 2019, p. 117–147. Voir enfin, sur l’orientation anticolonialiste de l’école de Pokrovski dans les années 1920-1930, Alexey Golubev, “No Natural Colonization: the Early Soviet School of Historical Anti-Colonialism”, Ca

Maxime Audinet

Politiste, Université Paris Nanterre, chercheur à l'IRSEM

Julie Deschepper

Historienne, Maîtresse de conférences en études du patrimoine et des musées (Assistant Professor in Heritage and Museum Studies) à l'université d'Utrecht

Clémentine Fauconnier

Politiste, Maîtresse de conférences en science politique à l'Université de Haute Alsace

Kevin Limonier

Géopolitologue , Maître de conférences en études slaves, Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8)

Rayonnages

InternationalRussie

Notes

[1] Vladimir Gel’man, “Exogenous Shock and Russian Studies”, Post-Soviet Affairs, vol. 39, n°1-2, 2023, p. 1-9.

[2] Voir le numéro récent de Post-Soviet Affairs dirigé par Tomila Lankina, “Conversations within the Field: Russia’s War against Ukraine and the Future of Russian Studies”, vol. 39, n°1-2, 2023.

[3] Anna Colin Lebedev, Thomas Da Silva, Nathalie Duclos, Gilles Favarel-Garrigues et Ioulia Shukan, “Ukraine, Russie : les sciences sociales à l’épreuve de la guerre”, AOC, 3 mai 2023 ; Françoise Daucé et Kathy Rousselet, “La recherche sur la Russie en France après le 24 février 2022. Le temps des tâtonnements”, Critique Internationale, 2023/3 (N° 100), p.165-176.

[4] Oksana Dudko, “Gate-crashing “European” and “Slavic” area studies: can Ukrainian studies transform the fields?”, Canadian Slavonic Papers, 65:2, 2023, p. 174-189; Susan Smith-Peter, “How the Field was Colonized: Russian History’s Ukrainian Blind Spot”, Blogpost, H-Net Russia.

[5] Voir par exemple Anna Colin Lebedev, Jamais Frères. Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, 2022, p. 12-13.

[6] Madina Tlostanova, “Postsocialist ≠ postcolonial? On post-Soviet imaginary and global coloniality”, Journal of Postcolonial Writing, vol. 48, n°2, 2012, p. 130-142; Francine Hirsch, Empire of Nations: Ethnographic Knowledge and the Making of the Soviet Union. Ithaca, NY: Cornell University Press, 2014; Michael Khodarkovsky, “A Colonial Empire without Colonies: Russia’s State Colonialisms in Comparative Perspective.” Comparativ, vol. 30, n°3–4, 2020, p. 285–299; Dittmar Schorkowitz. “Was Russia a Colonial Empire?”, in Shifting Forms of Continental Colonialism: Unfinished Struggles and Tensions, edited by Dittmar Schorkowitz, John R. Chávez, and Ingo W. Schröder, Singapore: Palgrave Macmillan, 2019, p. 117–147. Voir enfin, sur l’orientation anticolonialiste de l’école de Pokrovski dans les années 1920-1930, Alexey Golubev, “No Natural Colonization: the Early Soviet School of Historical Anti-Colonialism”, Ca