Enseignement supérieur

Qu’est-ce qu’une (vraie) Grande École de commerce ?

Professeur de sciences économiques et sociales

Faute de réglementation, distinguer les Grandes Écoles de commerce des autres s’avère un défi : beaucoup d’établissements se présentent sur leur site internet, dans leurs brochures, sur les salons comme de « Grandes Écoles » alors qu’elles n’en possèdent pas les atouts. Cette confusion volontairement entretenue conduit à des choix d’orientation trompeurs aux conséquences souvent douloureuses pour les étudiants, à l’expansion de grands groupes d’enseignement supérieur privé à but lucratif qui concourent à la marchandisation de l’éducation.

Imaginez que vous soyez un élève de lycée. Vous êtes intéressé par le marketing et vous vous rendez sur le moteur de recherche le plus utilisé au monde pour vous informer. Vous rentrez les mots-clés suivants : « grande école marketing paris ».

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Sur la première page de vos résultats de recherche, vous tombez sur plusieurs liens parmi lesquels : « EIML Paris, La grande école de marketing et management du luxe » ou alors « HEC – Master in Marketing ». Sur le site de l’EIML, on peut lire le mot de la directrice « L’EIML Paris est la grande de école de référence en marketing du luxe qui offre en cinq années une expertise de haut niveau sur l’ensemble du secteur du luxe (mode et accessoires, joaillerie et horlogerie, parfums et cosmétiques, art de vivre, hôtellerie, vins et spiritueux, services du luxe, etc.) tant au niveau national qu’international ». Sur le site d’HEC, il est précisé « Classé N°1 mondial, le programme Grande École – Master in Management est destiné aux étudiants ambitieux souhaitant accéder à des carrières de haut niveau en France et à l’international ».

Comment s’y repérer ? Les deux formations se définissent comme des « Grandes Écoles ». Pourtant, dans un cas, c’est vrai, dans l’autre, non. HEC jouit d’une longue tradition de formation des élites managériales depuis la fin du XIXe siècle et demeure encore aujourd’hui l’une des formations les plus reconnues dans le monde entier. Son programme Grande École est bien classé n°1 mondial par le Financial Times en 2023. L’EIML bénéficie certes d’une certification RNCP (Registre National des Certifications Complémentaires sur lequel nous allons y revenir), mais d’aucune reconnaissance particulière dans le domaine du marketing sur le marché du travail.

À mesure qu’on parcourt les sites respectifs de ces deux écoles, on en arrive plutôt à la conclusion que la formation d’HEC est plus reconnue que celle de l’EIML, mais cela suppose de prendre le temps de chercher et d’être aussi éclairé sur le sujet. Pa


[1] Soazig le Nevé, Violaine Morin, « De plus en plus de réclamations liées à l’enseignement supérieur privé », Le Monde, le 19 juillet 2023.

[2] Pour bien comprendre l’univers des écoles de commerce, une distinction essentielle doit être établie entre les établissements privés à but lucratif et les établissements privés à but non lucratif. Dans le premier cas, on trouve Omnes Éducation, Ionis Education Group ou Galileo Global Education. Ce sont des sociétés par actions simplifiée qui visent une rentabilité élevée de leurs activités pour satisfaire les investisseurs. Elles sont portées par une logique de marchandisation de l’enseignement supérieur. Dans le second cas, on trouve les 21 Grandes Écoles de commerce françaises qui ont soit un statut associatif, soit un statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) qui les contraint à n’avoir que des activités à but non lucratif. On notera deux exceptions : l’EM Lyon et Grenoble EM qui sont des sociétés à mission et, dans ce cas, leurs activités doivent se porter vers la poursuite des objectifs sociaux et environnementaux.

[3] Le groupe Ionis Education Group, créé en 1980 par Marc Sellam, revendique aujourd’hui 29 écoles et 35 000 étudiants. D’autres groupes plus récents et encore plus grands se sont imposés en France avec une dimension internationale. C’est le cas de Galileo Global Education qui regroupe 61 écoles dans le monde et forme 210 000 étudiants par an, dont la direction est assurée par Marc-François Mignot Mahon et Martin Hirsch. Le groupe Omnes Éducation, dont le président exécutif est Mathias Emmerich, forme chaque lui chaque année 40 000 étudiants à travers ses 15 écoles qui se situent principalement en France.

[4] Marie Piquemal, « L’apprentissage, un beau cadeau public aux écoles supérieures privées », Libération, 27 septembre 2022.

[5] Marie Piquemal, « Galileo, la ruée vers l’or du géant de l’enseignement privé », Libération, 13 février 2023.

[6] Soazig le Nevé, « L’enseignement supér

Christophe Viscogliosi

Professeur de sciences économiques et sociales, Professeur en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) au lycée Descartes (Rabat)

Notes

[1] Soazig le Nevé, Violaine Morin, « De plus en plus de réclamations liées à l’enseignement supérieur privé », Le Monde, le 19 juillet 2023.

[2] Pour bien comprendre l’univers des écoles de commerce, une distinction essentielle doit être établie entre les établissements privés à but lucratif et les établissements privés à but non lucratif. Dans le premier cas, on trouve Omnes Éducation, Ionis Education Group ou Galileo Global Education. Ce sont des sociétés par actions simplifiée qui visent une rentabilité élevée de leurs activités pour satisfaire les investisseurs. Elles sont portées par une logique de marchandisation de l’enseignement supérieur. Dans le second cas, on trouve les 21 Grandes Écoles de commerce françaises qui ont soit un statut associatif, soit un statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) qui les contraint à n’avoir que des activités à but non lucratif. On notera deux exceptions : l’EM Lyon et Grenoble EM qui sont des sociétés à mission et, dans ce cas, leurs activités doivent se porter vers la poursuite des objectifs sociaux et environnementaux.

[3] Le groupe Ionis Education Group, créé en 1980 par Marc Sellam, revendique aujourd’hui 29 écoles et 35 000 étudiants. D’autres groupes plus récents et encore plus grands se sont imposés en France avec une dimension internationale. C’est le cas de Galileo Global Education qui regroupe 61 écoles dans le monde et forme 210 000 étudiants par an, dont la direction est assurée par Marc-François Mignot Mahon et Martin Hirsch. Le groupe Omnes Éducation, dont le président exécutif est Mathias Emmerich, forme chaque lui chaque année 40 000 étudiants à travers ses 15 écoles qui se situent principalement en France.

[4] Marie Piquemal, « L’apprentissage, un beau cadeau public aux écoles supérieures privées », Libération, 27 septembre 2022.

[5] Marie Piquemal, « Galileo, la ruée vers l’or du géant de l’enseignement privé », Libération, 13 février 2023.

[6] Soazig le Nevé, « L’enseignement supér