Société

Le droit d’être adulte

Géographe

L’ONU comme le Comité Européen des Droits Sociaux épinglent l’État français pour non-respect du droit des personnes handicapées. Au-delà de l’absence criante de solutions, c’est l’absence de réflexion autour des parcours de vie des adultes handicapés mentaux qui interpelle : l’âge adulte en tant qu’âge intermédiaire – les politiques publiques se développant autour de l’enfance et du vieillissement – est absent des calendriers politiques.

En 2021, l’ONU épingle l’État français pour non-respect du droit des personnes handicapées. Le 17 avril 2023, le CEDS (Comité Européen des Droits Sociaux) enfonce le clou[1] en réagissant à la réclamation portée par plusieurs associations et admet que l’État viole certains articles de la Charte sociale européenne, notamment l’article 15.3 « en raison du manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable » concernant l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières ou encore le développement d’une politique visant à promouvoir l’intégration sociale des personnes handicapées.

publicité

Un manque de solutions pour les adultes, des existences souterraines

Aujourd’hui, en France, de nombreux adultes handicapés mentaux autistes, polyhandicapés, ou trisomiques avec des troubles du comportements demeurent sans solution de prise en charge adaptée. Ils vivent chez un proche (un parent, un frère ou une sœur) ou sont hébergés et accompagnés loin du domicile familial, dans un autre département ou encore en Belgique. Au 31 décembre 2019, 8 233 personnes en situation de handicap (6 820 adultes et 1 413 enfants) étaient ainsi prises en charge dans 227 établissements wallons (chiffres handicap.gouv). Si depuis janvier 2021, l’État a suspendu les nouveaux départs en dehors du territoire et s’est engagé à développer des réponses « de proximité », les solutions concrètes se font attendre.

La centrifugeuse étatique répartit les adultes handicapés en fonction de leur degré d’autonomie. Celles et ceux qui peuvent travailler le font en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) dans le milieu dit « protégé » et sont hébergés en foyer d’hébergement (FH). Celles et ceux qui ont besoin de soins et d’une aide dans tous les actes de la vie quotidienne peuvent obtenir une place en foyer d’accueil médicalisé (FAM) ou en maison d’accueil spécialisée (MAS). Enfin, les foyers de vie (FV) ou foyers occupationnels (FO)[2] accueillent les personnes


[1] Rapport du Committee on the Rights of Persons with Disabilities (ONU) concernant la France le 14 septembre 2021 ; décision du Comité Européen des Droits sociaux le 17 avril 2023.

[2] Les ESAT sont financés par l’assurance maladie, les FH par les départements, les MAS par l’assurance maladie, les FAM pour moitié par l’assurance maladie, pour moitié par les départements et, enfin, les foyers de vie et occupationnels par les départements.

[3] Noémie Rapegno et Jean-François Ravaud, « Disparités territoriales de l’équipement français en structures d’hébergement pour adultes handicapés et enjeux géopolitiques », L’Espace Politique [En ligne], 26 | 2015-2.

[4] Thibaut Petit, Handicap à vendre, Les arènes, 240p, 2022. L’auteur a mené une enquête journalistique dans plusieurs ESAT. Il donne à voir les conditions de travail des personnes handicapées mentales (cadences qui augmentent, tâches répétitives et peu valorisantes, salaire faible).

[5] Jean-Sébastien Eideliman, « Spécialistes par obligation ». Des parents face au handicap mental : théories diagnostiques et arrangements pratiques, thèse de doctorat en sociologie, soutenue en 2008.

[6] L’habitat inclusif « est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé et assorti d’un projet de vie sociale et collective » (art. L. 281-1 du Code de l’action sociale et des familles). Voir Hugo Bertillot et Noémie Rapegno, « L’habitat inclusif pour personnes âgées ou handicapées comme problème public », Gérontologie et société, 2019/2 (vol. 41 / n° 159), p. 117-132.

[7] APAJH et al, manifeste Habiter autrement avec un handicap : chez soi, ensemble et dans la cité, 2018.

[8] Voir cette étude qui montre comme la fusion associative vient saper le travail d’inclusion et d’ancrage de l’accompagnement dans un territoire donné : Élise Martin, « Fusion associative et fragilisation de l’ancrage territorial d’une petite structure rurale (Gard, Fran

Élise Martin

Géographe, ATER à l'Université de Saint-Étienne

Notes

[1] Rapport du Committee on the Rights of Persons with Disabilities (ONU) concernant la France le 14 septembre 2021 ; décision du Comité Européen des Droits sociaux le 17 avril 2023.

[2] Les ESAT sont financés par l’assurance maladie, les FH par les départements, les MAS par l’assurance maladie, les FAM pour moitié par l’assurance maladie, pour moitié par les départements et, enfin, les foyers de vie et occupationnels par les départements.

[3] Noémie Rapegno et Jean-François Ravaud, « Disparités territoriales de l’équipement français en structures d’hébergement pour adultes handicapés et enjeux géopolitiques », L’Espace Politique [En ligne], 26 | 2015-2.

[4] Thibaut Petit, Handicap à vendre, Les arènes, 240p, 2022. L’auteur a mené une enquête journalistique dans plusieurs ESAT. Il donne à voir les conditions de travail des personnes handicapées mentales (cadences qui augmentent, tâches répétitives et peu valorisantes, salaire faible).

[5] Jean-Sébastien Eideliman, « Spécialistes par obligation ». Des parents face au handicap mental : théories diagnostiques et arrangements pratiques, thèse de doctorat en sociologie, soutenue en 2008.

[6] L’habitat inclusif « est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé et assorti d’un projet de vie sociale et collective » (art. L. 281-1 du Code de l’action sociale et des familles). Voir Hugo Bertillot et Noémie Rapegno, « L’habitat inclusif pour personnes âgées ou handicapées comme problème public », Gérontologie et société, 2019/2 (vol. 41 / n° 159), p. 117-132.

[7] APAJH et al, manifeste Habiter autrement avec un handicap : chez soi, ensemble et dans la cité, 2018.

[8] Voir cette étude qui montre comme la fusion associative vient saper le travail d’inclusion et d’ancrage de l’accompagnement dans un territoire donné : Élise Martin, « Fusion associative et fragilisation de l’ancrage territorial d’une petite structure rurale (Gard, Fran