Cinéma

Jeux de masques – sur Orlando, ma biographie politique de Paul B. Preciado

Critique

Enfin diffusé ce mercredi sur arte, Orlando, ma biographie politique de Paul B. Preciado propose une fausse adaptation de l’Orlando de Virginia Woolf, dans un film qui mêle les styles, les temps, la vie réelle et la fiction, et fait de la forme – celle du corps autant que celle de l’œuvre – un terrain de jeu collectif plutôt qu’un sujet d’études.

La valse des sorties des films crée parfois de drôles de rimes dans la programmation cinématographique. La même semaine apparaissent sur les écrans deux personnages transgenres qui sautent joyeusement par dessus le fossé des époques.

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Qu’auraient à se dire la Conann de Bertrand Mandico et l’Orlando de Paul B. Preciado si iels se rencontraient hors ou sur l’écran ? Peut-être pas grand-chose tant la première est érotisée tandis que les second.e.s réfléchissent aux implications du genre pour mieux s’en émanciper et se définir autrement. La concomitance de leur présence dans les salles nous raconte néanmoins un désir qu’a le cinéma contemporain de s’affranchir des normes de représentation qui passe par la remise en question du genre autant en tant qu’assignation sexuée que comme tradition de récit.

Leçon d’anatomie

En novembre 2019, Paul B. Preciado s’exprime devant 3 500 psychanalystes lors des journées internationales de l’École de la Cause freudienne à Paris. Repris à la Maison de la Poésie dans une lecture aux côtés des comédien.ne.s Félix Maritaud, Naëlle Dariya et Anna Mouglalis, le texte, publié par Grasset sous le titre Je suis un monstre qui vous parle, adresse un témoignage biographique de la transition de genre du philosophe. Reprenant la forme du Rapport pour une académie dans lequel Franz Kafka fait parler un singe devenu homme devant l’Académie des sciences, Preciado use de la langue académique des sciences humaines pour enjoindre les psychanalystes à partager son expérience puis à renverser leur regard.

« Et vous, chers psychanalystes, êtes-vous opérés ? » : c’est ainsi que Paul Preciado clôturait son intervention devant l’Académie renvoyant cette « question insistante et grotesque » à la corporation qui la lui a posée à travers son périple à travers le genre. Comme le note le commentaire du réalisateur sur des images d’archives des années 1950 des femmes trans Christine Jorgensen et Coccinelle, longtemps, les trans ont surgi dans les médias à la