Écologie radicale dans les organisations
A propos des mouvements écologistes contestataires, le grand sociologue allemand Niklas Luhmann (1927-1998) rappelait ce paradoxe : il est étonnant de lutter pour un objectif valable pour tous en s’attaquant à certaines composantes de la société.

Ou, dans une autre version : la protestation écologiste consiste à lutter pour préserver l’avenir de la société mais comme si elle choisissait pour cela de se situer à l’extérieur de la société. L’engagement climatique, et le choix de certaines actions radicales, nous remettent aujourd’hui devant un problème théorique qui n’a pas changé. Personne au sein de la société, pas plus un secteur d’activité particulier qu’un groupe de militants, ne peut prétendre prendre pour tous la responsabilité du destin climatique de la planète.
Si on garde cette référence théorique en tête, on peut comprendre que le moyen de la contourner soit, comme le voudrait Andréas Malm (Comment saboter un pipe-line), de politiser enfin la lutte climatique. Pourquoi cette notion de politisation paraît-elle judicieuse ? Parce qu’elle fait d’un clivage interne à la société la forme que prend le combat pour l’environnement planétaire. Il ne s’agit pas seulement d’en appeler à la réduction des émissions de GES en invoquant l’éco-conscience de chacun. L’action climatique politisée devient un combat contre des ennemis et contre des responsables. Les cibles sont claires : ceux qui émettent le plus de GES et ceux qui continuent à investir dans le capitalisme fossile.
Les actions politisées gagnent aussi une certaine cohérence. On ne se contente plus de maculer une toile prestigieuse dans un musée ni de stopper une course cycliste, dans le but d’augmenter le niveau de l’alerte. L’action politisée perturbe matériellement le business as usual, par exemple en dégonflant les pneus des SUV ou en sabotant un pipe-line.
Évidemment, ce qui rappelle l’intérêt de la théorie de Luhmann, la politisation climatique produit ses propres paradoxes dès qu’il s’agit de d