Écologie

Sur la transformation

Philosophe

Face à l’urgence de la catastrophe bioclimatique, l’appel à la transformation se fait entendre dans une multitude de textes journalistiques et académiques. Pourtant, cette notion essentielle est souvent invoquée sans être précisément définie, laissant flotter son sens sans ancrage clair sur ses implications pratiques. Explorant la tension entre l’urgence du changement et l’obscurité de sa concrétisation, des pistes concrètes se dessinent néanmoins pour l’anticiper.

Les penseurs et les penseuses actuels, informés de la catastrophe bioclimatique, parlent de transformation. Du moins le terme, ou ses synonymes, est employé massivement afin de poser un marqueur à propos de l’époque immédiatement à venir. Notre monde ne peut pas perdurer ainsi qu’il est.

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Il va se produire des ruptures, rapides, telles qu’il n’y en a pas eu auparavant. La transformation aura lieu que les humains le veuillent ou non. Le terme est donc employé dans son exacte signification, sans exagération. Tentons de le clarifier.

Le terme changement qualifie le passage d’un état à un autre, et nous parlerons de changement climatique, la fin de l’holocène et le début de l’anthropocène. Changement serait employé pour la planète.

Le terme de transformation signifie le passage d’une forme à une autre. Il est adéquat pour désigner le monde des humains. Transformation concerne le monde.

Le terme de métamorphose implique le changement d’un être en un autre. Il désignerait le passage du moderne qui deviendrait un terrestre. Métamorphose implique le moderne, cet humain doté de conceptions particulières qui sont devenues majoritaires.

Munis de ce vocabulaire, il nous sera plus facile de comprendre ce qu’implique transformation. Ce mot hante d’une pesanteur fantomatique. Ceux qui lisent le terme, parcourant des articles de presse et mieux encore des livres sérieux, sont pareils aux témoins de phénomènes étranges. Ils ne savent pas bien. Ils identifient mal. Pourtant il revient, il produit son effet, tel un revenant, sans volonté, par habitude peut être, par nécessité surement.

Chacun est attentif à quelque lubie, et une époque légère n’y apporte point trop d’attention. Néanmoins, ce mot est employé généralement en conclusion d’une interview ou d’un livre, et il s’agissait de dresser, par ces mots ou ces textes, les éléments de la catastrophe bioclimatique et des certitudes scientifiques en son endroit. Les incertitudes sont plus effrayantes et elles réclameraient dav


[1] Dominique Bourg & Johan Chapoutot, « Chaque geste compte », manifeste contre l’impuissance publique, Tract Gallimard n°44, novembre 2022, p.56-57.

[2] Je ne voudrais pas prétendre à des titres que je n’aurais pas, mais en expérimentation théorique j’ai donné des gages, et transformation en était le maître mot. Car voyez-vous mon ambition dure depuis une vingtaine d’années de répondre à cette question : comment faire de l’action inédite ? Aussitôt vous vient à l’esprit, et vous faîtes bien, qu’il y a une obligation à la transformation pour ce faire. Et depuis vingt ans je triture cette matière, et je lis les fictions artistiques et les livres des théoriciens. Je les ai fréquentés avec l’assiduité la plus rigoureuse et la plus répétitive. Mon émission de radio, regroupant à ce jour 280 entretiens, témoigne de mon obsession

[3] Bruno Latour, Où-suis-je ?, La Découverte, Paris, 2021.

Dominiq Jenvrey

Philosophe

Notes

[1] Dominique Bourg & Johan Chapoutot, « Chaque geste compte », manifeste contre l’impuissance publique, Tract Gallimard n°44, novembre 2022, p.56-57.

[2] Je ne voudrais pas prétendre à des titres que je n’aurais pas, mais en expérimentation théorique j’ai donné des gages, et transformation en était le maître mot. Car voyez-vous mon ambition dure depuis une vingtaine d’années de répondre à cette question : comment faire de l’action inédite ? Aussitôt vous vient à l’esprit, et vous faîtes bien, qu’il y a une obligation à la transformation pour ce faire. Et depuis vingt ans je triture cette matière, et je lis les fictions artistiques et les livres des théoriciens. Je les ai fréquentés avec l’assiduité la plus rigoureuse et la plus répétitive. Mon émission de radio, regroupant à ce jour 280 entretiens, témoigne de mon obsession

[3] Bruno Latour, Où-suis-je ?, La Découverte, Paris, 2021.