Société

Le racisme musical en France

Anthropologue

Il s’est trouvé d’assez nombreuses voix racistes pour s’élever contre le choix d’Aya Nakamura pour chanter Piaf lors de la prochaine cérémonie d’ouverture des JO. Et, au-delà de sa couleur de peau et de sa musique, c’est la langue dans laquelle elle s’exprime qui semble leur poser problème, cette langue française qui est le fondement de l’identité nationale et qu’elle déconstruit admirablement.

Dans un article précédent, j’abordais le cas de Radio Classique que je définissais comme une chaîne de radio produisant une culture musicale « blanche » et de « bon ton ».

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La controverse qui entoure la programmation éventuelle de la prestation de la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques en juillet prochain à Paris en est la démonstration symétrique et inverse. Y-a-t-il place en France pour des chanteurs ou des chanteuses « non blanches » et des paroles de chansons qui ne seraient pas de « bon ton » ?

À vrai dire la controverse n’est pas nouvelle puisque déjà en 1989, lors de la commémoration du bicentenaire de la Révolution française, l’invitation de Jessye Norman par Mitterrand avait suscité l’ire de l’extrême droite qui ne supportait qu’elle ait pu chanter « La Marseillaise ». Mais à vrai dire, Jessye Norman était une chanteuse lyrique mondialement reconnue et même si elle était afro-américaine, elle chantait l’hymne national.

Plus récemment, Noël Le Graët avait regretté le choix du rappeur Youssoupha dont la chanson jugée polémique accompagnait l’annonce de la liste des footballeurs sélectionnés pour l’Euro 2021. Ce désaveu avait lui-même été suivi par les propos extrêmement virulents de Jordan Bardella qui avait déclaré que le recrutement de ce rappeur revenait à « céder à une partie racaille de la France ».

La controverse autour de la programmation d’Aya Nakamura s’inscrit dans la même configuration : bien que Française, non seulement elle est noire mais sa musique, ses chansons et plus encore les paroles de celles-ci suscitent la colère non seulement de l’extrême-droite mais plus largement de ceux qui, tout en s’en défendant, font preuve d’un racisme de « bon aloi ».

Ce racisme s’exprime en premier lieu sous la forme du « on ne peut plus rien critiquer » sauf à être taxé justement de raciste. Cela prend la forme du « on aurait pu choisir quelqu’un d’autre », « quelqu’un de plus représentatif de la


[1] Action du groupe Les Natifs (@LNatifs) hier soir à Paris pour contester le fait qu’Aya Nakamura représente la France en interprétant une chanson d’Édith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des JO 2024 à Paris.

[2] « Les bébés détectent la beauté. Ils détectent cette beauté. Ils ne votent pas pour le rap, ni pour la lambada, ni pour Aya Nakamura : ils votent Mozart à 91 % ! », s’est exclamé Éric Zemmour, le 10 mars au Palais des sports à Paris.

Jean-Loup Amselle

Anthropologue, Directeur de recherche émérite à l'EHESS

Mots-clés

Jeux Olympiques

Notes

[1] Action du groupe Les Natifs (@LNatifs) hier soir à Paris pour contester le fait qu’Aya Nakamura représente la France en interprétant une chanson d’Édith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des JO 2024 à Paris.

[2] « Les bébés détectent la beauté. Ils détectent cette beauté. Ils ne votent pas pour le rap, ni pour la lambada, ni pour Aya Nakamura : ils votent Mozart à 91 % ! », s’est exclamé Éric Zemmour, le 10 mars au Palais des sports à Paris.