Antiracisme et antispécisme
La notion de spécisme a été au cœur de l’éthique animale depuis que cette dernière s’est constituée en champ de recherche dans les années 1970. Elle se définit par analogie : de même que le racisme est une discrimination causée par la race (réelle ou perçue), le spécisme est une discrimination causée par l’espèce (réelle ou perçue). Il consiste à traiter certains individus mieux que d’autres quand cette inégalité de traitement s’explique, en partie au moins, par l’espèce à laquelle ces individus appartiennent ou sont assignés.

Si la notion de spécisme est si centrale en éthique animale, c’est qu’elle permet aux experts de ce domaine d’y importer des leçons tirées de l’éthique du racisme. En substance, les antispécistes raisonnent de la façon suivante :
(1) Le racisme est injuste parce qu’il possède un certain attribut.
(2) Or le spécisme possède lui aussi cet attribut.
(3) Donc le spécisme est lui aussi injuste.
Cet argument, qui devrait structurer la discussion publique dont fait l’objet le spécisme, est pratiquement absent des ouvrages et articles d’opinion traitant cette thématique.
Confusions communes
Plutôt que d’entreprendre de réfuter l’argument antispéciste, les défenseurs du statu quo se contentent le plus souvent de contester l’analogie tracée avec le racisme en notant que ces formes de discrimination diffèrent à plusieurs égards. D’abord, puisque les races n’existent pas, le racisme repose sur une fausse ontologie ; on ne peut pas en dire autant du spécisme. Ensuite, les groupes raciaux sont égaux, contrairement aux différentes espèces. Enfin, tandis que les victimes du racisme ont de tout temps lutté contre leur oppression, les poules, les vaches et les cochons sont impuissants face au spécisme.
Cette objection est confuse. Même à supposer qu’elles soient correctes, ces trois observations ne permettent de réfuter ni l’une ni l’autre prémisse de l’argument antispéciste. De fait, les différences qu’elles invoquent n’ont rien à voir avec l’injust