Société

Introduction à un scandale d’État – l’affaire du lycée musulman Averroès (1/5)

Politiste

Cinq jours après l’attentat islamiste au lycée Gambetta d’Arras, le préfet du Nord notifie au lycée privé musulman Averroès de Lille son intention de résilier – une décision inédite dans la Ve République – son contrat d’association. Pourtant, les premiers éléments présentés « à charge », loin des menaces sécuritaires invoquées par le préfet, semblent incapables de justifier une telle décision… Premier de cinq volets d’un article sur l’affaire du lycée Averroès.

Le 7 décembre 2023, le préfet du Nord notifiait à l’association Averroès sa décision de résilier, à compter du 1er septembre 2024, le contrat d’association qui liait le lycée du même nom à l’État depuis 2008. L’association n’a pas obtenu la suspension en urgence de cette décision après deux recours devant le tribunal administratif de Lille. Un recours au fond est toutefois pendant, sans indication sur la date du jugement.

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C’est la première fois depuis l’adoption de la loi Debré, le 31 décembre 1959, qu’un lycée sous contrat d’association avec l’État voit celui-ci y mettre fin. Il n’existait, avant cette décision, que deux lycées musulmans sous contrat en France. Le lycée Averroès était le plus important, avec plus de cinq cents élèves scolarisés.

Le caractère absolument exceptionnel de cette décision laisse à penser que les motifs avancés sont particulièrement graves et les conclusions, partagées par l’ensemble des sphères compétentes de l’État.

Le lycée est donc désormais hors contrat, comme le collège attenant qui, lui, n’a jamais été contractualisé, en dépit de nombreuses démarches menées par l’association.

La perte des financements publics divers apportés par l’État et le Conseil régional dans le cadre d’un contrat d’association place l’établissement dans une situation financière très difficile. Une levée de fonds réalisée par l’association lui permet encore de fonctionner hors contrat. Les familles ont été obligées d’augmenter substantiellement leur contribution, ce alors que le lycée comptait, avant la décision préfectorale, un peu plus de 60 % de boursiers, un chiffre très élevé pour un établissement privé. La résiliation du contrat entraîne en effet la fin du statut de boursier et, par ailleurs, oblige les élèves à passer des épreuves finales du baccalauréat car les établissements hors contrat ne sont pas concernés par la prise en compte du contrôle continu.

J’ai été sollicité par les responsables de l’association Averroès, gestionnaire du lycée,


Pierre Mathiot

Politiste, Professeur Sciences Po Lille