Devant le Capitalocène, relire Charles-Ferdinand Ramuz
L’écrivain suisse romand Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947) n’est pas à la mode. On ne le lit plus beaucoup, en France du moins. Mais peut-être notre temps appelle-t-il à le relire. Notre temps, qu’on appellera Capitalocène plutôt qu’Anthropocène pour insister sur la responsabilité du capitalisme dans le réchauffement climatique[1], gagnerait sans doute à s’intéresser en particulier à son roman de 1922, Présence de la mort[2]. Ramuz, bien sûr, n’a pas anticipé les bouleversements du système Terre, devenus visibles des décennies après sa mort. Il n’a pas non plus fait œuvre de prophète. C’est autrement qu’il nous concerne.

Ici même, Dominiq Jenvrey appelait récemment à tirer les conséquences de nos discours sur la « transformation » de nos sociétés. C’était déjà ce que faisait Ramuz cent deux ans plus tôt. C’est donc une lecture anachronique de Présence de la mort que je propose, une lecture à la lumière de ce que nous sommes devenus depuis cent deux ans. En quoi cette lecture peut-elle éclairer notre Capitalocène ?
Mais, d’abord, d’où vient ce roman ? Il fait partie d’une série de cinq livres qui, dans l’œuvre abondante de Ramuz, publiée de 1905 à sa mort, se détachent par un « thème » particulier. Ils interrogent des mystères de l’imaginaire chrétien : le diable (Le Règne de l’esprit malin, 1917), le miracle (La Guérison des maladies, 1917), la prophétie (Les Signes parmi nous, 1919), l’au-delà (Terre du ciel, 1922) et la fin du monde (Présence de la mort, 1922). Ce dernier ouvrage présente un argument qui fait, aujourd’hui, penser à la science-fiction : une rupture dans l’ordre cosmique fait que la Terre quitte son orbite et se précipite vers le Soleil. Dans les termes de Ramuz, dans le premier chapitre : « Par un accident dans le système de la gravitation, rapidement la terre retombe au soleil et tend à lui pour s’y refondre. Alors toute vie va finir. Il y aura une chaleur croissante. Elle sera insupportable à tout ce qui vit. Il y aura une chaleur cro