Numérique

Les vertiges du challenge ou quand les réseaux sociaux créent la bêtise

Sémiologue

Les résultats de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs seront publiés ce jeudi 11 septembre. Que l’on assiste en direct au décès d’un streamer, ou que des jeunes s’infligent des violences pour correspondre aux normes viriliste ou sexiste, les challenges qui fleurissent sur les réseaux sociaux cristallisent des injonctions violentes et posent un problème de santé publique qu’il faut réguler.

À l’occasion de la mort de Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, les médias et le grand public semblent découvrir que le « viewer », après le téléspectateur, peut être sadique. Ce n’est pourtant pas nouveau. Le spectacle de la télé-réalité a habitué depuis deux décennies le public à payer pour voir, que ce soit en votant sur des numéros de téléphone surtaxés pour éliminer un ou une candidate ou, comme dans le cas du streamer, en payant pour lui infliger des sévices.

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Ce qui est nouveau, c’est que cette emprise sur celui qui est dans l’écran est en direct. Vu sous cet angle, il faut ajouter que bien souvent le sujet qui est victime de dispositif est, de son côté, masochiste, comme en témoigne cette information qui m’a réveillé un matin d’avril : des jeunes gens se frappent à coups de marteau sur le visage pour masculiniser leur apparence. D’autres, pour obtenir le même résultat, préconisent de mâcher des chewing-gums particulièrement durs ou de placer sa langue à plat contre le palais en permanence. En anglais comme pour toutes les nouvelles tendances, on parle de « looksmaxxing », traduit approximativement par « améliorer son apparence ».

Je ne peux pas m’empêcher de penser que ces comportements relèvent d’une double connerie, l’une cognitive, l’autre éthique.

Quelle connerie, la mort !

Le mot n’est pas très élégant, mais il dit bien ce qu’il veut dire et il a acquis une certaine dignité dans les années passées par plusieurs parutions de livres l’incluant dans leur titre, en particulier, Psychologie de la connerie, à laquelle j’ai participé [1]. S’il qualifie bien de tels comportements, il nous vient en tête des dizaines de fois à propos des nouvelles du monde. Des sites qui affirment que la Terre est plate aux propos d’un Trump, président des États-Unis, qui, en avril 2020, pour lutter contre le Covid-19, préconisait d’injecter de l’eau de Javel par intraveineuse. Les assertions fausses du « platisme » sont des atteintes à la raison, mais, après


[1] Voir notamment, Armand Farrarchi, Le Triomphe de la bêtise, Actes Sud, 2021.

[2] L’Éthique aujourd’hui, Gallimard, Folio Essais, 2007, p. 31

François Jost

Sémiologue, Professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3

Notes

[1] Voir notamment, Armand Farrarchi, Le Triomphe de la bêtise, Actes Sud, 2021.

[2] L’Éthique aujourd’hui, Gallimard, Folio Essais, 2007, p. 31