La recherche malade du management
Si la recherche est malade, c’est parce qu’elle est gérée comme une entreprise mise en concurrence sur le marché mondial de la connaissance. C’est ce que les chercheurs, enseignants-chercheurs et personnels administratifs vivent chaque jour dans leurs laboratoires ou leurs salles de cours mais que le gouvernement s’obstine à ne pas voir.

La recherche publique ne manque ni de compétences ni d’engagement ; elle manque d’air. Elle étouffe sous un mode de gouvernance qui transforme un service public en segment de marché, des collectifs de travail en portefeuilles de projets, des trajectoires scientifiques en courbes de performance. Dans le cadre des débats sur le budget de la recherche à l’Assemblée nationale, c’est ce que j’ai pu mettre en évidence. Le rapport produit à l’occasion de ces travaux n’est pas un simple exercice comptable : c’est la radiographie politique de ce manque, le récit chiffré – et parfois brutal – de ce que l’emprise du « new public management » et de la politique des chiffres font à notre système de recherche.
Je dois dire d’où je parle. Aujourd’hui, j’écris en tant que député, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche dans le projet de loi de finances. Mais je viens du monde de la recherche – où j’ai été directeur de recherche. J’ai vu et vécu les contrats courts, les comités de sélection interminables, les réunions de labo à préparer tard le soir, les appels à projets rédigés dans l’urgence parce que la deadline tombe toujours au plus mauvais moment, les articles soumis à la revue dans des versions bâclées. J’ai connu le fardeau administratif qui grignote les heures de recherche, le sentiment de culpabilité, quand on ferme sa boîte mail pour essayer, simplement, de penser.
C’est aussi parce que je viens de cet environnement académique que j’écris aujourd’hui, pour rendre compte de ces travaux. Pour beaucoup des lecteurs et lectrices de cet environnement, il n’y aura peut-être rien de bien nouveau ici, si ce n’est le témoign
