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Revenir sur Boutcha : désinformer la guerre en Ukraine avec l’OSINT

Chercheur en sciences de l'information et de la communication

L’investigation en sources ouvertes (OSINT) a permis de révéler des crimes de guerre sur de nombreux théâtres d’opération. Une « grammaire de la véridiction » s’est comme imposée pour faire surgir la vérité des images numériques, mais celle-ci joue parfois sur des effets de réels qui font risquer des surinterprétations. Partant, l’OSINT a tout intérêt a davantage réfléchir sur ses propres méthodes, à ouvrir ses propres boîtes noires, pour donner plus de force à ses démonstrations.

L’année dernière dans les pages d’AOC, je proposais de revenir sur ce que j’avais appelé « quelques impensés de l’OSINT », en interrogeant une certaine forme de techno-déterminisme des enquêtes en sources ouvertes, à partir de l’exemple de l’une d’entre elles, réalisée par la BBC, portant sur la mort de plusieurs dizaines d’exilés à la frontière européano-marrocaine de Melilla. L’OSINT, comme l’écrit également dans AOC Hugo Estecahandy, est l’« acronyme accrocheur d’Open Source INTelligence » (« Renseignement en sources ouvertes », en français), ce terme fourre-tout désigne un ensemble de méthodes et techniques d’investigation appuyées sur des ressources numériques. Dans le contexte du conflit en Ukraine, l’OSINT est souvent associé au décryptage d’images de combats ou encore photographies satellites de la ligne front, permettant de localiser des mouvements de troupes ou encore d’identifier certains types d’armement.

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Dans ce nouvel article, je désire justement me concentrer sur des enquêtes portant sur des évènements survenus en Ukraine après son invasion par la Fédération russe. Cependant, je ne me focaliserai pas comme précédemment sur la méthodologie de l’enquête mais j’étudierai certains codes graphiques et visuels utilisés lors des restitutions vidéo de ces investigations. Pour ce faire, je m’appuierai à la fois sur une série d’enquêtes réalisées par le quotidien étatsunien New York Times autour de ce qui été appelé « le Massacre de Boutcha », et j’aborderai également la critique et la récupération de ces formes visuelles OSINT au sein d’« enquêtes » négationnistes et pro-russes à propose même évènement.

J’entends ainsi démontrer que ces formes visuelles constituent, comme toutes formes visuelles médiatiques, un contenant dans lequel n’importe quel discours peut être coulé. Les formes visuelles de l’OSINT ont la spécificité de jouer sur un sentiment d’objectivité et d’adéquation avec la réalité factuelle, grâce à l’utilisation de schèmes graphiques précis. Je propose de nommer cet ensemble de schèmes visuels une « grammaire visuelle de la véridiction » (GVV). C’est-à-dire un ensemble de codes graphiques qui, par eux-mêmes, prétendent énoncer le vrai. L’utilisation de cette GVV nous renvoie alors à cette ère connectée où tout un chacun peut mener des enquêtes ou des contre-enquêtes OSINT[1], mais elle nous oblige également à nous interroger sur le design de l’information des services d’investigations visuelles des grandes rédactions de presse, ainsi qu’à ses effets sur la vidéosphère[2].

Bien évidemment, toutes les enquêtes OSINT ne sont pas reconstituées sous forme vidéo, et d’ailleurs l’OSINT en tant que tel n’appelle pas forcément de manière générale une restitution publique. Cet article n’a donc pas pour but d’unifier le champ de l’OSINT – une tâche d’ailleurs ardue tant une méthodologie peut difficilement permettre d’unir différents groupes aux aspirations parfois radicalement opposées. Il consiste plutôt en une analyse de certaines formes que prennent les enquêtes journalistiques ainsi que de la circulation de ces formes. Cet objectif, certes modeste, semble pourtant aujourd’hui indispensable à mener.

Si je décide de m’arrêter sur Boutcha, c’est parce que cet évènement représente un pivot dans la production d’investigations visuelles à distance et dans la perception des enquêtes en sources ouvertes, en partie à cause de l’utilisation de la GVV dans la guerre de désinformation dont le conflit fait l’objet. Boutcha n’est peut-être que la répétition générale d’un phénomène prenant aujourd’hui de plus en plus d’ampleur au sein des stratégies d’influences et de désinformation, et qui risque d’ailleurs de s’aggraver avec le développement des intelligences artificielles génératrices d’images.

On peut en effet se dire que, dans le cas de Boutcha, l’autorité énonciatrice a joué un rôle déterminant dans la réception du message. Nous avons d’un côté le New York Times et les grands titres de la presse occidentale, et de l’autre des vidéos provenant des canaux Telegram pro-russes institutionnels ou non et/ou réputés complotistes. Le choix du lecteur quant à la confiance qu’il accorde à tel ou tel discours dépend d’un ensemble de facteurs subjectifs, mais est aussi socialement construit et renvoie à une histoire de l’autorité journalistique. Il ne faut  pas nier les adaptations et les pratiques locales des médias de désinformation, mais malgré la perte de confiance des citoyens occidentaux envers les médias traditionnels, comme le montrent les enquêtes Reuters des dernières années, les médias de désinformation demeurent moins consultés et moins persuasifs, si ce n’est pour une minorité déjà convaincue, d’autant plus que, comme le rappelait Dominique Cardon dans les colonnes d’AOC il y a quelques années, la plupart de ce qu’on appelle les fake news n’atteignent qu’une minorité d’internautes. Ainsi, sans doute n’avez-vous jamais vu les vidéos pro-russes dont je vais discuter ici, à moins d’avoir une pratique personnelle ou professionnelle des canaux de diffusion pro-russes sur Telegram, d’une plateforme comme Odyssee que l’on pourrait comparer à un YouTube complotiste, ou encore de la plateforme VKontakte, le « Facebook russe »[3].

Là où Boutcha peut être envisagée comme une répétition générale, c’est que la GVV est aujourd’hui utilisée de manière contradictoire par des médias dont la fiabilité n’est pourtant pas supposée douteuse. Ainsi, lors des premiers jours ayant suivi l’explosion de l’hôpital Al-Alhi dans la bande de Gaza le 17 octobre 2023, des enquêtes OSINT provenant de structures d’autorité journalistiques ou affiliées (BBC, Le Monde, Forensic Architecture, Al Jazeera, etc.) ont abouti à des conclusions très différentes sur la responsabilité de l’explosion, incriminant soit l’armée israélienne (elle-même fournissant une contre-enquête OSINT pour prouver son innocence) soit une roquette perdue provenant de l’intérieur de la bande de Gaza appartenant supposément au Jihad islamique. Je suis aujourd’hui convaincu que ce type d’affrontement informationnel utilisant la GVV va s’accroître, c’est pourquoi il me parait nécessaire d’analyser ce qui se trouve déjà en germe dans le cas Boutcha.

Boutcha, chronologie d’une temporalité médiatique et de contre-enquêtes

Revenons sur la chronologie de Boutcha, en tant qu’évènement médiatique. Le 1er avril 2022, après plus d’un mois d’occupation de la ville de Boutcha au nord-est de Kiev par l’armée russe, les médias occidentaux découvrent avec horreur le massacre perpétré dans cette ville. La rue Yablunska, principale artère de la ville, est jonchée de corps de civils exécutés sommairement. Après la diffusion des premières images, les autorités russes font circuler un démenti sur les différents canaux de diffusion officiels des ministères. Cette information est reprise par les sphères pro-russes. Le compte Twitter Aurora Intel publie alors une première vidéo OSINT affirmant prouver l’inexactitude des propos de Moscou. Le New York Times publie ensuite une première vidéo incriminant directement l’armée russe et attestant que les corps des civils étaient sur place dès le 11 mars, alors qu’étaient présentes les forces d’occupation russe dans la ville, à partir d’analyses d’images satellites et d’images accessibles en ligne. Les autorités russes accusent cette vidéo d’être un coup monté de l’Occident, rhétorique classique de la part du Kremlin qui instrumentalise cette guerre afin d’en faire un choc de civilisations[4]. Des « enquêtes OSINT » pro-russes reprennent alors les mêmes vidéos que celles utilisées par le New York Times et y ajoutent d’autres trouvées sur les médias sociaux, dans le but de démontrer que les cadavres sont en fait des figurants participant à une mise en scène postérieure au départ des soldats russes de Boutcha. Le New York Times produit une autre enquête documentant l’exécution méticuleuse de différents civils ukrainiens par les troupes russes. Les complotistes détricotent alors à nouveau les vidéos du journal et mettent en doute les éléments présentés. Le New York Times publie encore deux enquêtes, l’une en septembre 2022 et l’autre en décembre 2022, c’est-à-dire neuf mois après les évènements. La seconde consiste en une double investigation, avec d’un côté une enquête présentant les visages des coupables présumés, et de l’autre un article hagiographique à propos des victimes du massacre. Dans cette vidéo, les enquêteurs du New York Times expliquent que : « cette enquête montre avec des détails accablants que ces meurtres n’étaient pas des actes de violence commis au hasard, mais qu’ils faisaient partie d’une opération méthodique, planifiée et meurtrière qui pourrait constituer des crimes contre l’humanité.[5] » Ce que l’on peut retenir de ce chassé-croisé d’enquêtes, c’est que chacune d’entre elles, aussi bien celles du New York Times que celles des canaux de désinformation, s’appuie sur une méthodologie OSINT et utilise la GVV dans le cadre de restitutions vidéo.

Constater la présence de la même GVV de l’OSINT dans les enquêtes que l’on peut considérer comme sérieuses et dans le champ de la désinformation peut surprendre et doit être mis en perspective. Pour la chercheuse en cinéma Aurélie Ledoux, spécialiste entre autres des images du complotisme, le lien entre OSINT et visée critique est central dans un « geste méthodologique […] qui consiste à appréhender l’information comme trace, c’est‐à‐dire comme élément matériel dont la signification est susceptible d’échapper à son émetteur ou d’excéder l’intention qui présidait à sa production. L’information constitue ainsi une “empreinte polysémique” elle-même ouverte à l’interprétation et pouvant à ce titre prendre sens dans de nouvelles mises en récit qui déjouent les effets d’autorité.[6] » C’est en ceci que, dans le cas de Boutcha, on voit s’affronter des discours contradictoires employant les mêmes méthodes de l’OSINT. Toujours selon Aurélie Ledoux, « Ce cas de figure est d’autant plus problématique qu’il ne semble ni extérieur ni contingent aux pratiques OSINT, mais qu’il relèverait des conditions mêmes de leur essor.[7] » Ce sentiment de malaise se trouve également exprimé d’une façon quasiment similaire par Alexa Koenig, figure incontournable de l’OSINT, co-fondatrice du Center for Human Right de l’université de Berkeley, qui, dans un entretien sur le site de la Columbia Journalism Review, constate  que : « La possibilité de recourir à des techniques d’investigation de sources ouvertes (souvent appelées “OSINT”) a permis aux journalistes de remettre en question les comptes rendus officiels de l’actualité et de découvrir des histoires qu’ils n’auraient pas pu raconter autrement. Mais le recours à ce type d’analyse a également alimenté la désinformation en donnant un faux sentiment de certitude à des affirmations fondées sur des documents impartiaux et, souvent, non vérifiés.[8] »

La grammaire visuelle de la véridiction

D’où provient le sentiment de certitude que l’on associe spontanément à l’OSINT et qui pourtant peut parfois être un leurre ? Il me semble que l’un des éléments de réponse, même s’il n’est pas le seul, réside dans l’utilisation d’une certaine GVV, prétendant à travers des schèmes visuels précis situer l’enquête du côté de la certitude et de l’irréfutabilité. Se faisant, elle masque une complexité sémantique dont les tenants et les aboutissants ne sont pas forcément pris en charge par les organes de presses. C’est en tout cas l’idée que je propose afin d’approfondir les propos des deux chercheuses citées ci-dessus.

En effet, l’OSINT journalistique est souvent composé d’une restitution sous forme vidéo qui reconstruit la démarche de l’enquête et met en scène la récolte d’images et leur interprétation, ces images n’accédant au statut de preuves qu’à travers la construction des journalistes. Ce statut de preuves n’a d’ailleurs pas le même sens dans d’autres contextes d’énonciation, réclamant d’autres processus d’administration de la preuve, comme le contexte juridique. Dans le cas des enquêtes du New York Times, les formes visuelles utilisées sont renforcées par la confiance que l’on confère – ou non – à l’autorité énonciative d’un quotidien réputé dans le monde entier.

L’utilisation de la GVV et d’une certaine mise en récit (storytelling) construisent une narration qui nous amène d’un point A à un point B comme par fatalité. C’est ce que nous appelons, avec ma collègue Rayya Roumanos, dans un article à paraître sur le traitement de Boutcha dans les enquêtes du New York Times, un passage d’une « recherche de preuves à une construction d’évidences » en jouant sur la polysémie du deuxième terme dans des jeux de traduction avec la langue anglaise. Si la confiance envers le quotidien n’est pas acquise, et si l’on regarde avec un œil critique les « preuves » qu’il nous présente, on peut douter de ce qui nous est présenté, tant les éléments mobilisés relèvent d’une complexité sémantique alors qu’ils sont exposés comme évidemment irréfutables. Ainsi, tout en étant convaincu de la responsabilité russe dans le massacre de Boutcha, je me surprends à éprouver une certaine perplexité, voire peut-être un soupçon, face à l’enquête du New York Times. Quand le journal me demande de reconnaitre l’image d’un corps, là où je ne distingue que des pixels flous, je n’interprète pas le passage de la valeur dénotative de l’image à la connotation attribuée par le journal comme une évidence.

Avant de pouvoir poursuivre mon raisonnement, il me semble nécessaire de préciser quels sont les schèmes visuels de cette GVV mobilisée dans les enquêtes sur le massacre de Boutcha du New York Times, entendu qu’ils apparaissent également très fréquemment dans les vidéos OSINT produites dans le champ journalistique. Les trois principaux sont les suivants :

1) Les vues satellitaires utilisées en split-screen et juxtaposées à une vidéo filmée sur le terrain. Comme l’écrit le chercheur norvégien Fredrik Bjerknes : « Les cartes sont perçues comme réelles, non pas en raison de leur correspondance avec la réalité, mais en raison de leur correspondance avec les séquences vidéo adjacentes. Simultanément, la valeur de vérité de la séquence est renforcée vice-versa par la même logique : lorsque le New York Times indique sur les cartes où la séquence a été prise, une cohérence est établie entre les deux artefacts, générant une dynamique où ils se valident l’un l’autre.[9] » Il est pourtant difficile de nier la complexité sémiotique entre ces deux types d’images et le gouffre qui les sépare. En toute bonne fois, il m’est parfois assez difficile de voir
sur les images ce que les enquêteurs OSINT m’enjoignent à voir, et ainsi d’établir les correspondances sur lesquelles reposent pourtant toute leur démonstration. L’évidence qui nous est présentée n’est alors pas si évidente, si l’on s’appuie sur la valeur purement dénotative des images.

2) Cette question de la dénotation des images s’avère également centrale dans la mise en place d’un ensemble de formes géométriques (flèches, encadrement, surlignements, hachures, etc.) censées mettre en lumière (« highlighting » comme l’écrit Charles Goodwin[10]) des pixels dont la connotation ne peut être unique. Ainsi, les enquêtes OSINT foisonnent de formes géométriques de couleurs différentes indiquant ce que l’on doit voir et instituant des correspondances avec d’autres images, comme notamment des vues satellitaires.

3) On répertorie enfin la monstration photographique de documents officiels. Les enquêtes du New York Times, alors qu’elles pourraient se contenter d’énoncer avoir trouvé un document sur un terrain, choisissent d’en faire la monstration dans leurs vidéos. Ainsi, le montage vidéo est ponctué de photographies de documents en russe, sur lesquels sont superposées des traductions en anglais. Ces plans, qui pourraient être considérés comme de simples plans d’illustration, servent à mettre en scène les valeurs généralement attribuées au document dans les sciences de la documentation : prouver et enseigner[11]. Ces documents produisent un effet de réel[12], prouvant à la fois leur existence, mais aussi de manière autoréflexive leur authenticité.[13]

La description de ces schèmes visuels utilisées par le New York Times n’entend pas remettre en cause le sérieux des enquêtes menées par le journal, elle est plutôt une invitation à considérer la complexité de ces images, que la GVV et le storytelling figent toutefois comme des évidences. Par exemple, les images satellites souvent utilisées sont loin d’être des images « simples ». Bien qu’elles apparaissent comme une seule et unique image, elles résultent en fait de l’agrégation d’images composites constituées d’une myriade d’autres images[14]. De plus, les schèmes visuels que nous avons identifiés se combinent entre eux afin de créer des entités sémiotiques à caractère composite d’une grande complexité. Par exemple, on peut observer des plans où le fond est composé d’une vue satellite, sur laquelle des formes géographiques sont tracées, sur lesquelles sont superposées des images de médias sociaux, des photographies de documents, et, sur ces documents, des encarts de traduction. S’il est important de considérer cette complexité, c’est que les discours conspirationnistes l’utilisent pour jeter l’opprobre sur les enquêtes menées par le New York Times.

Face à ce discrédit, les discours d’autorité d’une instance d’énonciation, aussi prestigieuse soit-elle, ne permettent pas de rétablir une vérité factuelle. La narration complotiste exploite le doute qui nait d’un écart entre ce que le spectateur perçoit et ce qu’on lui demande de voir. Elle le fait en endossant une posture de contre-discours propre à l’OSINT, mais aussi un discours de critique des images – et du simulacre de réalité représentée – qui ne peut pas laisser insensible un théoricien de l’image. L’argumentation complotiste exploite alors un doute pourtant légitime, et interroge les choix de cadrage des images, dans le but de les faire passer pour des manipulations cachant la réalité des évènements.

La critique des images complotistes et le réinvestissement de l’image

Les vidéos complotistes se retrouvent alors à endosser une critique des images, énonçant par exemple, à l’instar des vidéos de Michel Collon, chantre belge de la « réinformation » et directeur du média Investig’action, que les images ne disent jamais tout, que la réalité est beaucoup plus complexe que les représentations qui en sont faites. Elles affirment une position critique des médiations que les journalistes ne prennent pas toujours en compte. Et pourtant, ces discours complotistes, dans un mouvement contradictoire, reprennent eux-mêmes les images satellites, les formes géométriques, l’exposition de documents, ainsi que tous les autres schèmes visuels constituant la même GVV. Contrairement aux journalistes, ils ne donnent quasiment jamais de conclusions directes, mais pointent plutôt ce qu’ils considèrent comme des incohérences. Ainsi, ils pallient leur manque d’autorité en revêtant celle du doute, prôné en tant que fondement de toute démarche de connaissance. En utilisant une même grammaire visuelle et en jouant sur l’illisibilité des pixels qu’ils resémiotisent, ils proposent d’autres « complexes iconiques » qu’ils appellent « (contre-)enquêtes ».

Eyal Weizman dans La vérité en ruines[15], mobilise cette idée de complexes iconiques pour qualifier une partie du travail en OSINT. Il écrit qu’aujourd’hui, l’absence d’image n’est plus le problème, contrairement aux époques où la rareté des appareils de prises de vues photographiques amenait à la non-représentation documentaire d’évènements historiques majeurs. Aujourd’hui, nous sommes au contraire face à une surproduction d’images, c’est leur surabondance qui complexifie la démarche d’enquête. Dans les deux situations, une image seule ne prouve rien, elle doit être reliée à d’autres images ou documents pour rendre compte d’une réalité. Weizman appelle ces relations entre les images des « complexes iconiques ». En piochant des images mises en relation entre elles et avec d’autres documents, les complotistes proposent des complexes iconiques concurrents à ceux des rédactions de presses. On remarque que cette démarche est mobilisée par les communautés complotistes en ligne qui invoquent le besoin de lier les points entre eux (« connecting the dots »), nous dirons ici les images entre elles.

Les discours affirmant que Boutcha est une mise en scène occidentale reprennent ainsi des images produites par Associated Press par exemple, mais également celles exclues des enquêtes menées par les journalistes. Nous ne sommes ici pas face à la production de faux documents mais à la construction de complexes iconiques concurrents. Ces derniers s’appuient sur une mise en doute des discours d’autorité, propre aux contre-enquêtes, et sur un doute généralisé à propos des sources journalistiques. Par exemple, certains discours niant les évènements de Boutcha créent des liens entre les images des satellites MAXAR et le fait qu’il s’agisse d’une entreprise américaine, soulignant la hausse de sa valeur boursière depuis le début de la guerre en Ukraine, considérant que ces images sont nécessairement mises au service du gouvernement étatsunien. Dans leurs enquêtes en sources ouvertes, ils mobilisent également d’autres images des rues de Boutcha, vides et non jonchées de cadavres. Ces vidéos existent en ligne et ont été publiées sur YouTube le 1er avril 2022, mais une publication le 1er avril ne signifie pas que la vidéo a été tournée à cette date précise, ce qu’ils font pourtant semblant d’ignorer.

À travers ces exemples, on voit qu’il s’agit de créer des liens frauduleux et d’induire en erreur à partir de documents existant en ligne et qui n’ont pas été fabriqués pour l’occasion. Tout en jetant le doute sur les discours officiels, en créant d’autres complexes iconiques, ils utilisent la GVV afin de resémiotiser les informations trouvées en ligne. Doute et GVV fonctionnent ainsi de concert et se renforcent l’un l’autre pour fournir des documents avec une grande force de persuasion.

Cette concurrence de complexes iconiques recouvre quelque chose de plus complexe que l’utilisation de fakes news ou de faits alternatifs. Si l’on convoque l’histoire de ces expressions aujourd’hui reprises par la presse, on se doit d’évoquer l’ancien président des États-Unis Donald Trump. Lors de son investiture, il avait affirmé qu’il y avait plus de citoyens américains qu’à l’occasion de celle de son prédécesseur Barack Obama. Les images en ligne et l’analyse satellite permettent de prouver sans l’ombre d’un doute que ces propos ne se fondent sur aucune réalité factuelle. Donald Trump s’en défend en affirmant avoir en sa possession des « faits alternatifs » prouvant qu’il a raison[16]. C’est-à-dire que c’est à partir du moment où l’on a la possibilité de vérifier les faits à partir de sources facilement accessibles, qu’il lui faut inventer l’existence de faits alternatifs. A l’inverse, dans le cas des enquêtes sur Boutcha, nous ne sommes pas face à la création de faits alternatifs, mais à la construction d’un cadrage de la réalité différent, dans le but de défendre des points de vue sur la réalité et la factualité. C’est par ailleurs ce qui se retrouve aujourd’hui central dans la couverture du conflit Israélo-Hamas quand les médias faisant autorité se fondent sur des vidéos existantes, et correspondant bel et bien à l’endroit et à la temporalité de l’évènement dont parlent ces médias, mais qui les amènent à des conclusions différentes par la construction de complexes iconiques contradictoires.

Les journalistes, pour se prémunir des liens frauduleux entre deux images ou documents, laissent souvent en sources ouvertes les informations qu’ils et elles ont collectées, afin de permettre au lecteur de refaire à leur tour les enquêtes. Cependant, ce vœu pieux fait face à la réalité de la saturation informationnelle numérique dans laquelle tout citoyen se trouve aujourd’hui, et la possibilité de refaire une enquête n’amène pas à ce que celle-ci soit réellement refaite. Ainsi, les discours pro-russes se fondent sur cette possibilité qu’ils savent illusoire afin de construire des complexes iconiques trompeurs, en capitalisant sur les attraits de la GVV et en sachant que le debunk de leurs pseudo-enquêtes circulera beaucoup moins. Cette manipulation de l’information est d’une grande efficacité, ainsi que d’une grande perversité, car elle est plus réelle que le réel. Elle permet d’endosser les atours séducteurs d’un complot (le massacre est un coup monté), narrativement attractif, tout en se fondant sur un effet de réel grâce à l’indicialité de la photographie et à l’utilisation d’une GVV.

La compétition pour le cadrage et comment « encadrer le cadre »

Ces discours renvoient à ce que le chercheur israélien Ilan Manor propose d’appeler, à la suite d’autres théoriciens, la framing competition[17](compétition pour le cadrage). Manor désigne à travers ce terme la concurrence à laquelle se livrent les différentes institutions dans le cadre de communication de diplomatie publique numérique[18]. Le framing (cadrage) est un terme utilisé dans les sciences de la communication anglophone pour aborder la manière dont la réalité se trouve cadrée par les différents types de médiations. Il permet d’envisager comment ces cadrages influencent la manière dont les personnes perçoivent le monde ainsi que leurs opinions et leurs actions.

Pour le théoricien étatsunien Robert Entman, le framing est d’ailleurs l’exemple parfait d’un concept démontrant comment les sciences de la communication sont une discipline dont l’un des traits principaux est de réussir à unifier un terme présent dans de nombreuses autres disciplines. Dans un article datant de 1993, il écrit que le « cadrage implique essentiellement la sélection et la saillance. Le cadrage consiste à sélectionner certains aspects d’une réalité perçue et à les rendre plus saillants dans un texte de communication, de manière à promouvoir une définition particulière du problème, une interprétation causale, une évaluation morale et/ou une recommandation de traitement pour l’élément décrit.[19] »

Nous pourrions alors dire que ces complexes iconiques OSINT se fondent sur des cadrages de la réalité, mettant davantage en lumière telle ou telle sélection et saillance de la réalité plutôt que telle autre, afin d’aboutir à une interprétation causale plutôt qu’une autre. Tout cela est soutenu par une GVV permettant d’asseoir les propos tenus d’une rigueur soi-disant scientifique. Ces cadrages entrent alors en compétition, sans que pour autant, des documents faux soient créés ou utilisés. Cela ne doit pas pour autant signifier une disparition de la factualité, mais une prise de conscience que ce qui se joue est différent. D’autant plus que cette compétition pour le cadrage dans le cas de Boutcha fait partie d’une guerre d’influence recourant à différents biais cognitifs comme ceux d’ancrage et de confirmation. Ainsi, pour les négationnistes, il faut aller vite, car les internautes retiendront plus facilement la première information perçue plutôt que l’information corrigée, et cibler ceux qui seront davantage susceptibles de croire et de relayer l’information erronée.

En prenant des documents existants et en se fondant sur la force de persuasion de l’indicialité photographique ainsi que sur celle acquise par une apparence du doute méthodique et l’utilisation d’une GVV, les relais de la désinformation et de la propagande russe créent des documents très persuasifs qui proposent de dangereux cadrages de la réalité. Néanmoins, pour ne pas s’arrêter à une simple compétition où chaque cadrage s’oppose à l’autre, chacun se basant sur une certaine forme d’autorité énonciative, il faut peut-être penser à de potentielles modifications dans les pratiques journalistiques en sources ouvertes et dans la restitution de des enquêtes, car face à un doute infini incarné par les conspirationnistes, l’autorité d’un journal, aussi réputé soit-il, restera toujours limitée.

Cette critique du cadrage médiatique se trouve déjà en 1978 dans le livre Making News de Gaye Tuchman où la sociologue étatsunienne émet une critique sur le travail des journalistes : « S’ils étaient formés à comprendre la différence entre l’inclusion de faits contradictoires épars et la remise en question d’un cadre dominant, les journalistes pourraient être mieux équipés pour construire des informations qui rendent également saillantes — également accessibles au public moyen, inattentif et marginalement informé — deux ou plusieurs interprétations des problèmes. Cette tâche exigerait des journalistes un rôle beaucoup plus actif et sophistiqué que celui qu’ils jouent aujourd’hui, ce qui se traduirait par des reportages plus équilibrés que ceux produits par la norme d’objectivité.[20] »

Dans ce cadrage de la réalité, on pourrait imaginer un renversement où ce sont les organes de presses eux-mêmes qui montrent comment les négationnistes s’appuyant sur le doute ne font qu’énoncer des certitudes. Il existe à mon sens un espace où les journalistes OSINT pourraient faire part de leurs doutes et permettre ainsi aux spectateurs d’exprimer les leurs. Pourquoi tel pixel illisible est-il un cadavre plutôt qu’autre chose ? Pourquoi ce que je vois sur cette carte est aussi ce que je vois sur une vidéo adjacente ? Accepter la contradiction des discours, consentir à l’interprétation et à la discussion des images, plutôt que de les imposer comme des évidences relevant d’une objectivité que l’on sait, et que les journalistes savent, toujours très factice, est un premier pas qui pourrait être accompli. C’est alors une question que l’on pose aux motion designers et aux journalistes OSINT : comment incorporer les faits contradictoires dans les enquêtes ?

Une deuxième question que l’on pourrait poser renvoie aux cadres dont parle la philosophe Judith Butler dans Ce qui fait une vie :  « “être encadré” ou “cadré” (to be framed) est une locution complexe en anglais : un tableau est “encadré”, mais on dit la même chose d’un criminel cerné (par la police) ou piégé (par quelqu’un de mal intentionné, souvent la police). “To be framed” signifie ainsi être victime d’un coup monté, des preuves étant artificiellement disposées de sorte à “établir” la culpabilité d’une personne.[21] »

On trouve ici la possibilité d’un coup monté, ou d’une manipulation de la réalité par le cadrage proposé, tout comme les vidéos pro-russes ont pu le faire avec leur reconstitution de Boutcha. Mais Butler continue : « Quand un tableau est encadré ou une image cadrée (When a picture is framed), ce peut être l’enjeu d’une infinité de commentaires ou d’extensions de l’image. Mais le cadre tend à fonctionner, même sous forme minimaliste, comme un ornement éditorial de l’image, sinon comme un commentaire réflexif sur l’histoire du cadre même. L’impression que le cadre guide implicitement l’interprétation fait écho à l’idée de fausse accusation. Être “encadré” dans ce sens, c’est voir construire un “cadre” autour de ses actions, de sorte que le statut de culpabilité du sujet s’impose inévitablement au spectateur. Une certaine manière d’organiser et de présenter une action conduit à une conclusion interprétative au sujet de cette action.[22] »

Si l’on s’appuie sur une analyse purement esthétique de la GVV des enquêtes du New York Times, ou de celles provenant de la sphère pro-russe, on constate que celle-ci impose en un même un cadre et, inévitablement, le statut de culpabilité à ce qu’on cherche à déterminer. Même si dans un cas, il y a une culpabilité factuelle et dans l’autre une fictive, les cadres tendent à abolir cette distinction. Une des solutions est peut-être de continuer à lire Butler qui écrit, et ce sera ma dernière citation, qu’: « il est possible d’“encadrer le cadre” (frame the frame) ou même d’“encadrer le cadreur” (frame the framer), ce qui implique d’exposer la ruse qui produit l’effet de la culpabilité individuelle. “Encadrer le cadre” semble engager une couche fortement réflexive du champ visuel mais, de mon point de vue, il n’en découle pas nécessairement des formes abstraites de réflexivité. Interroger le cadre, c’est au contraire montrer qu’il n’a jamais véritablement contenu la scène qu’il était censé délimiter, que quelque chose se trouvait déjà au-dehors, qui rendait possible et reconnaissable le sens même de ce qui est dedans. Le cadre n’a jamais déterminé précisément ce que nous voyions, pensions, reconnaissions et appréhendions. Quelque chose dépasse le cadre, qui vient troubler notre sentiment de la réalité ; en d’autres termes, il se passe quelque chose qui ne se conforme pas à notre compréhension établie des choses.[23] »

La question aujourd’hui pour le journalisme OSINT est peut-être d’apprendre à cadrer ce cadre. S’il le fait très bien pour débunker les différentes fakes news que l’on peut trouver en ligne, en explicitant les tenants et les aboutissants des différentes stratégies d’influence numériques, il ne s’exprime que très rarement, voire quasiment jamais, sur son propre cadre, même s’il explicite ses propres boites noires et rend accessible les différentes sources permettant de refaire ces enquêtes. Il faudrait peut-être envisager comment insérer le cadrage de ces dernières dans l’ossature même des vidéos qui sont produites et dont l’esthétique prolifère aujourd’hui, tel un contenant vide. Alors que l’on pensait justement l’esthétique une discipline dépassée dans notre ère résolument post-esthétique, elle pourrait revenir et jouer un rôle fondamental dans les guerres informationnelles que nous vivons, car nous avons besoin d’autres manières visuelles de restituer l’histoire en train de s’écrire. Cela est aujourd’hui, il me semble, un programme de recherche encore à mener sur les formes visuelles de cette désinformation en ligne, qu’il faut identifier afin de pouvoir lutter contre.


[1] Deneuville, A., Hernández López, G. & Rasmi, J. (2022). Un âge de nouvelles enquêtes ?. Multitudes, 89, 58-66.

[2] Debray, R. (1991). Cours de médiologie générale. Gallimard.

[3] Dans un souci éthique et par compréhension du fonctionnement de l’indexation de moteurs de recherches de Google par la réputation, je ne donnerais pas des liens d’accès à cette désinformation, afin de ne pas lui créer davantage de publicité et de ranking. Je laisse le lecteur curieux mener ces propres recherches pour retrouver de telles vidéos accessibles très facilement.

[4] Huntington, S. P. (1997). Le choc des civilisations. O. Jacob.

[5] « This investigation shows in daming details that these killing were not random acts of violence, but part of a methodical, planed and lethal operation that may amount to crimes against humanity. » Je traduis.

[6] Ledoux, A. (2022). L’enquête OSINT face au « positivisme négatif ». Multitudes, 89(4), 81‑87.

[7] Ibid.

[8] « The ability to turn to open source investigative techniques (often referred to as “OSINT”) has made it possible for reporters to challenge official accounts of the news and uncover stories that they could not have told otherwise. But reliance on this kind of analysis has also fueled misinformation by lending a false sense of certainty to claims based on impartial and, often, unverified material. »

[9] « The maps are perceived as real, not because of their correspondence to reality, but due to their correspon- dence with the adjacent video footage. Simultaneously, the truth-value of the footage is strengthened vice versa by the very same logic: When NYT pinpoints on maps where the footage was taken, coherence is made between the two artifacts, generating a dynamic where they validate each other. » Je traduis. Bjerknes, F. (2022). Images of Transgressions : Visuals as Reconstructed Evidence in Digital Investigative Journalism. Journalism Studies, 23(8), 951‑973.

[10] Goodwin, C. (1994). Professional Vision. American Anthropologist, 96(3), 606‑633.

[11] Briet, S. (1951). Qu’est-ce que la documentation ?, Éditions documentaires, industrielles et techniques.

[12] Barthes, R. (1968). L’effet de réel. Communications, 11(1), 84‑89.

[13] Non présents dans ces enquêtes, mais faisant partie intégrante de ce que je tente d’identifier comme les éléments de cette GVV, je pourrais ajouter : l’utilisation de timeline, de mosaïque d’images, de ralentis d’images, ou encore l’utilisation de modélisation 3D.

[14] Kurgan, L. (2021). Si loin, si proche: Cartographie, technologie et politique. Les Presses du réel.

[15] Weizman, E. (2021). La vérité en ruines, manifeste pour une architecture forensique. Zones.

[16] Esquerre, A., & Meyran, R. (2018). Le vertige des faits alternatifs. Textuel.

[17] Voir par exemple son analyse de la compétition de cadrage sur la sortie de l’Afghanistan.

[18] Voir à ce propos la somme théorique co-édité avec Corneliu Bjola : Bjola, C. et Manor, I. (2024). The Oxford Handbook of Digital Diplomacy, Oxford University Press.

[19] « Framing essentially involves selection and salience. To frame is to select some aspects of a perceived reality and make them more salient in a communicating text, in such a way as to promote a particular problem definition, causal interpretation, moral evaluation, and/or treatment recommendation for the item described. »  Je traduis. Entman, R. M. (1993). Framing : Toward Clarification of a Fractured Paradigm. Journal of Communication, 43(4), 51‑58.

[20] « If educated to understand the difference between including scattered oppositional facts and challenging a dominant frame, journalists might be better equipped to construct news that makes equally salient-equally accessible to the average, inattentive, and marginally informed audience-two or more interpretations of problems. This task would require a far more active and sophisticated role for reporters than they now take, resulting in more balanced reporting than what the formulaic norm of objectivity produces. » Tuchman, G. (1978). Making news. New York: Free Press. Cité dans l’article d’Entman.

[21] Butler, J. (2010). Ce qui fait une vie: Essai sur la violence, la guerre et le deuil. Zones, p.14.

[22] Ibid.

[23] Ibid.

Allan Deneuville

Chercheur en sciences de l'information et de la communication, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne (laboratoire MICA)

Notes

[1] Deneuville, A., Hernández López, G. & Rasmi, J. (2022). Un âge de nouvelles enquêtes ?. Multitudes, 89, 58-66.

[2] Debray, R. (1991). Cours de médiologie générale. Gallimard.

[3] Dans un souci éthique et par compréhension du fonctionnement de l’indexation de moteurs de recherches de Google par la réputation, je ne donnerais pas des liens d’accès à cette désinformation, afin de ne pas lui créer davantage de publicité et de ranking. Je laisse le lecteur curieux mener ces propres recherches pour retrouver de telles vidéos accessibles très facilement.

[4] Huntington, S. P. (1997). Le choc des civilisations. O. Jacob.

[5] « This investigation shows in daming details that these killing were not random acts of violence, but part of a methodical, planed and lethal operation that may amount to crimes against humanity. » Je traduis.

[6] Ledoux, A. (2022). L’enquête OSINT face au « positivisme négatif ». Multitudes, 89(4), 81‑87.

[7] Ibid.

[8] « The ability to turn to open source investigative techniques (often referred to as “OSINT”) has made it possible for reporters to challenge official accounts of the news and uncover stories that they could not have told otherwise. But reliance on this kind of analysis has also fueled misinformation by lending a false sense of certainty to claims based on impartial and, often, unverified material. »

[9] « The maps are perceived as real, not because of their correspondence to reality, but due to their correspon- dence with the adjacent video footage. Simultaneously, the truth-value of the footage is strengthened vice versa by the very same logic: When NYT pinpoints on maps where the footage was taken, coherence is made between the two artifacts, generating a dynamic where they validate each other. » Je traduis. Bjerknes, F. (2022). Images of Transgressions : Visuals as Reconstructed Evidence in Digital Investigative Journalism. Journalism Studies, 23(8), 951‑973.

[10] Goodwin, C. (1994). Professional Vision. American Anthropologist, 96(3), 606‑633.

[11] Briet, S. (1951). Qu’est-ce que la documentation ?, Éditions documentaires, industrielles et techniques.

[12] Barthes, R. (1968). L’effet de réel. Communications, 11(1), 84‑89.

[13] Non présents dans ces enquêtes, mais faisant partie intégrante de ce que je tente d’identifier comme les éléments de cette GVV, je pourrais ajouter : l’utilisation de timeline, de mosaïque d’images, de ralentis d’images, ou encore l’utilisation de modélisation 3D.

[14] Kurgan, L. (2021). Si loin, si proche: Cartographie, technologie et politique. Les Presses du réel.

[15] Weizman, E. (2021). La vérité en ruines, manifeste pour une architecture forensique. Zones.

[16] Esquerre, A., & Meyran, R. (2018). Le vertige des faits alternatifs. Textuel.

[17] Voir par exemple son analyse de la compétition de cadrage sur la sortie de l’Afghanistan.

[18] Voir à ce propos la somme théorique co-édité avec Corneliu Bjola : Bjola, C. et Manor, I. (2024). The Oxford Handbook of Digital Diplomacy, Oxford University Press.

[19] « Framing essentially involves selection and salience. To frame is to select some aspects of a perceived reality and make them more salient in a communicating text, in such a way as to promote a particular problem definition, causal interpretation, moral evaluation, and/or treatment recommendation for the item described. »  Je traduis. Entman, R. M. (1993). Framing : Toward Clarification of a Fractured Paradigm. Journal of Communication, 43(4), 51‑58.

[20] « If educated to understand the difference between including scattered oppositional facts and challenging a dominant frame, journalists might be better equipped to construct news that makes equally salient-equally accessible to the average, inattentive, and marginally informed audience-two or more interpretations of problems. This task would require a far more active and sophisticated role for reporters than they now take, resulting in more balanced reporting than what the formulaic norm of objectivity produces. » Tuchman, G. (1978). Making news. New York: Free Press. Cité dans l’article d’Entman.

[21] Butler, J. (2010). Ce qui fait une vie: Essai sur la violence, la guerre et le deuil. Zones, p.14.

[22] Ibid.

[23] Ibid.