Éducation

Il faut révolutionner les savoirs scolaires ! (1/2)

Chercheur en sciences de l'éducation

L’École injuste est d’abord une École dont les savoirs ne conviennent pas, ne sont pas en phase avec son ambition démocratique, avec les questions qui se posent aujourd’hui aux élèves réels comme à l’humanité tout entière. Une question centrale émerge : comment effectuer, entre tous les savoirs, le choix de ceux qu’on enseigne ?

On a déjà défendu dans ces mêmes colonnes[1] l’idée que l’École française, ne parvenant pas à émerger de son élitisme forcené, de son injustice de fond et de son immobilisme, exigeait la recherche d’un autre type de traitement politique que ceux qui ont consisté depuis 50 ans à mettre en œuvre la massification tout en échouant à se démocratiser[2].

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Aux deux sens d’être plus juste et de fortifier les conditions de la démocratie. Se profilent, si n’intervient pas de véritable révolution de ce secteur de l’action publique, une sinistre fracture entre les jeunesses et un risque majeur d’explosion sociale face à de révoltantes injustices.

Or, contrairement à ce que prétendent la plupart des responsables politiques qui se sont succédé, nous ne pensons pas qu’on ait « tout essayé ». Toutes les politiques se sont en effet essentiellement occupées de questions de flux, de taux d’accès, de structures, mais la question n’a pas été posée de savoir si cette propension de l’École à produire de l’injustice, malgré toutes les tentatives de réformes, ne viendrait pas de l’intérieur même des savoirs que l’École enseigne.

Pourtant le tableau qu’on peut dresser non seulement des savoirs scolaires, mais aussi du rapport à ces savoirs[3] tel que l’École le construit pour les élèves, montre plusieurs caractéristiques critiques. Les hiérarchies installées entre les savoirs jouent un rôle important dans les hiérarchies sociales que l’École encourage. Les modes d’évaluation des élèves au service de la sélection plus que des apprentissages jouent également un rôle dans le découragement de ceux qui sont les plus éloignés socialement des rites de l’École. La fermeture culturelle des enseignements dispensés ne joue pas non plus en faveur de ces élèves-là. Une conception très popularisée par plusieurs gouvernements (comme ceux des présidences Macron, où l’éducation a été successivement confiée à Blanquer et Ndiaye) d’une École dont la mission serait avant tout d’enseigner des « fondamen


[1] Voir Philippe Champy, Roger-François Gauthier, « Quels savoirs pour une école juste ? », AOC, le 27 septembre 2022.

[2] Voir pour la mise à plat des politiques éducatives françaises incapables de faire exister une École juste : Philippe Champy, Roger-François Gauthier, Contre l’École injuste !, Paris, ESF Sciences humaines, 2022.

[3] Voir dans Nathanaël Wallenhorst, Qui sauvera la planète ?, Actes Sud, 2022, 288 p. : « C’est dans notre rapport au savoir que se joue le combat démocratique » (p. 277).

[4] S’agissant de l’analyse des blocages de la politique éducative française, nous renvoyons aux analyses développées dans Philippe Champy, Roger-François Gauthier, Contre l’École injuste !, op. cit.

[5] General Certificate of Secondary Education, Advanced level.

[6] Le cas du CAP est différent : diplôme professionnel, il n’admet pas la moyenne entre des compétences dont il faut en tout état de cause faire preuve, même s’il a, lui aussi, subi des altérations en perdant une partie de sa spécificité.

[7] Voir à ce sujet le texte de Luisa Lombardi sur le blog du CICUR : « Pourquoi la notion de curriculum et l’approche curriculaire permettent de bâtir et de partager une politique éducative », publié le 31 janvier 2023 sur hypotheses.org.

[8] Un point que nous avions développé le 20 novembre 2021 dans le Grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France lors de la Rencontre CICUR sur le thème « École de la fracture ou École de la culture ? Les savoirs au centre du débat ! ».

[9] Nous nous appuyons pour partie sur la méthode inspirée par Émile Durkheim, L’Évolution pédagogique en France, PUF, Paris, 2014 [cours donné en 1905, publié de façon posthume en 1938].

[10] Voir sur ce concept notamment les travaux de la SOPHIED, Société francophone de philosophie de l’éducation.

Roger-François Gauthier

Chercheur en sciences de l'éducation, Professeur associé à l'université Paris-Descartes

Notes

[1] Voir Philippe Champy, Roger-François Gauthier, « Quels savoirs pour une école juste ? », AOC, le 27 septembre 2022.

[2] Voir pour la mise à plat des politiques éducatives françaises incapables de faire exister une École juste : Philippe Champy, Roger-François Gauthier, Contre l’École injuste !, Paris, ESF Sciences humaines, 2022.

[3] Voir dans Nathanaël Wallenhorst, Qui sauvera la planète ?, Actes Sud, 2022, 288 p. : « C’est dans notre rapport au savoir que se joue le combat démocratique » (p. 277).

[4] S’agissant de l’analyse des blocages de la politique éducative française, nous renvoyons aux analyses développées dans Philippe Champy, Roger-François Gauthier, Contre l’École injuste !, op. cit.

[5] General Certificate of Secondary Education, Advanced level.

[6] Le cas du CAP est différent : diplôme professionnel, il n’admet pas la moyenne entre des compétences dont il faut en tout état de cause faire preuve, même s’il a, lui aussi, subi des altérations en perdant une partie de sa spécificité.

[7] Voir à ce sujet le texte de Luisa Lombardi sur le blog du CICUR : « Pourquoi la notion de curriculum et l’approche curriculaire permettent de bâtir et de partager une politique éducative », publié le 31 janvier 2023 sur hypotheses.org.

[8] Un point que nous avions développé le 20 novembre 2021 dans le Grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France lors de la Rencontre CICUR sur le thème « École de la fracture ou École de la culture ? Les savoirs au centre du débat ! ».

[9] Nous nous appuyons pour partie sur la méthode inspirée par Émile Durkheim, L’Évolution pédagogique en France, PUF, Paris, 2014 [cours donné en 1905, publié de façon posthume en 1938].

[10] Voir sur ce concept notamment les travaux de la SOPHIED, Société francophone de philosophie de l’éducation.