Jurassiques Parques – sur La Foudre de Pierric Bailly
Il y a trois ans, notre collègue Fabrice Gabriel avait chroniqué simultanément les romans de Philippe Djian et Jean-Philippe Toussaint car ils se projetaient tous deux – coïncidence – en l’an 2030 ; puis, plus récemment, Sally Bonn et Jean-Philippe Toussaint parce que l’une et l’autre abordaient les conditions matérielles de l’écriture dans des essais.

La tentation est grande, il faut l’avouer, de recenser ensemble le nouveau Toussaint, L’Échiquier (éditions de Minuit), et le Bailly neuf, La Foudre, puisque ces deux récits analysent le rôle que tiennent nos amis de jeunesse dans la construction de notre identité. On pourrait même prendre la dernière phrase du Toussaint comme guide de lecture pour le Bailly : c’est sur un camarade qui « avait traversé ma vie comme une météorite dans la nuit, laissant une trace impérissable de son sillage dans le ciel aboli de ma jeunesse. » L’ouverture de La Foudre met en scène le même type de fléau naturel : « D’abord ce nom, Alexandre Perrin, et un peu plus loin ce geste étrange et criminel, un coup de planche. La coïncidence me fait rire sur le moment. Quand je dis que j’en ris, c’est de son rire à lui, bien sûr. » On n’est pas sûr d’abord que « à lui » renvoie à Alexandre Perrin, mais cette ventriloquie zygomatique se précise au fur et à mesure qu’on avance dans le livre.
Jean-Philippe Toussaint est-il tellement bon que, comme Mme Arnoux dans L’Éducation sentimentale de Flaubert, tout nous ramène toujours à lui, « par des similitudes ou par des contrastes violents » ? Pas de panique, on reviendra plus tard, dans une autre critique, sur L’Échiquier. Dans l’immédiat, direction un chalet du Haut-Jura où le narrateur de La Foudre est berger l’été. Il garde les troupeaux d’Anne-Marie Prodon, de Gex ; s’appelle Julien mais se fait appeler John comme son grand-père, ça permet aux gens du coin de le situer. Il est en couple avec Héloïse, professeure d’anglais, qui ne vit pas au chalet. Et puis, comme l’indique la quatrième de c