Recherche

Amour et preuves d’amour dans la recherche

économiste

Le 1er février, à l’occasion des 80 ans du CNRS, le Premier ministre a enfin annoncé une « loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche ». Mais pour… 2021 ! Et, en attendant, la France se classe au dixième rang des pays de l’OCDE s’agissant des dépenses de recherche. La conséquence la plus préoccupante de cette absence de financement concerne l’emploi : entre 2008 et 2016, les recrutements des principaux organismes de recherche ont baissé de 38 %.

Gagnons du temps. Ne reprenons pas les innombrables arguments qui plaident en faveur du financement de la recherche.

Vous les connaissez probablement. De même que vous savez vraisemblablement qu’en général, ils sont accompagnés de mots immenses et magnifiques comme « émancipation », « Lumières », « frontières des connaissances » qu’il s’agit de « repousser », « avenir du pays ».

Vous n’ignorez pas non plus que la recherche est présentée comme une condition indispensable, de la transition écologique pour les uns, de la compétitivité, de l’emploi et de la croissance pour les autres, et de progrès dans le domaine de la santé, pour tous. L’ « impérieuse nécessité » de « faire barrage aux fake-news » est venue récemment, avec « la bataille de l’intelligence artificielle », compléter la longue liste des arguments mobilisés dans les vibrants plaidoyers de la cause de la recherche et de son financement.

Cause qui, il faut le souligner, réussit d’ailleurs l’exploit de faire la quasi-unanimité dans le paysage politique, tous les gouvernements, depuis des décennies, entonnant le refrain de la « priorité » — autre tour de force, elle parvient presque à faire l’union sacrée parmi mes collègues économistes.

Comment dès lors ne pas se réjouir de l’annonce faite par le Premier ministre, le 1er février,  à l’occasion des 80 ans du CNRS. Rien de moins qu’une « loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur et la recherche ». Devant une telle nouvelle, passée pourtant presque inaperçue dans la crise politique et démocratique dans laquelle le gouvernement a conduit le pays, la première réaction serait de s’écrier « Enfin ! ». Certes, les plus critiques diront d’emblée qu’attendre près de deux ans pour faire un exercice que l’on aurait pu imaginer lancé en début de mandat est un peu « étonnant ». Mais, admettons : et mieux vaut tard que jamais.

Et puis, on y regarde de plus près. Et là, difficile de ne pas décolérer.

Car que nous annonce-t-on véritablement ? En fait,


[1] Faut-il en effet lui  rappeler que le grand mouvement des chercheurs de 2004, celui qui avait vu la naissance de Sauvons la Recherche, avait correspondu à des « États généraux de la recherche » ; pendant des mois, la communauté scientifique s’était alors fortement mobilisée pour dessiner des propositions de politique de recherche. Puis, après la politique désastreuse de Nicolas Sarkozy qui avait débouché en 2009 sur un autre grand mouvement de protestation (cette fois davantage porté par les universitaires), vint 2012, suivi par les « Assisses de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Il y eu ensuite les recommandations des STRANES, SNR, celles du « livre blanc » de 2017 ; je vous passe les explications des sigles, là encore gagnons du temps, puisque les conclusions auxquelles ils arrivèrent d’un indispensable effort majeur dans le financement de la recherche – après bien sûr de longues concertations – … ne furent jamais réellement suivi d’effet ! Vous comprenez donc que de la concertation aujourd’hui, la communauté scientifique soit un peu lasse. Et ce d’autant qu’au cours de la même période, les politiques menées ont systématiquement affaibli la collégialité dans les établissement universitaires et de recherche.

[2] Cette expression avait été utilisée par Valérie Pécresse, alors Ministre de la recherche, au plus fort de la contestation dont sa politique faisait l’objet et alors qu’elle jonglait avec des milliards qui… malheureusement, nous en avons la preuve désormais aujourd’hui ne se sont jamais posés, ni sur la recherche, ni sur l’université.

[3] Qui correspond à la somme des moyens financiers nationaux et étrangers pour des travaux de R&D exécutés sur le territoire national.

[4] On parle alors de la DIRDE,  les dépenses de R&D des entreprises et DIRDA, les dépenses de R&D des administrations, c’est-à-dire les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. Attention, il faut souligner que si l’on cherche les « preuve

Isabelle This Saint-Jean

économiste, Professeure à l'université Sorbonne Paris-Nord

Notes

[1] Faut-il en effet lui  rappeler que le grand mouvement des chercheurs de 2004, celui qui avait vu la naissance de Sauvons la Recherche, avait correspondu à des « États généraux de la recherche » ; pendant des mois, la communauté scientifique s’était alors fortement mobilisée pour dessiner des propositions de politique de recherche. Puis, après la politique désastreuse de Nicolas Sarkozy qui avait débouché en 2009 sur un autre grand mouvement de protestation (cette fois davantage porté par les universitaires), vint 2012, suivi par les « Assisses de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Il y eu ensuite les recommandations des STRANES, SNR, celles du « livre blanc » de 2017 ; je vous passe les explications des sigles, là encore gagnons du temps, puisque les conclusions auxquelles ils arrivèrent d’un indispensable effort majeur dans le financement de la recherche – après bien sûr de longues concertations – … ne furent jamais réellement suivi d’effet ! Vous comprenez donc que de la concertation aujourd’hui, la communauté scientifique soit un peu lasse. Et ce d’autant qu’au cours de la même période, les politiques menées ont systématiquement affaibli la collégialité dans les établissement universitaires et de recherche.

[2] Cette expression avait été utilisée par Valérie Pécresse, alors Ministre de la recherche, au plus fort de la contestation dont sa politique faisait l’objet et alors qu’elle jonglait avec des milliards qui… malheureusement, nous en avons la preuve désormais aujourd’hui ne se sont jamais posés, ni sur la recherche, ni sur l’université.

[3] Qui correspond à la somme des moyens financiers nationaux et étrangers pour des travaux de R&D exécutés sur le territoire national.

[4] On parle alors de la DIRDE,  les dépenses de R&D des entreprises et DIRDA, les dépenses de R&D des administrations, c’est-à-dire les organismes publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur. Attention, il faut souligner que si l’on cherche les « preuve