Éducation

Les drôles d’enjeux pédagogiques de la réforme du lycée

Professeur de SES

Depuis le début du deuxième trimestre, les élèves de seconde générale doivent décider des spécialités qu’il suivront durant les deux prochaines années. L’affaire n’est pas mince pour les premiers de cordées de la réforme Blanquer car de ces choix anticipés dépendent rigoureusement les possibilités d’orientation après le bac. Derrière un discours libéral d’innovation et d’ouverture pédagogique, se cache un appauvrissement de l’enseignement général et une restriction des choix et des après pour les élèves.

Dans une interview donnée en décembre 2018, à L’Obs  et plus récemment dans Libération, Pierre Mathiot (directeur de l’IEP de Lille, professeur de science politique et rédacteur d’un rapport sur le lycée en 2018), « père spirituel » de l’actuelle réforme du lycée et du bac menée par le ministre de l’Éducation nationale,  Jean-Michel Blanquer, cherche à rassurer les élèves et les professeurs inquiets de ses possibles conséquences. Derrière un habile habillage pédagogique, cette réforme cache en effet un projet complexe, anxiogène et élitiste. Voilà pourquoi nous souhaitons ici répondre à Pierre Mathiot et revenir sur les enjeux pédagogiques de la réforme Blanquer.

En France, actuellement, à la fin de l’année de seconde, les élèves qui poursuivent leur scolarité en filière générale choisissent la série et le type de bac qu’ils vont passer deux ans plus tard. Ils ont le choix entre trois séries qui correspondent au trois grandes « cultures » universitaires académiques : la série L correspond aux humanités littéraires (langue, philo, histoire-géographie, lettres), les série ES aux sciences sociales (économie, sociologie, histoire-géographie) et la série S aux sciences expérimentales (maths, physique-chimie, biologie). Ces séries comportent un tronc commun assez large et des renforcements horaires dans les disciplines majeures. Le lycée des séries repose donc sur une spécialisation équilibrée et progressive, il permet une articulation cohérente entre enseignement commun et enseignement spécialisé et ouvre des perspectives d’orientation bien identifiées pour les familles. Rappelons de plus que le lycée des séries a accompagné la démocratisation de l’enseignement secondaire général puisque la proportion d’une génération à obtenir un bac général a doublé en 40 ans ; elle est passée de 20 % dans les années 80 à 40% actuellement (80% d’une génération obtient un bac actuellement avec les bacs technologiques et professionnels).

La principale critique faite au lycée des séries


[1]Les 7 principales  spécialités sont HGGSP (histoire-géographie-géopolitique-science politique), SES (sciences économiques et sociales), Physique-Chimie (PC), Mathématiques, HLP (Humanité-Lettres-Philosophie), SVT (sciences de la vie et de la terre), Humanités Numériques et Techniques.

[2]Comme cela risque d’être le cas avec certains enseignements comme celui des « humanités numériques »  qui peuvent selon un inspecteur être enseignés par n’importe quel « adulte pédagogue » et pour lequel aucun enseignant n’est actuellement véritablement formé.

Jean-Yves Mas

Professeur de SES, Enseignant du secondaire

Notes

[1]Les 7 principales  spécialités sont HGGSP (histoire-géographie-géopolitique-science politique), SES (sciences économiques et sociales), Physique-Chimie (PC), Mathématiques, HLP (Humanité-Lettres-Philosophie), SVT (sciences de la vie et de la terre), Humanités Numériques et Techniques.

[2]Comme cela risque d’être le cas avec certains enseignements comme celui des « humanités numériques »  qui peuvent selon un inspecteur être enseignés par n’importe quel « adulte pédagogue » et pour lequel aucun enseignant n’est actuellement véritablement formé.