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Écrire à l’université à l’heure des IA génératives : égalité instrumentale, inégalité structurelle (2/2)

Sociologue

Derrière l’égalité de l’accès aux outils, les intelligences artificielles génératives instaurent de nouvelles hiérarchies symboliques au sein de l’université. En standardisant les formes d’expression et en valorisant un habitus dominant, elles tendent à renforcer les écarts entre étudiants, selon leur capital culturel et leur rapport social au langage.

Au centre des justifications de ceux qui promeuvent un investissement croissant dans les Intelligences Artificielles Génératives (IAG) dans l’enseignement supérieur, on trouve l’argument que non seulement l’IAG pourrait agir comme un égalisateur des chances, uniformisant l’accès aux ressources éducatives, mais qu’elle pourrait aussi réduire les inégalités existantes dans les capacités cognitives, du moins sous certaines conditions et pour certains types de capacités[1].

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Cet argument repose sur un nombre croissant d’études qui s’intéressent aux effets des IAG sur les compétences professionnelles. La synthèse que l’on peut en tirer est la suivante :  dans les activités à forte composante routinière, l’IAG diminue le besoin d’une longue expérience, permet une montée en compétence accélérée et réduit les écarts de compétence entre les personnes ; dans le secteur de la recherche, elle pourrait renforcer les écarts de compétence, les personnes les plus expérimentées étant celles qui tirent le meilleur parti des usages des IAG ; toutefois, elle peut aussi contribuer à réduire certaines inégalités là où la créativité est en jeu, au prix néanmoins d’une uniformisation des pratiques.

À travers cette capacité à ajuster certains écarts, se dessine une forme singulière d’égalisation : l’accessibilité aux IAG vient combler certaines disparités cognitives entre les personnes, en particulier le soutien à la rédaction. Pourtant, derrière cette homogénéisation apparente des performances d’écriture, se profilent d’autres dynamiques : celles d’une reproduction, voire d’un renforcement, des inégalités structurelles, plus discrètes mais plus profondes. Les normes que véhiculent ces technologies – manières d’écrire et d’argumenter – ne sont pas neutres. Elles renvoient à des habitus spécifiques, socialement situés, qui ne sont pas accessibles à tous de manière équivalente.

Les IAG transformeront-elles les normes d’égalité ?

Cette égalité instrumentale des compétences pourrait re


[1] Ethan Mollick, Co-intelligence: Living and working with AI. Londres : Penguin, 2024.

[2] Cette analyse de la manière dont les IAG reconfigurent des pratiques discursives des étudiants et leur rapport social au langage est tirée des premiers résultats d’une enquête en cours.

Bilel Benbouzid

Sociologue, Maître de conférences à l’Université Gustave Eiffel et chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (LISIS)

Notes

[1] Ethan Mollick, Co-intelligence: Living and working with AI. Londres : Penguin, 2024.

[2] Cette analyse de la manière dont les IAG reconfigurent des pratiques discursives des étudiants et leur rapport social au langage est tirée des premiers résultats d’une enquête en cours.