Éducation

La colère gronde et enfle dans les amphis et les labos

économiste

La colère qu’expriment aujourd’hui les enseignants-chercheurs a des racines profondes, qui plongent bien au-delà des inquiétudes spécifiques sur la réforme des retraites. Elles touchent au cœur du pouvoir, resté sourd aux alertes lancé ces dernières années, et qui continue aujourd’hui de porter une idéologie et des réformes faisant de la mise en concurrence systématique des individus, des équipes et des établissements, le principe unique et ultime de l’efficacité.

La colère gronde et enfle dans les amphis et les labos. Une colère qui, comme dans tout le pays, a des racines « profondes » (si l’on ose encore utiliser ce terme dont abuse le Président de la République et ses partisans pour tenter de masquer le vide sidéral de leurs argumentaires et qui ne révèle finalement rien d’autre que la profondeur de leurs a priori idéologiques).

Bien sûr la réforme des retraites agit comme un révélateur. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on sait qu’un sextuor infernal dessine ici des perspectives bien sombres pour les personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur ?

1 – En effet, comme tous les fonctionnaires, ils ont subi un gel presque complet du point d’indice depuis dix ans (soit une baisse estimée à 16% des pensions) que le gouvernement vient de prolonger jusqu’en 2022, comme s’il souhaitait jeter de l’huile sur le feu.
2 & 3 – Par ailleurs les difficultés financières des établissements et la crise de l’emploi scientifique qui en résulte se sont traduites par un recul marqué de l’âge de recrutement sur un poste stable (plus de 34 ans désormais) et par des promotions au compte-goutte.
4- Comme dans toute la fonction publique, les salaires sont ici nettement inférieurs à ceux auxquels les individus pourraient prétendre dans le secteur privé (un rapport de la Cour des comptes de 2011 donne une rémunération totale inférieure de plus de 21 000 euros par rapport à des postes équivalents de catégorie A+ de la fonction publique).
5 & 6 – En outre, comme pour quasiment tous les enseignants, ils ne profitent pas de primes importantes qui pourraient compenser partiellement la perte générée par le fait de prendre en compte l’ensemble des années professionnelles et non plus les 6 derniers mois pour calculer leur pension de retraite. Si le gouvernement ne reprend pas à son compte les chiffres donnés par plusieurs syndicats qui estiment la baisse de pension à plus de 30% par rapport au système actuel, il acte dans l’é


[1]Les chiffres donnés par le gouvernement dans l’étude d’impact sont toutefois fortement contestables ;  au-delà des critiques générales rédhibitoires qui leur ont été adressées (notamment un « âge d’équilibre » (ou pivot) fixé dans les études de cas à 65 ans pour les générations 1975 et postérieures (page 210), alors que l’article 10 de la loi prévoit explicitement la manière dont il augmentera par la suite), ils ne sont pas acceptable ne serait-ce que parce que l’âge de titularisation pris dans les étude de cas par exemple des chargés de recherche est de 28 ans (quand nous l’avons dit il est en réalité de 34 ans).

[2] En effet, ces dispositions « constituent une injonction au Gouvernement de déposer un projet de loi et sont ainsi contraires à la Constitution (décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, cons. 38) ».

[3]Cela est lié à ce que l’on appelle la « fongibilité asymétrique » des budgets des établissement et au poids de la masse salariale dans ce dernier, sans compter ce que l’on appelle le GVT.

[4]Et sans vouloir être trop technique, l’annonce d’un préciput plus important ne résoudra pas fondamentalement les difficultés posées par ce mode de financement.

[5]On peut par exemple, même si le critère est bien sûr contestable, mentionner le recul de la France dans les classements en termes de publications.

Isabelle This Saint-Jean

économiste, Professeure à l'université Sorbonne Paris-Nord

Notes

[1]Les chiffres donnés par le gouvernement dans l’étude d’impact sont toutefois fortement contestables ;  au-delà des critiques générales rédhibitoires qui leur ont été adressées (notamment un « âge d’équilibre » (ou pivot) fixé dans les études de cas à 65 ans pour les générations 1975 et postérieures (page 210), alors que l’article 10 de la loi prévoit explicitement la manière dont il augmentera par la suite), ils ne sont pas acceptable ne serait-ce que parce que l’âge de titularisation pris dans les étude de cas par exemple des chargés de recherche est de 28 ans (quand nous l’avons dit il est en réalité de 34 ans).

[2] En effet, ces dispositions « constituent une injonction au Gouvernement de déposer un projet de loi et sont ainsi contraires à la Constitution (décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, cons. 38) ».

[3]Cela est lié à ce que l’on appelle la « fongibilité asymétrique » des budgets des établissement et au poids de la masse salariale dans ce dernier, sans compter ce que l’on appelle le GVT.

[4]Et sans vouloir être trop technique, l’annonce d’un préciput plus important ne résoudra pas fondamentalement les difficultés posées par ce mode de financement.

[5]On peut par exemple, même si le critère est bien sûr contestable, mentionner le recul de la France dans les classements en termes de publications.