Société

Balance ton ours

Philosophe, Femme politique, Ingénieur agronome, Philosophe

Les réactions à la récente et maladroite campagne de pub contre le harcèlement dans les transports de la RATP ont pointé son sexisme paradoxal et la négation de tout ce que le féminisme nous a appris. Mais il faut aussi s’interroger sur un « spécisme » qui propose de substituer la figure du prédateur animal à celle du prédateur sexuel. En naturalisant la violence des rapports sociaux, on s’interdit de comprendre la domination patriarcale et machiste et, ce faisant, de lutter contre.

La RATP, la Région Île-de-France et la SNCF ont lancé une campagne de communication mettant en scène des femmes menacées par des prédateurs : un ours, quelques loups, ou un requin figurent ainsi les harceleurs du métro. Il existe trois affiches différentes, et à chaque type d’animal correspond une femme particulière. Sans doute faut-il voir dans ces variations autour de la féminité le souci de représenter la diversité des êtres. Les loups menacent une jeune fille noire en imperméable, le requin semble sur le point de s’en prendre à une femme relativement plus âgée. Quant à l’ours, énorme et menaçant, il est prêt à déchiqueter une étudiante en jean. Et tous ces animaux s’attaquent aux femmes en surgissant par derrière. En arrière-plan, la forêt, la mer ou une caverne, pas d’âme qui vive si ce n’est l’animal et sa proie. Ces images sont accompagnées du message suivant « Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel. Victimes ou témoins, donnez l’alerte ! ». Sous ce slogan cinq cryptogrammes figurent les différents moyens de réactions offerts aux victimes et aux témoins : « agent », appel, téléphone, sms et « application ». La scène est plantée. Elle ne ressemble aucunement à un wagon de métro où sévissent les harceleurs, que ce soit dans les moments d’affluence pour se rendre au travail, lorsque l’on se presse pour rentrer chez soi ou au petit matin lorsque les rames sont encore vides.

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Pas de trace d’homme, d’un corps masculin donc sur ces affiches. Cette campagne a inventé le harceleur virtuel …mais incarné par des animaux. Cette créativité n’a d’ailleurs pas suffi à éteindre la crainte de déplaire aux hommes. La Présidente de la Région Île de France, Valérie Pécresse, a ainsi tenu à déclarer dans l’Express « Ce ne sont pas les hommes qu’on stigmatise, ce sont les prédateurs ». Cette précision s’imposait.  Il était essentiel d’empêcher les hommes de se sentir victimes du fait d’être accusés de harceler les femmes.  Mais où s’arrête l’absurde ? Comment peut-on


Sandra Laugier

Philosophe, Professeure à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Lucile Schmid

Femme politique, Vice-présidente de la Fabrique écologique

Raphaël Larrère

Ingénieur agronome

Catherine Larrère

Philosophe, Professeur émérite à l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, Spécialiste de philosophie morale et politique.

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