Santé

Le développement paradoxal de la télémédecine lors de la crise sanitaire

Sociologue, Sociologue

La crise sanitaire a conduit à mettre en lumière certaines des fonctionnalités et des potentialités de la télémédecine, jusque-là peu développée et mal connue des praticiens. Elle a contribué au déploiement très rapide de la téléconsultation, l’un des cinq actes de télémédecine définis par décret en 2010. Entre « impressions de distance » éprouvées par les médecins et appropriation progressive par les praticiens et les patients des fonctionnalités de la téléconsultation, quels usages se dessinent de ce nouvel outil ?

L’année 2020 a été marquée par un accroissement exponentiel du nombre de téléconsultations, mais aussi par sa très forte décroissance. Leur proportion passe de moins de 0,1 % (de l’ensemble des consultations remboursées) à 25 % au cours du printemps 2020, pour retomber à environ 5 % au début de l’année 2021. Si cette baisse globale est liée au déconfinement et à la reprise des consultations face-à-face, ces chiffres n’en disent pas plus sur les raisons concrètes pour lesquelles praticiens et patients abandonnent la téléconsultation. Qu’est-ce qui explique une telle baisse ? Dans quelles conditions les médecins ont-ils mis en place les téléconsultations ? Quelles leçons ont-ils tiré de leur utilisation ?

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Durant la crise sanitaire, une très large majorité des consultations à distance remboursées (plus de 80 %) ont été réalisées par des médecins généralistes. La téléconsultation a représenté un moyen jugé utile et adapté pour établir le contact et maintenir le lien avec les patients, notamment ceux ayant contracté le Covid-19, tout en protégeant soignant et soigné. Le gouvernement a encouragé son développement par des mesures d’assouplissement temporaire du cadre réglementaire. La téléconsultation a ainsi fait l’objet d’un remboursement intégral pour les personnes atteintes du Covid-19 ou suspectées de l’être, y compris la consultation par téléphone, alors que la vidéotransmission était jusque-là nécessaire au remboursement. Il a aussi été possible d’effectuer des prises en charge en dehors du parcours de soins coordonné, c’est-à-dire sans que le patient n’ait rencontré préalablement en face-à-face le praticien consulté à distance ou ait été orienté vers celui-ci par son médecin généraliste.

Parmi les différents praticiens médicaux qui ont réalisé des téléconsultations pendant l’épisode de la crise sanitaire, très minoritaires sont ceux qui en avaient fait l’expérience auparavant (leur proportion avoisine 1 %). Selon la DREES, 7 médecins généralistes sur 10 o


[1] Martin Monziols, Hélène Chaput, Pierre Verger, Dimitri Scronias, Bruno Ventelou et alii, « Trois médecins généralistes sur quatre ont mis en place la téléconsultation depuis le début de l’épidémie de Covid-19 », Études et Résultats, DREES, septembre 2020, n° 1162.

[2] Ibid.

[3] Alexandre Mathieu-Fritz, Le praticien, le patient et les artefacts. Genèse des mondes de la télémédecine, Paris, Presses des Mines, 2021.

Alexandre Mathieu-Fritz

Sociologue, Professeur de sociologie à l’Université Gustave Eiffel, chercheur au Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés

Dilara Trupia

Sociologue, Chercheuse post-doctorante à l'INSERM (Chaire Avenir Santé Numérique)

Notes

[1] Martin Monziols, Hélène Chaput, Pierre Verger, Dimitri Scronias, Bruno Ventelou et alii, « Trois médecins généralistes sur quatre ont mis en place la téléconsultation depuis le début de l’épidémie de Covid-19 », Études et Résultats, DREES, septembre 2020, n° 1162.

[2] Ibid.

[3] Alexandre Mathieu-Fritz, Le praticien, le patient et les artefacts. Genèse des mondes de la télémédecine, Paris, Presses des Mines, 2021.