Éducation

Que valent encore les diplômes ?

Sociologue

Dans la continuité des réformes précédentes, la loi ORE amplifie la hiérarchie entre les diplômes et les enseignements. Elle repose sur des logiques abstraites : celle de l’étudiant comme un acteur rationnel, qui pense sa formation selon des objectifs financiers avant tout ; et celle de l’adéquation parfaite entre emploi et formation. Le bac y perd ses lauriers, et l’université y gagne un billet pour Shanghai.

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Le rôle des politiques éducatives dans la genèse des inégalités scolaires est bien documenté par les sciences sociales, aussi bien par les travaux sur la carte scolaire, que sur les mécanismes d’orientation ou encore sur l’accès à l’enseignement supérieur. Or les réformes actuelles du baccalauréat et de la licence prennent le contre-pied des conclusions de ces trois types de travaux. L’individualisation des parcours d’apprentissage dès la classe de Seconde et l’instauration d’une sélection des bacheliers à l’entrée de l’université risquent en effet de renforcer les hiérarchies entre les baccalauréats et les licences, en différenciant et polarisant davantage l’offre scolaire et universitaire selon les caractéristiques sociales des publics. Dans un contexte où les aspirations des familles et des jeunes pour les diplômes restent fortes, quelle que soit l’origine sociale des élèves (Poullaouec, 2015) , et où le diplôme est de plus en plus nécessaire pour obtenir un emploi (Céreq, 2018), la majorité des étudiant.e.s des milieux populaires sont accueilli.e.s dans les universités. Elles connaissent ainsi en moyenne une hausse spectaculaire de leurs effectifs étudiants, renforcée par l’accroissement du taux de bacheliers par génération  (Bodin et Orange, 2013 et ici pour AOC).

En quoi ces réformes risquent-elles d’amplifier les hiérarchies entre diplômes selon les établissements de délivrance et de mettre fin au caractère national des diplômes ? En France, l’État joue traditionnellement un rôle important dans la protection juridique que constitue le diplôme : il vient à la fois certifier l’acquisition de connaissances et garantir des droits en termes d’accès à la poursuite d’études ou à l’emploi. Or, avec la réforme du lycée initiée par Jean-Michel Blanquer, le baccalauréat comme diplôme national est remis en cause. Il instaure une part importante de l’évaluation au contrôle continu (versus épreuves nationales et anonymat) et des contenus disciplinaires que tous


Séverine Chauvel

Sociologue , Maîtresse de conférences en sociologie à l’Université de Paris-Est Créteil