En Turquie, vie et mort de l’Islam libéral (2/3)
Mais qui est Erdoğan ? Qui est Gülen ? Quelles furent les conditions culturelles qui ont rendu possible ce dernier épisode du gâchis perpétuel fait à la Turquie ? Reprenons les choses dans leur historicité. L’enchaînement des événements est bien connu : la Première Guerre mondiale, le génocide des Arméniens, le démantèlement de l’Empire, l’invasion d’Istanbul par les Anglais et d’Izmir par les Grecs, la résistance de Mustafa Kemal et la déclaration de la République en 1923. Suite au traité signé à Lausanne en 1924, 900 000 Grecs (selon certaines sources, 1 400 000) originaires d’Anatolie seront expulsés de leurs foyers, ainsi que 400 000 Turcs musulmans de la Grèce. De 1914 à 1927, dans la petite portion de l’Empire qu’est l’actuelle Turquie, le pourcentage des non-musulmans passa de 35 % à 5 % ; et ces 5 % seront réduits à quelques milliers après la Kristallnacht d’Istanbul du 6 au 7 septembre 1955 [1].
Cette « Nuit de Cristal » fut orchestrée par la contre-guérilla, branche locale du réseau Gladio, chapeautée par l’armée turque. Elle a eu lieu après la diffusion de la nouvelle de l’explosion, la veille, d’une bombe à Salonique, dans la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk. Des émeutiers en colère, la plupart acheminés auparavant en camion dans la ville, prirent d’assaut le quartier grec d’Istanbul pendant des heures. 4 348 magasins grecs, 110 hôtels, 27 pharmacies, 23 écoles, 21 usines, 73 églises principalement grecques-orthodoxes, 2 monastères, une synagogue, un millier de maisons appartenant à des Grecs ont été détruits. Les communautés juives et arméniennes furent elles aussi victimes de ce pogrom.
La résistance en Anatolie (contre l’occupation de l’Ouest par les Grecs et d’Istanbul par les Anglais) s’était organisée dès 1919, avec les anciens unionistes qui furent recherchés et accusés du génocide des Arméniens (autre péché impardonnable de la république qui l’occulta et protégea les coupables), les libéraux nationalistes, les Kurdes qui avaient