Société

Les algorithmes ne prédisent rien… mais vont tout changer !

Physicien

Nous avons aujourd’hui les moyens technologiques de créer des algorithmes extrêmement complexes et sophistiqués. Pourtant leur pouvoir de prédiction du social reste très faible. Alors qu’on regorge de données, comment expliquer le manque de fiabilité des pronostics ?

C’est bien connu, les prédictions sociales sont difficiles. Le récent florilège de pronostics sur la coupe du monde, utilisant les algorithmes les plus sophistiqués et des dizaines de caractéristiques pour chaque pays, n’échappe pas à la règle. Ils ont généralement abouti à désigner comme principaux favoris l’Allemagne ou l’Espagne, tous deux éliminés sans gloire dès les premières étapes de la compétition. Plus sérieusement, un article récent d’économistes s’est livré à une analyse rétrospective des prédictions de croissance des principaux organismes officiels (FMI, INSEE, OCDE…). Le verdict est sans appel : leurs prévisions sont à peine plus fiables qu’un modèle très simple, prédisant que la croissance de l’année a venir sera… la même que celle de l’année écoulée ! La complexité des modèles utilisés servirait-elle à donner une apparence de scientificité, pour légitimer politiquement les prédictions ?

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Cependant, on peut imaginer que l’avalanche de données sociales produite par la révolution numérique permettra de mieux ajuster les paramètres des modèles, conduisant à des résultats plus fiables. Et il est vrai qu’on ne compte plus les annonces sur la puissance des prédictions sur les lieux des prochains crimes, les chances de récidive d’un coupable, ou notre prochain achat sur Internet. Faut-il les prendre pour argent comptant ? Non, parce que le secret qui entoure la plupart des prédictions, par intérêt commercial ou militaire, est propice aux fantasmes médiatiques exagérant leur puissance. Les études publiques, qui permettent d’évaluer l’efficacité de ces approches ne sont pas légion, mais aboutissent invariablement à des prédictions décevantes. Prenons deux exemples récents.

Aux États-Unis, des algorithmes sont couramment utilisés pour évaluer la probabilité qu’un délinquant récidive. Ces prédictions sont utilisées comme aide à la décision pour une libération conditionnelle ou pour déterminer la peine. Les entreprises qui les commercialisent soutiennent


Pablo Jensen

Physicien, Directeur de recherche au CNRS