Aude : apprendre d’une crue
Les inondations meurtrières de l’Aude de ce début octobre nous ont fait revivre une dramaturgie habituelle : après la catastrophe, les médias multiplient les reportages chocs, les digressions sur la brutalité de la « nature », les responsables politiques affichent précipitamment leur émotion, mettent en scène leur compassion envers les victimes, quelques hommes/femmes d’État organisent un voyage sur place pour assurer la présence et la sollicitude des pouvoirs publics ; on en profite en général pour garantir l’indemnisation rapide des victimes, ce qui ne sera pas toujours le cas, que l’on restaurera sans délais les infrastructures et les équipements, ce qui ne sera pas non plus toujours le cas, qu’on mènera une politique vigoureuse de renforcement de la protection des populations et des biens et de la prévention des risques.

Cette dernière annonce est condamnée à échouer compte tenu de la manière erronée dont on approche le problème. En effet, ce nouvel épisode de crues dévastatrices procède moins de l’aléa naturel que des choix de développement territorial réalisés depuis les années 1960 par les élus locaux et nationaux – avec le consentement, il faut le rappeler, d’une majorité des citoyens qui n’ont que rarement remis en question la logique de ces choix car il servaient les leurs, et avec le plein accord des acteurs économiques – qui nous ont engagés, nous les co-habitants de ce pays, dans une impasse. Piégés dans cette impasse, nous assistons, groggys et impuissants, à la déclinaison française d’une menace globale, celle qui pèse sur l’habitabilité des territoires en raison de l’entrée dans l’anthropocène.
On dit souvent que « l’urbanisation » serait responsable de ce genre de drame – et la présente crise n’échappe pas à cette règle. On explique que bien des quartiers emportés par les crues sont relativement nouveaux et souvent édifiés en zone inondable ou encore que l’imperméabilisation des sols renforce la puissance érosive des écoulements brutaux (elle accen