Le management, une modernité nazie
« Par cette union systématique de la science et de l’application,
l’Occident réalise là où l’Orient demeure en retard »
André Siegfried[1]
Le 2 octobre 1941, au moment où il prend officiellement ses fonctions de « Protecteur du Reich » pour la Bohème-Moravie, Reinhard Heydrich, chef de l’Office central de la sécurité du Reich, de la Police de Sécurité et du Service de Renseignement de la SS (Sipo-SD), tient un discours empreint d’inquiétude. Les temps sont exaltants et les succès éclatants, dit-il en substance, au moment où la guerre à l’Est est pratiquement gagnée. L’opération Barbarossa est une réussite gigantesque, une guerre-éclair dans les règles de l’art, après les victoires sans conteste remportées en Pologne, puis à l’Ouest et dans les Balkans. Rien ne peut s’opposer à la puissance des armes allemandes, et aucun obstacle sérieux ne peut entraver l’extension du Reich scandée par les trois temps de la victoire, de la conquête et de la colonisation ou, selon les territoires considérés, l’occupation/vassalisation.
Les succès sont tels que les problèmes n’en sont pourtant que plus grands. Dans le cas de la Bohème-Moravie, le numéro 2 de la SS s’inquiète de l’hostilité des Tchèques, voire de l’émergence d’un mouvement de résistance sérieux. Il faut y veiller, car c’est souvent de cette région, pourtant fécondée par le génie germanique, que partent les « coups de poignard » contre l’Allemagne – que l’on songe, dit Heydrich, à la défenestration de Prague (1618) ou bien, dès le 1er siècle de notre ère, aux menées de Marobod[2] contre Hermann le Chérusque.
Heydrich est là pour « prendre le problème à bras-le-corps » (hart zupacken), ce qu’il va faire, annonce-t-il, avec son sérieux, sa méticulosité et sa dureté habituelles. Le chef de la Sipo-SD ne veut rien laisser au hasard. Les problèmes de sécurité posés par le territoire tchèque, transcendent largement la seule dimension policière. Le travail de police requiert une « plongée empathique et intellectuelle » dans ces problèmes, une « ressaisie profonde des choses », certainement pas « un survol superficiel » qui se solderait par le fait de « matraquer à l’aveugle » les Tchèques pour qu’ils se tiennent bien et aillent au travail – enjeu majeur, vu l’importance stratégique de l’industrie (mécanique) du Protectorat, productrice d’armes et de moteurs de marque Skoda ou Tatras.
Heydrich, l’homme « au cœur de fer », comme le surnommait Hitler, est un violent, certes, mais aussi un cérébral : force sans savoir n’est qu’impuissance à terme. C’est parce qu’il le sait trop bien qu’il a veillé à recruter des savants et des experts dans les rangs de la SS et, singulièrement, du SD. Non qu’il ait une révérence innée pour le diplôme, lui qui, militaire de carrière à l’origine, n’a pas fréquenté l’Université. Mais il sait la qualité de la formation universitaire allemande, tant sur le plan scientifique que pratique : les juristes, notamment, sont formés à la science par le doctorat, mais aussi, très souvent, à la conduite des affaires et au traitement des dossiers (Geschäftsführung) par le stage d’avocat ou de juge (Referendariat) qu’ils effectuent dans le cadre de la préparation de leur Staatsexamen.
Pour les nazis, le droit est la somme des maximes qui gouvernent l’action dans un contexte de guerre biologique permanente contre les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur.
Il convient cependant que ces « intellectuels d’action » se défassent, pour agir vraiment, d’un surmoi normatif – en l’espèce, légaliste – qui entrave leur ardeur. À Prague, Heydrich invite explicitement les fonctionnaires qui l’écoutent à jeter aux orties leur pusillanimité réglementaire. Il s’agit moins de suivre les prescriptions d’un éthos administratif obsolète ou intempestif que d’« agir en Allemand », i.e. d’être « ennemi de nos ennemis et protecteur de tout ce qui est allemand ».
La maxime est donc à la fois précise (tout acte est référé à cette unique fin – l’épanouissement de la germanité) et immensément ample (tout – et n’importe quoi – est recevable pour autant que l’acte vise cette fin). C’est une constante de la normativité nazie, comme en atteste cette définition du droit par l’un des plus importants juristes du IIIe Reich, le Professeur Dr. Hans Frank, Reichsrechtsführer (président de la Corporation des Juristes du Reich) et, à partir de l’automne 1939, Generalgouverneur du Generalgouvernement de Pologne : « Le droit, c’est ce qui sert le peuple allemand ».
L’incarnation la plus achevée de ce nouvel ethos est le SS-Mann. A l’exemple du SS, chaque fonctionnaire doit « se sentir un soldat politique du Führer », en « guerre » pour la race germanique : « Chaque allemand doit vaincre dans ce combat pour la germanité, sans aucune considération pour les questions de domaine de compétence ». L’exception est le droit, car le droit, c’est la loi du sang – celle qui commande de préserver et d’accroître le sang germanique, et qui enjoint à verser celui d’autrui. Le droit est la somme des maximes qui gouvernent l’action dans un contexte de guerre biologique permanente contre les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur, contre les ratés, les tarés, les allogènes et les organismes agressifs.
Foin, donc, des compétences et des domaines réservés, des juridictions et des codes, scrupules ineptes, quoique touchants, issus d’un âge révolu – celui où l’on n’avait pas encore conscience de la détresse objective du peuple allemand et de la nécessité biologique à agir pour sa survie. Foin des instructions, également. Il n’est pas question d’attendre les ordres arme au pied comme l’oisillon attend la becquée. Là encore, la SS est le modèle, en tant qu’elle est une « troupe de choc » : « Troupe de choc signifie qu’elle a toujours un temps d’avance sur le gros de la troupe », qu’elle agit sans attendre, mais sans toutefois contrevenir « à la volonté et au plan d’ensemble de la hiérarchie », qu’elle connaît bien.
Intéressante injonction, qui correspond bien à l’exégèse du droit et, singulièrement, du droit de la fonction publique qu’a livrée sept ans auparavant Werner Willikens, Secrétaire d’État au Ministère de l’Agriculture de Prusse, lors d’une conférence prononcée le 21 février 1934 : « Quiconque a l’occasion d’observer ce phénomène sait bien que le Führer ne peut pas tout ordonner de ce qu’il a l’intention de faire. Au contraire, jusqu’ici, ceux qui ont le mieux travaillé et ont été à leur place dans la nouvelle Allemagne sont ceux qui ont travaillé en direction du Führer » (dem Führer entgegenarbeiten).
Il ne s’agit pas « d’attendre les ordres et les directives », mais « il est au contraire le devoir de chacun de chercher à travailler en direction du Führer ». Les erreurs d’interprétation sur la volonté supposée du Führer sont possibles, certes, mais celui qui erre « le sentira bien assez tôt. Celui, cependant, qui travaille en direction du Führer en respectant sa ligne et son but, celui-là trouvera sa plus belle récompense dans le fait que, un jour ou l’autre, son travail recevra subitement sa sanction légale ».
Que d’anticipations et d’initiatives ! Il faut subodorer la volonté du Führer, s’y conformer avant même qu’elle ne s’exprime, et agir a priori en recevant in fine la gratification d’une sanction légale (ou réglementaire) a posteriori. Les temporalités sont un peu troublées : on comprend mieux que les nazis n’aient pas hésité à prôner la justice prédictive et la police anticipative, et à user de dispositions rétroactives. Tout est dans tout, dans la grande fusion de la biologie et de l’histoire, du droit et de la morale, du passé et du présent (l’ontologie germanique est éternelle).
Le jour de son installation comme Reichsprotektor de Bohème-Moravie, Heydrich tient donc un discours de chef aux directeurs et cadres des administrations allemandes du Protectorat – plus exactement, un discours de Menschenführer, i.e. de « conducteur d’hommes ». En bon chef de service, de département ou d’administration, il entend être à l’écoute, accueillir les doutes et les réserves de chacun et muter quiconque le souhaitera loin de Prague : « Je vous le demande très ouvertement, qu’il s’agisse de vous ou de vos collaborateurs, dites moi franchement si vous vous dites : “Ce que tu nous as dit là, honnêtement, je ne peux pas le faire”. Messieurs, je laisserai partir sans broncher et sans sanction quiconque aura au moins l’honnêteté de me dire cela ». Ensuite, par contre, il faudra travailler avec ardeur et sans dévier un seul instant de l’objectif fixé : faire de cette région une partie intégrante du Reich, un atelier pour la Wehrmacht où doivent régner ordre, productivité et sécurité.
Le SS-Oberstgruppenführer Heydrich est donc un Menschenführer, un « meneur d’hommes » semblable à l’archétype que, depuis quelques années déjà, des hommes de la SS définissent et théorisent. La Menschenführung est en effet une préoccupation lancinante des cadres de la SS qui, depuis la fin des années 1920, réfléchissent aux conditions d’organisation optimale d’un édifice en pleine expansion : d’abord le Parti, le NSDAP, qui ne cesse de croître en nombre, en cellules et en Gaue, mais aussi la SS elle-même et son corps d’élite, le SD.
Ensuite, c’est l’Allemagne elle-même qui croît, du fait des annexions puis des conquêtes, suivies d’annexions, avant que l’extension du Reich n’atteigne des proportions proprement gigantesques. L’année 1941 marque de ce point de vue une accélération impressionnante par rapport au rythme déjà soutenu des années 1938 (Autriche et Sudètes), 1939 (Rest-Tschechei, Pologne de l’ouest) et 1940 (ouest de l’Europe). En 1941, ce sont la Grèce et les Balkans qui tombent sous la domination nazie, avant que le Reich ne conquière en quelques heures la Pologne soviétique, puis en quelques semaines l’essentiel de l’URSS occidentale.
L’administration à la française, importée par Louis XIV puis par Napoléon, a dû céder la place à la Menschenführung : là où la première est rigide, formaliste et verticale, la seconde est souple, libre et participative.
C’est dans ce contexte de dilatatio imperii sans précédente qu’Heydrich prend la parole à Prague. Ses préoccupations de Menschenführer sont partagées et thématisées en profondeur par certains de ses plus proches collaborateurs et favoris, ou ex-favoris. C’est en 1941, en effet, que deux très hauts responsables SS du SD, le Professeur Dr. Reinhard Höhn et le SS-Standartenführer Dr. Werner Best fondent, avec le Dr. Wilhelm Stuckart, SS-Gruppenführer et secrétaire d’État au Ministère de l’Intérieur, la revue Empire-Ordre racial-Espace vital (Reich-Volksordnung-Lebensraum). Ces trois juristes passionnés de questions organisationnelles éditent leur revue dans le cadre des activités de l’Institut für Staatsforschung, l’Institut de Recherches sur l’État dirigé à l’Université de Berlin par le jeune et brillant Professeur Höhn, à cette époque SS-Sturmbannführer (commandant).
Professeur de droit public, Höhn avait reçu pour mission de réfléchir aux nouvelles missions et au périmètre de l’État dans le cadre de l’extension historique du territoire allemand. La revue Reich-Volksordnung-Lebensraum examine ces questions administratives en s’interrogeant sur la manière dont un Reich en expansion peut administrer un territoire toujours plus grand à moyens au mieux constants, sinon décroissants. Pendant que le Reich se dilate, en effet, la fonction publique allemande se contracte du fait de l’appel sous les drapeaux : la mobilisation touche en effet la bagatelle de 18 millions d’hommes entre 1939 et 1945… Comment faire plus, beaucoup plus, avec bien moins ? Faire mieux, bien sûr.
Faire mieux implique d’obvier aux pratiques de l’ancien monde, caractérisé par la rigidité formaliste, l’inflation normative et la suffocation réglementaire. Rien n’allait, en somme, avant 1933 : le droit des universitaires était trop abstrait, « étranger à la vie » (lebensfremd), voire « ennemi de la vie » (lebensfeindlich). Le droit des fonctionnaires, quant à lui, était tatillon, vétilleux, nocif – une entrave absurde au flux vital (celui du sang), un obstacle insupportable au libre déploiement des forces vives (celles de la race).
Une réforme de l’entendement universitaire s’imposait mais aussi, et surtout, une transformation radicale des pratiques des fonctionnaires. Le tamponneur des guichets a été sommé de se muer en « soldat politique », le subordonné servile et pusillanime en entrepreneur plein d’initiative. Quant aux supérieurs, ils ont été invités à se défaire du corset de fer de leur habitus hiérarchique : la Verwaltung, l’administration à la française, importée par Louis XIV – qui fascinait tant les Princes allemands – puis par Napoléon, a dû céder la place à la Menschenführung. Là où la première est rigide, formaliste et verticale, la seconde est souple, libre et participative.
Les Français, ces « mangeurs de dossiers » (Aktenfresser), caporalistes et centralisateurs, ont aliéné les Allemands, naturellement proches de la vie (lebensnah) et de ses vrais problèmes. Les Français sont d’incurables cartésiens, mâtinés de jacobins fanatiques, alors que les Allemands sont des pragmatiques foncièrement girondins : le terrain, l’expérience, le concret priment, et dictent la souplesse de l’ensemble. A la fermeté des principes directeurs, ceux de la Führung, répond la souplesse et la créativité des mises en œuvres locales, des cas d’espèce, des situations particulières.
On comprend mieux quel type de Menschenführer se dessine au fils des articles de Höhn, de Best, de Stuckart et des autres contributeurs de la revue, comme des discours de Heydrich, de Himmler ou des directives, très souples et générales, du secrétaire d’État Backe que je commente ailleurs, véritable invitation à l’« agilité », à l’initiative et à la liberté de manœuvre. Un type humain singulièrement orthogonal à notre vision du nazisme, toute de raideur, de violences en cascade, d’ordres hurlés et de talons qui claquent.
Le IIIe Reich fut un gigantesque maelstrom organisationnel où régnaient en maîtresses l’improvisation, la précipitation, mais aussi l’incompétence et la corruption. L’incompétence était même structurelle, dans la mesure où, jamais, et nulle part, aucune compétence n’était clairement définie. Les définitions et les attributions claires étaient l’apanage d’un monde révolu, celui de l’État de droit (Rechtsstaat) d’origine française et de facture prussienne, et des fonctionnaires à manchettes, porte-plume et lustrines.
Le Reich, au rebours de l’image qu’il se plaisait à donner de lui-même, était un chaos producteur d’emballements, mais aussi source d’une perte de moyens et d’énergie.
Dans un Reich où tout n’est que succès et accélération, rien n’est clair, à tel point que les historiens, médusés par une telle profusion d’institutions, d’initiatives et de querelles ont forgé le concept ad hoc de « polycratie ». Le Reich, au rebours de l’image qu’il se plaisait à donner de lui-même, celle d’une architectonique administrative et humaine aussi impeccable que l’architecture néo-classique des édifices de Speer ou des colonnes de SA à Nuremberg, était un chaos producteur d’emballements, mais aussi source d’une perte de moyens et d’énergie.
Ce chaos institutionnel, bien loin de n’être qu’une simple pratique, était théorisé par le même groupe de réflexion qui travaillait à l’émergence d’un Menschenführer nouveau dans le registre politique (celui de la Volksgemeinschaft) comme dans le domaine économique (celui de la Betriebsgemeinschaft). Reinhard Höhn et consorts voulaient un manager – le terme apparaît chez Höhn après 1945 – agile et souple, agressif et ambitieux, de la même manière qu’ils souhaitaient que l’État fût phagocyté et remplacé par ces multiples agences qui croissaient et multipliaient dans l’ « Allemagne nouvelle ».
Après 1945, ces gens-là furent assez bien élevés pour ne plus parler d’extermination des Juifs, de colonisation de l’Est et d’asservissement massif des Slaves, mais ils ne changèrent pas une virgule à leur conception de l’État, des agences et du travail. Pendant que le général SS Werner Best collectionnait les jetons de conseils d’administration et travaillait, comme avocat, à blanchir ses anciens Kameraden lorsqu’ils étaient inquiétés par la Justice, le général SS Reinhard Höhn fondait, à la demande d’une puissante organisation patronale, la première, la plus grande et la plus prestigieuse école de commerce de la RFA.
Jusqu’à sa mort, en l’an 2000, à l’âge de 95 ans, Höhn fut un directeur efficace, un professeur admiré et un théoricien prolixe du management, de cette Menschenführung à laquelle il consacra une vingtaine d’ouvrages et qu’il fit glisser sans accroc du IIIe Reich à la République Fédérale. Avec Hitler, il s’agissait d’éradiquer le marxisme en convaincant les ouvriers et les employés allemands qu’ils étaient libres à l’usine ou au bureau comme ils étaient libres dans le Reich : la Volksgemeinschaft était la synergie du Führer et des Volksgenossen, ces « compagnons de race » qui étaient libres car les ordres du Führer étaient ceux de la nature elle-même, de la santé et de la vie, donc leur vœu le plus intime et leur volonté la plus enracinée ; de même, la Betriebsgemeinschaft économique regroupait le Betriebsführer et ses Betriebsgenossen, sans plus opposer « patrons » et « ouvriers », « capitalistes » et « prolétaires » – tous fantasmes issus de l’imagination mensongère des marxistes.
Dans la RFA d’Adenauer, celle de la « Restauration » et de la Guerre froide, il s’agissait encore de faire pièce au communisme menaçant, sinon triomphant. Hannibal était aux portes, et la RFA avait l’honneur d’être en première ligne – vitrine et tête-de-pont du monde occidental tout à la fois. Dans ce contexte, le bonheur des masses et la lutte contre la subversion communiste restaient à l’ordre du jour.
Alors que l’« économie sociale de marché » érigeait, avec Ludwig Erhard, la « cogestion » (Mitbestimmung) en pierre angulaire des relations sociales au niveau macro-économique, c’est le théoricien du management Reinhard Höhn qui, au niveau micro-économique, celui de l’entreprise, imposait son modèle managérial – le « management par délégation de responsabilité » où l’exécutant est libre de choisir les moyens d’une fin qu’il n’a pas choisie.
Nouveau paradoxe apparent : après celui d’un SS manager, il appert que le management du SS Höhn était tout sauf vertical et autoritaire, mais, bien au contraire, un management libéral et bienveillant, au rebours de ce que l’on peut savoir d’un SS, mais aussi du Troisième Reich. La réflexion sur le management nazi et sa prodigieuse postérité est donc vertigineuse à plus d’un titre. Elle nous conduit à nous interroger sur les continuités (idéelles et personnelles) d’une élite largement demeurée en place, à l’Ouest, après 1945, comme à questionner l’organisation de notre propre monde du travail.
Elle permet également de revisiter le nazisme qui, bien loin d’être un OVNI historique et culturel, fut un phénomène bien enraciné dans l’histoire de notre occident capitaliste, productiviste et dominateur, social-darwiniste et « maximisateur ». Elle invite, enfin, bien que cette liste ne soit pas limitative, à relire l’histoire des pratiques nazies comme étant bien éloignées de celles qu’une vulgate rassurante, celle du « totalitarisme » a eu tendance à accréditer : le régime nazi, politiquement comme économiquement, fut participatif et non aveuglément et tout uniment répressif.
Un pouvoir politique en négociation permanente avec son peuple, au moins tacite, par le biais des politiques fiscale et sociale et des gratifications aussi diverses que permanentes[3] ; une domination économique qui veillait au bien-être et à l’assentiment de l’homme-seigneur (Herrenmensch) dans ses fonctions de contremaître, d’ouvrier ou d’employé subalterne. Faire communauté contre le communisme et la lutte des classes : après 1945, ce programme-là n’avait pas changé.
NDLR : Johann Chapoutot a publié le 9 janvier Libres d’obéir : Le management, du nazisme à aujourd’hui, Gallimard, Collection “NRF Essais”