Éducation

Des effets de la réforme Blanquer sur le lycée en général, et les SES en particulier

L’organisation de la première session des épreuves communes de contrôle continu (E3C), l’une des nouveautés du « bac Blanquer », est perturbée dans de nombreux établissements. Ces mobilisations révèlent les inquiétudes qui traversent aujourd’hui le lycée, inquiétudes bien illustrées par la situation des sciences économiques et sociales (SES). L’Association des professeurs de SES (APSES) livre ici l’analyse d’une enquête quantitative menée auprès des enseignant·e·s.

Alors même que Jean-Michel Blanquer avait assuré à son arrivée à la tête du ministère de l’Éducation nationale qu’il ne laisserait pas son nom à une loi, il s’est finalement attaché à transformer en profondeur le système éducatif français, lycée inclus. Ces transformations passent par la suppression des séries et l’individualisation des parcours éducatifs dans la lignée de l’instauration de Parcoursup, la fin de l’examen national du bac avec la multiplication des contrôles en cours d’année en Première et Terminale sur des sujets choisis localement, le recul du cadrage national des horaires, et l’accroissement de la marge d’autonomie des établissements.

Cette réforme a également modifié en profondeur la place que les Sciences économiques et sociales (SES) occupent au sein du lycée général et technologique (GT). En Seconde GT, alors qu’elles possédaient jusqu’ici le statut d’enseignement d’exploration (choisi par la grande majorité des élèves, soit 84.4 % en 2019 [1]), elles sont réintégrées dans le tronc commun mais à hauteur d’1h30 par semaine.

En Première et Terminale, alors qu’elles constituaient la matière centrale de l’une des trois séries du lycée, elles constituent désormais une des spécialités que les élèves peuvent choisir en Première, à raison de 4 heures par semaine, et l’une des spécialités qu’ils peuvent conserver en Terminale (pour un horaire hebdomadaire de 6 heures). Cette réforme structurelle s’est accompagnée d’une refonte majeure des programmes aux trois niveaux d’enseignement.

Le ministre ne manque aucune occasion de vanter les effets unanimement positifs qu’aurait eus sa réforme[2]. Des propos pourtant largement démentis par la mobilisation contre les épreuves communes de contrôle continu (E3C) en ce début d’année dans de très nombreux établissements, qui a conduit parents, élèves et enseignant·e·s, y compris les moins enclin·e·s à l’action collective, à se coaliser contre le « bac Blanquer ».

Loin d’être imprévisible, une telle colère présentait pourtant de nombreux signes avant-coureurs sur lesquels divers collectifs, dont notre association, avaient tenté d’alerter dès la fin de l’année scolaire précédente, alors que déjà la contestation se faisait sentir dans les rangs des enseignant·e·s, avec comme point culminant la grève des surveillances du baccalauréat et la rétention des notes.

En-deçà de ces mobilisations médiatisées, cet article propose de revenir sur quelques-uns des facteurs de cette colère enseignante en s’attachant plus spécifiquement au cas des professeur.e.s de SES à partir d’une enquête menée auprès de ces derniers quelques semaines après la rentrée scolaire 2019. Sur le papier, le bilan pour les SES pouvait pourtant apparaître globalement positif : introduction dans le tronc commun de la classe de Seconde, augmentation de la proportion d’élèves suivant cet enseignement en classe de Première et augmentation du volume horaire en classe de Terminale.

Et pourtant, dès la rentrée, les retours des collègues via les listes de discussion électronique de la profession donnaient avant tout à lire des difficultés importantes au niveau de la conception des emplois du temps comme de la mise en œuvre des programmes ainsi que l’expression d’une véritable souffrance au travail. Afin de ne pas rester prisonnier de la communication ministérielle, et d’objectiver plus précisément ce malaise remontant du terrain l’APSES s’est décidée à lancer une enquête quantitative auprès des enseignant.e.s de SES, en complément d’autres initiatives syndicales similaires.

Cette enquête était elle-même animée par un double questionnement : quels sont d’une part les effets perceptibles de la réforme du lycée sur les conditions d’enseignement des enseignant·e·s et les conditions d’étude des élèves ? Et comment d’autre part la place des SES a-t-elle évolué par rapport à l’ancienne configuration du lycée ?

Après plusieurs appels à participer lancés via les listes professionnelles et les réseaux sociaux électroniques, 650 collègues issu·e·s de 535 établissements scolaires différents ont répondu au questionnaire entre septembre et octobre 2019, sans redressements effectués à posteriori, ce qui pose évidemment des biais évidents liés à l’auto-sélection des répondant·e·s, mais offre néanmoins un tableau intéressant compte tenu du nombre et de la diversité de ces dernier·e·s. Le texte qui suit est donc le fruit des matériaux collectés grâce à cette enquête, et des discussions collectives qui ont animé la liste de diffusion de l’APSES et les réunions des instances démocratiques de l’association.

Un alourdissement et une dégradation des conditions de travail

Tout d’abord, les résultats de l’enquête montrent que suite à la réforme, les conditions de travail des enseignant·e·s de SES se sont considérablement dégradées par rapport à l’année 2018-2019 : ainsi, le nombre moyen de groupes d’élèves pris en charge par les collègues a fortement augmenté, passant de 6,7 à 8 en un an, soit près de 20% en plus. La même augmentation est à constater concernant le nombre moyen d’élèves par enseignant·e avec un passage de 170 à 203 entre les rentrées 2018 et 2019 et la mise en place de la réforme.

Enfin, le nombre d’heures enseignées à des groupes de taille réduite (moins de 20 élèves, lors des séances de travaux dirigés par exemple) est passé de 4 à 3 par semaine. Cet alourdissement de la charge de travail mis en évidence par les indicateurs quantitatifs est corroboré par les commentaires renseignés par plusieurs collègues. En effet, l’augmentation du nombre d’élèves et de groupes, outre qu’elle distend la relation humaine entre professeur·e et élèves, entraîne un alourdissement des tâches associées, comme les corrections de copies, la rédaction des appréciations individuelles dans les bulletins trimestriels, le renseignement des livrets scolaires des élèves ou la rédaction d’avis individuels dans le cadre de Parcoursup. Il accroît également potentiellement la participation à des réunions d’équipes pédagogiques, ainsi qu’aux conseils de classes.

Une mise à mal des collectifs enseignants

Par ailleurs, la réforme a également fragilisé les équipes pédagogiques et engendré de fortes tensions entre certaines disciplines, au niveau national comme à l’échelle locale. En effet, elle a organisé une véritable mise en concurrence de celles-ci pour la redéfinition de leurs périmètres et, concernant les enseignements de spécialité, pour l’attraction des élèves (ceux-ci conditionnant par endroits le maintien ou la suppression de certains postes). S’agissant des SES, celles-ci ont ainsi été frontalement opposées à l’histoire-géographie pour savoir à qui reviendrait l’enseignement de la nouvelle spécialité « Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences politiques » (HGGSP).

Cette situation concerne au-delà la plupart des nouveaux enseignements introduits par la réforme Blanquer[3], qui octroie en outre des marges de manœuvre importantes aux chef·fe·s d’établissement dans la gestion de leurs « ressources humaines » et leur permet d’ajuster l’offre d’enseignements à la main-d’œuvre disponible : il devient en effet possible d’attribuer les heures d’HGGSP aux collègues d’Histoire-géographie ou de SES afin de compléter les services et ainsi éviter la création de postes supplémentaires ou l’affectation de contractuel·le·s ou de collègues d’autres établissements devant renforcer le leur.

Est ainsi renforcée la managérialisation rampante des chef·fe·s d’établissement : l’attribution d’une spécialité peut ici être utilisée comme un moyen de s’assurer l’allégeance des collègues d’une discipline préoccupés par la sauvegarde d’un poste ou avides d’étendre l’influence de leur discipline.

Cette « transdisciplinarité » ouvre également la voie à une concurrence « territoriale » entre disciplines, dont il n’est pas certain qu’elle soit orientée dans l’intérêt des élèves. Le cas de la spécialité HGGSP apparaît là encore emblématique. Le label « Science politique » présent dans le nom de la spécialité (alors que cette discipline fait partie du corpus des SES) joue avant tout le rôle de signal pour les élèves désireux d’intégrer les écoles du même nom. Pourtant, réduite à certains sous-champs de la science politique (les relations internationales) et en ignorant des pans essentiels (la sociologie politique en particulier), elle ne prépare pas réellement les concours d’entrée des Instituts d’études politiques.

En pratique, l’enquête de l’APSES confirme une claire marginalisation des enseignant·e·s de SES dans l’enseignement de la spécialité : près de 84% des répondant·e·s ne l’enseignant pas en classe de première, et moins de 5% assurant au moins 1h30 sur les 4 hebdomadaires – le reste étant alloué aux professeur·e·­s d’Histoire-géographie. De plus, dans de nombreux cas, ce partage s’est fait sans discussion et était « acté d’entrée » (à la faveur des collègues d’Histoire-géographie), souvent « dans la seule logique de préserver des postes [d’Histoire-Géographie] », sans prendre en considération les compétences ou les désirs des collègues pour participer à cette spécialité.

Un approfondissement de la managérialisation des établissements

La concurrence interdisciplinaire est également renforcée par le recul du cadrage national des horaires dédiés aux différentes disciplines, et à l’accroissement du volant d’heures qui relèvent de la marge d’autonomie des établissements. Cette modularité des horaires d’enseignements est présentée comme un moyen de flexibiliser le travail et les conditions d’enseignement des élèves afin de pouvoir mieux s’adapter aux spécificités territoriales et aux projets d’établissement.

En tout état de cause, elle place les collègues en situation de devoir davantage négocier à l’échelon local les ressources qui détermineront tant leurs conditions de travail, que celles de leurs élèves (négociation des dédoublements, d’heures supplémentaires pour la discipline, etc.). Dans le lycée Blanquer, les enseignant·e·s ont la tâche implicite de se transformer en entrepreneurs de leur « marque disciplinaire » et de développer auprès des élèves et de leurs familles des arguments promotionnels pour les attirer après la seconde dans leur spécialité, plutôt que celles de leurs collègues, mais aussi de les y maintenir en fin de première, au moment où les élèves doivent abandonner l’une de leurs trois spécialités.

Par ailleurs ils doivent également savoir convaincre la direction de leur établissement qu’ils « méritent » davantage que les collègues des autres disciplines de bénéficier d’horaires supplémentaires pour mener à bien leurs projets disciplinaires – un volet d’heures restant attribuable de manière discrétionnaire par cette dernière dans chaque lycée. D’autant que, dans une configuration où toutes les spécialités ont le même coefficient au baccalauréat, rien n’est joué d’avance.

Cela revient en fait de facto à faire varier les conditions d’enseignement locales principalement suivant deux facteurs : la « demande » des familles, elle-même dépendant des critères de « sélection » dans l’enseignement supérieur, les fameux « attendus » de Parcoursup, et d’autre part des rapports de force entre disciplines et collègues au sein des établissements, avec la prime à celles et ceux capables de s’attirer les bonnes grâces de leur proviseur·e.

Un éclatement du groupe-classe

Autre effet crucial de la réforme Blanquer consécutif du « libre » choix des spécialités : l’éclatement du groupe-classe. Jusqu’à présent, la classe, c’est-à-dire l’ensemble d’une trentaine d’élèves suivant les mêmes enseignements simultanément, constituait l’unité collective de référence pour la communauté éducative dans l’immense majorité des cas. Or, la consigne a été donnée par le Ministère – et semble avoir été largement suivie – de ne pas reconstituer des classes sur la base des choix de spécialité, pour éviter la reconstitution des séries supprimées.

Dans les lycées de l’enquête, le cas le plus fréquemment rencontré est celui de groupes de spécialité de SES composé d’élèves venant de jusqu’à 6 classes différentes, pour près de 13% des répondant·e·s. Plus de 80% ont un groupe dont les élèves proviennent d’au moins 3 classes, et dans près de la moitié (46,3%) ils en proviennent d’au moins 5. Les commentaires et échanges sur les listes de diffusion indiquent que de telles situations complexifient le travail pour les enseignant·e·s comme pour les élèves qui ne bénéficient plus des effets positifs de l’interconnaissance, facteur qui joue du reste un rôle important dans l’attractivité des classes préparatoires et des grandes écoles par rapport à l’Université.

Premièrement, cela implique la gestion de groupes potentiellement plus hétérogènes et dotés de moins de références communes sur lesquelles peut s’appuyer l’enseignement. Par exemple, l’enseignement des SES implique de la part des élèves la maîtrise de savoir-faire statistiques ou la capacité à analyser des tableaux et graphiques divers. Or il est évident que les élèves n’auront pas la même capacité à intégrer ces savoir-faire selon qu’ils suivent ou non par ailleurs la spécialité « mathématiques ».

D’autre part, il existait avant la réforme, des synergies entre les programmes des différentes disciplines d’une même série. Par exemple, en Terminale, les programmes d’Histoire-géographie ou de Philosophie étaient différenciés afin de tenir compte de la spécialisation des élèves. L’enseignant·e de SES pouvait s’appuyer sur ces enseignements pour recontextualiser une notion ou souligner la convergence et la complémentarité entre les contenus transmis en SES et dans ces disciplines connexes. Chose désormais impossible.

Enfin, l’enseignant·e de spécialité assumant la mission de professeur·e principal·e, se retrouve face à la double-difficulté de ne pas enseigner auprès de tou·te·s les élèves et de devoir coordonner jusqu’à 20 enseignant·e·s différent·e·s pour une même classe, ce qui occasionne une connaissance beaucoup moins importante des élèves, préjudiciable à leur suivi au quotidien comme à leur orientation. Outre ses effets sur les apprentissages et le suivi des élèves, cette évolution accentue une individualisation de la scolarité qui s’inscrit elle-même dans une conception de l’école que l’on pourrait qualifier de : celle d’une compétition entre pairs exclusivement tournée vers la sélection pour des places « rares ».

Un lycée toujours plus anxiogène et focalisé sur la compétition scolaire

Si l’école française se qualifie d’ores et déjà par une hétérogénéité de niveaux, un poids de l’origine sociale sur les résultats et un mal-être des élèves particulièrement marqués, comme l’ont mis en évidence les vagues successives de l’enquête PISA de l’OCDE, ces tendances risquent fort de s’aggraver avec le lycée Blanquer. D’abord, parce que toutes les spécialités ne se vaudront pas aux yeux des formations de l’enseignement supérieur, et que le poids des « délits d’initiés », la possibilité pour certaines familles de faire les « bons » choix pour leurs enfants du fait de leur forte dotation en capital culturel, n’en sera que renforcée.

Pire, tous les établissements ne proposant pas l’ensemble des spécialités, la ségrégation scolaire, qu’elle soit de niveau ou d’origine sociale, risque fort d’en être renforcée du fait des possibilités de contournement de la carte scolaire qu’offre déjà aujourd’hui le choix d’options non offertes dans son établissement de rattachement. Ensuite et surtout, désormais, tous les choix et les notes obtenues dès la Seconde, et même les activités périscolaires, sont pris en compte dans la procédure Parcoursup, au plus grand profit des boîtes à bachotage qui aident déjà les lycén·ne·s suffisamment fortuné·e·s à rédiger leurs lettres de motivation et à prendre des engagements désintéressés mais très intéressants.

Cette sélection précoce s’accompagne d’un souci exacerbé d’obtenir une bonne note par tous les moyens, triche incluse, au détriment de toute autre finalité : se cultiver, développer son sens civique ou tout simplement apprendre à coopérer avec ses camarades, de plus en plus perçu·e·s comme des concurrent·e·s direct.e.s. Cet état d’esprit d’ « entrepreneur·se de soi-même », déjà promu par ailleurs, est particulièrement visible dans l’évolution des programmes de SES.

Des programmes qui dénaturent les SES

Depuis 2010, les disciplines (Science économique d’un côté, Sociologie et Science politique de l’autre) sont soigneusement cloisonnées, si l’on excepte quelques « regards croisés » réduits à la portion congrue. Les élèves perdent ce faisant le réflexe, constitutif du projet des SES depuis sa création, de confronter la perspective de différentes disciplines des sciences sociales pour appréhender des phénomènes intrinsèquement sociaux, économiques et politiques.

En témoignent par exemple les nouveaux chapitres de Première consacrés au marché dans sa seule acception abstraite néoclassique, occultant ses dimensions historiques et institutionnelles et la diversité de ses manifestations concrètes. Un véritable déni du pluralisme qui n’est pas sans interroger sur les intentions idéologiques des promoteurs de ces programmes, et des lobbies patronaux qui semblent de plus en plus tenir leurs stylos.

Ces programmes se caractérisent en outre par une technicité accrue qui rend leur appropriation très difficile par les élèves, et conduit à les éloigner des « questions vives » qui les intéressent réellement. À titre d’exemple, l’étude des sources du chômage est dissociée de celle des mutations du travail et de l’emploi, comme si les deux n’étaient pas en lien tandis que la croissance est abordée du point de vue de ses causes sans jamais s’interroger sur les finalités et la pertinence de l’objectif même d’augmentation des richesses.

Et alors même que le gouvernement prétend faire des enjeux écologiques une priorité, ceux-ci sont réduits à la portion congrue dans les nouveaux programmes. Ces derniers se caractérisent également par une lourdeur extrême en termes de contenus à transmettre en décalage complet avec la réalité des exigences de l’enseignement en lycée, ce qui contraint les enseignant·e·s au saupoudrage et les élèves au bachotage, à rebours des méthodes actives privilégiées par les un·e·s et les autres – initiation au travail d’enquête, recherche documentaire, travail de groupe, travail sur document, débats, projets au long cours –, mais qui nécessitent beaucoup plus de temps que le « bon » vieux cours magistral, ce qui ressort des nombreux commentaires recueillis.

De fait, notre enquête montre que la réforme a conduit à une baisse massive des projets pédagogiques que les répondant·e·s entendent mener avec leurs classes, qu’il s’agisse de voyages scolaires, sorties au musée, au tribunal, de visites d’entreprise, de la création de jeux pédagogiques, de balades sociologiques, de modules d’éducation aux médias, ou encore de la participation au concours vidéo « 3 minutes pour comprendre » et au prix lycéen du livre de SES ou « Social’bd », toutes initiatives émanant d’enseignant·e·s engagé·e·s. Sur les 310 projets que les collègues déclarent avoir dû abandonner entre 2018-2019 et 2019-2020, 49% ont ainsi dû l’être annulés suite à une surcharge de travail affectant les collègues, et 10% suite à une diminution du nombre d’heures attribuées à leur enseignement.

Au final, la dérégulation accrue de l’offre de formation portée par la réforme Blanquer semble non seulement modifier en profondeur la place respective des différentes disciplines au lycée, avec une incertitude profonde sur la pérennité de nombre d’entre elles (confirmée par la réforme annoncée, mais repoussée, de la formation des enseignant·e·s ), mais aussi et surtout d’accroître encore les inégalités locales et sociales, ainsi que de détériorer les conditions de travail des enseignant·e·s comme celles de l’apprentissage des élèves.

À travers l’essor d’une régulation pour partie locale et pour partie gouvernée par l’aval (par les choix des familles et des établissements d’enseignement supérieur), se donnent à voir d’une part un double renoncement au principe de service public et à l’égalité des usager·e·s qui le sous-tend, et d’autre part à une vision politique globale du lycée lui assignant d’autres finalités que celle de simple dispositif de sélection et de préparation aux études supérieures et à l’exercice professionnel.

De fait, si l’on considère la vie économique et sociale comme la lutte individuelle et permanente de tou·te·s contre tou·te·s, on peut considérer que le lycée Blanquer constitue indéniablement un progrès au regard de ses prédécesseurs. Mais si l’on considère que le rôle de l’institution scolaire est de corriger les inégalités culturelles acquises au sein des familles et de former des esprits réflexifs, à même d’exercer pleinement leur citoyenneté et de coopérer avec les autres, et de permettre aux enseignant·e·s de trouver dans cette mission d’accompagnement le sens de leur métier, alors il est en revanche permis de douter de cette « réussite ».

 

NDLR : ce texte a été rédigé par le Bureau national de l’APSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales) pour présenter les résultats de leur enquête sur les conséquences de la réforme Blanquer, et plus spécifiquement sur les conditions d’enseignements des SES en lycée aujourd’hui,


[1] Repères et références statistiques 2019. Sur les enseignements, la formation et la recherche, 2019, page 102 (disponible en ligne)

[2] Voir entre autres ses auditions devant les commissions Culture et Education du Sénat, respectivement le 13 novembre 2019 et le 8 janvier 2020 et devant la commission Culture et éducation de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2019.

[3] Sans compter les enseignements optionnels, en Seconde cela concerne les Sciences numériques et techniques ; en Première et Terminale, les spécialités HGGSP, Humanités littérature et philosophie, Langues, littérature et cultures étrangères, Numérique et sciences informatique ; et pour tous les niveaux de classe, l’EMC.

Notes

[1] Repères et références statistiques 2019. Sur les enseignements, la formation et la recherche, 2019, page 102 (disponible en ligne)

[2] Voir entre autres ses auditions devant les commissions Culture et Education du Sénat, respectivement le 13 novembre 2019 et le 8 janvier 2020 et devant la commission Culture et éducation de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2019.

[3] Sans compter les enseignements optionnels, en Seconde cela concerne les Sciences numériques et techniques ; en Première et Terminale, les spécialités HGGSP, Humanités littérature et philosophie, Langues, littérature et cultures étrangères, Numérique et sciences informatique ; et pour tous les niveaux de classe, l’EMC.