Société

Gestion de crise : comment tirer les leçons du coronavirus ?

Sociologue, Sociologue, Sociologue, Sociologue

La crise que nous traversons est unique à maints égards, mais pas singulière. Tout laisse à penser qu’elle pourrait être suivie par des crises plus graves encore, notamment dues au réchauffement climatique. Il faut donc en tirer des leçons, tant sur cette crise et la manière dont elle est gérée, que sur les outils à mettre en place pour organiser un retour d’expérience qui pourra ensuite être appliqué à d’autres crises. Ce travail doit être pluriel pour que de la controverse scientifique émergent des résultats plus robustes encore.

La crise du coronavirus bat son plein. Et si le temps du bilan n’est pas encore venu, les informations dont nous commençons à disposer, l’observation en temps réel de la crise et les connaissances acquises sur la gestion de crises plus anciennes, permettent déjà d’avancer quelques leçons concernant la préparation et la gestion des situations d’urgence. En scientifiques, nous cherchons ici les bénéfices de la commutativité : que peut nous apporter une synthèse des enseignements formés à partir de l’analyse d’autres événements majeurs et en quoi ceux-ci peuvent-ils nourrir la décision et l’action publique aujourd’hui et plus encore demain ?

Le modèle français de gestion de crise : logique procédurale et vision à court-terme

Comment se prépare-t-on à la crise en France ? Comment et quelles leçons tirons-nous des crises passées ? La réponse à ces questions aide à saisir de nombreux biais qui « infectent » les phases pré- et post-crises.

Les instruments de préparation : des crises ordonnées
La France, à l’instar des autres pays développés, s’est dotée depuis la décennie 2000 d’un vaste arsenal d’instruments de préparation à la gestion de crise. Parmi ces instruments figurent des plans de gestion de crise ainsi que des exercices de simulation. Les premiers décrivent les mesures à prendre en cas de crise. Ils précisent à quelles conditions le plan doit être déclenché, établissent la liste des organisations concernées et la manière dont elles se coordonneront durant la crise, définissent les modalités de prise de décision, proposent un ensemble d’actions, et enfin décrivent les processus de sortie de crise. Quant aux seconds, ils ont pour objectif de tester les premiers en plaçant les participants dans une situation inédite, durant laquelle ils pourront à la fois s’approprier les outils mis à leur disposition, apprendre à se coordonner avec d’autres intervenants, faire l’expérience d’une situation de stress et mettre à l’épreuve leur capacité à affronter une situation d’


[1] On remarquera que la réciproque est vraie, tout en s’inscrivant dans la même logique de personnification : dans les cas de crises dont les conséquences ont été moins graves que ce qui était craint au départ, quelques individus bénéficient du statut de héros providentiel. Ainsi Kennedy a-t-il bénéficié d’une forte aura, construite par ses proches conseillers, à l’issue de la crise des missiles de Cuba, alors que l’historiographie, sans nécessairement nier ses mérites, s’attache à montrer l’ensemble des acteurs – y compris Khrouchtchev – qui ont contribué, parfois avec de la chance, à la résolution de la crise. La logique du héros providentiel est tout autant un frein à l’apprentissage organisationnel.

Henri Bergeron

Sociologue, Directeur de recherches au Centre de sociologie des organisations Sciences Po-CNRS

Olivier Borraz

Sociologue, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre de Sociologie des Organisations (CNRS-Sciences Po)

Patrick Castel

Sociologue, Chargé de recherches au Centre de sociologie des organisations Sciences Po-CNRS

François Dedieu

Sociologue, INRAE, Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] On remarquera que la réciproque est vraie, tout en s’inscrivant dans la même logique de personnification : dans les cas de crises dont les conséquences ont été moins graves que ce qui était craint au départ, quelques individus bénéficient du statut de héros providentiel. Ainsi Kennedy a-t-il bénéficié d’une forte aura, construite par ses proches conseillers, à l’issue de la crise des missiles de Cuba, alors que l’historiographie, sans nécessairement nier ses mérites, s’attache à montrer l’ensemble des acteurs – y compris Khrouchtchev – qui ont contribué, parfois avec de la chance, à la résolution de la crise. La logique du héros providentiel est tout autant un frein à l’apprentissage organisationnel.