La confusion des circonstances – sur le Conseil constitutionnel et l’urgence sanitaire
Bien que leur existence soit unanimement acceptée, la légitimité des cours constitutionnelles, chargées de contrôler la conformité d’une loi à la Constitution, reste sinon fragile du moins toujours objet de discussion : il n’est pas rare que telle décision donne matière à controverse et apparaisse plus politique que juridique. Cela tient en général à l’objet de la loi contestée devant les juges constitutionnels car bien souvent les lois en question ont une dimension sociale ou sociétale et leur contestation, comme leur défense, reflètent des clivages profonds de la société. Aussi a-t-il pu paraître pertinent de comparer les cours constitutionnelles à des fora démocratiques. Et comme ces cours confrontent les lois à des instruments juridiques très généraux, l’image d’une cour constitutionnelle comme d’un « forum de principes » s’est imposée.

Cette métaphore comporte néanmoins une exigence et une ambivalence. L’ambivalence ? Cette conception assume pleinement de reconnaître qu’une cour constitutionnelle n’est pas un juge « comme les autres » car elle joue un rôle politique. Toutefois – c’est l’exigence – ce rôle politique la conduit à prendre des décisions importantes non sur des questions de politiques publiques mais sur des questions concernant les droits fondamentaux des individus, en fondant ainsi ses décisions sur les principes constitutifs du système juridique, des principes de justice qui expriment eux-mêmes la moralité politique propre de ce système juridique[1].
S’attache donc à cette conception une exigence de justification des décisions prises par les juges constitutionnels. Cette même exigence a pour corollaire l’absence, de la part du juge constitutionnel, de toute déférence envers le législateur. Au contraire, le juge constitutionnel doit à son tour exiger du législateur qu’il justifie ses décisions avec soin et ce d’autant plus qu’il porte atteinte à un droit constitutionnel et par définition « fondamental ». Ainsi, toute atteinte à un droit constituti