Politique

La confusion des circonstances – sur le Conseil constitutionnel et l’urgence sanitaire

Juriste

A quatre dispositions près, le Conseil constitutionnel vient de déclarer conforme la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. C’est l’occasion de se pencher attentivement sur la stupéfiante décision initiale qu’il prit à ce sujet le 26 mars dernier, révélant spectaculairement les insuffisances structurelles du contrôle de constitutionnalité à la française. Alors que la protection des droits individuels et l’exigence de débat démocratique quant aux choix collectifs sont inséparables, il est temps de penser autrement le rôle du juge constitutionnel dans notre démocratie encore libérale.

Bien que leur existence soit unanimement acceptée, la légitimité des cours constitutionnelles, chargées de contrôler la conformité d’une loi à la Constitution, reste sinon fragile du moins toujours objet de discussion : il n’est pas rare que telle décision donne matière à controverse et apparaisse plus politique que juridique. Cela tient en général à l’objet de la loi contestée devant les juges constitutionnels car bien souvent les lois en question ont une dimension sociale ou sociétale et leur contestation, comme leur défense, reflètent des clivages profonds de la société. Aussi a-t-il pu paraître pertinent de comparer les cours constitutionnelles à des fora démocratiques. Et comme ces cours confrontent les lois à des instruments juridiques très généraux, l’image d’une cour constitutionnelle comme d’un « forum de principes » s’est imposée.

Cette métaphore comporte néanmoins une exigence et une ambivalence. L’ambivalence ? Cette conception assume pleinement de reconnaître qu’une cour constitutionnelle n’est pas un juge « comme les autres » car elle joue un rôle politique. Toutefois – c’est l’exigence – ce rôle politique la conduit à prendre des décisions importantes non sur des questions de politiques publiques mais sur des questions concernant les droits fondamentaux des individus, en fondant ainsi ses décisions sur les principes constitutifs du système juridique, des principes de justice qui expriment eux-mêmes la moralité politique propre de ce système juridique[1].

S’attache donc à cette conception une exigence de justification des décisions prises par les juges constitutionnels. Cette même exigence a pour corollaire l’absence, de la part du juge constitutionnel, de toute déférence envers le législateur. Au contraire, le juge constitutionnel doit à son tour exiger du législateur qu’il justifie ses décisions avec soin et ce d’autant plus qu’il porte atteinte à un droit constitutionnel et par définition « fondamental ». Ainsi, toute atteinte à un droit constitutionnel doit répondre à un intérêt légitime et à une triple exigence de nécessité, d’adéquation et de proportionnalité stricto sensu (où est fait le bilan coûts-avantages de l’atteinte au droit fondamental).

C’est un euphémisme de dire, qu’en France, le Conseil constitutionnel est encore très loin de correspondre à cette représentation-là du juge constitutionnel. Certes, il dit pratiquer ce contrôle de proportionnalité. Mais il le fait avec un tel flou et si peu de rigueur que son contrôle ne tient pas du tout la comparaison avec celui qu’effectuent d’autres juridictions constitutionnelles, tel que le Tribunal constitutionnel allemand (Bundesverfassungsgericht). L’actualité récente nous en fournit encore la démonstration éclatante : tandis que le Tribunal constitutionnel allemand s’est immiscé dans la politique européenne, en exigeant de la BCE qu’elle justifie la nécessité de ses achats de dettes publiques eu égard aux effets qu’ils auront sur les « actionnaires, locataires, propriétaires immobiliers, épargnants », le Conseil constitutionnel vient – en un temps record – de considérer la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire (et complétant ses dispositions) conforme à la Constitution à l’exception de quatre dispositions et avec quelques réserves d’interprétation. Il juge pour l’essentiel que les mesures sont proportionnées sans cependant se demander notamment si des mesures moins attentatoires aux droits et libertés auraient pu être prises pour atteindre le même but avec la même efficacité.

Plus généralement, chacun peut constater la grande économie de moyens avec laquelle le Conseil constitutionnel français justifie ses décisions. Cette dernière décision est aussi l’occasion de revenir sur celle rendue le 26 mars 2020 relative à la loi organique d’urgence sanitaire[2] qui confirme absolument le constat précédent. Ses lecteurs auront en effet pu éprouver le sentiment que le Conseil constitutionnel se débarrassait d’un évident problème de constitutionnalité à l’aide d’une formule quasi magique du moins parfaitement sibylline : « Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, énonce le Conseil constitutionnel, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ».

De quoi était-il question ? En l’espèce, le Conseil constitutionnel était chargé de vérifier la conformité à la Constitution d’une loi « organique » en vertu d’une obligation que l’on peut qualifier de procédurale contenue à l’article 46 de la Constitution, lequel énonce que les lois organiques « ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution[3]». Le Conseil constitutionnel n’intervenait donc pas dans le cadre d’un litige et n’avait a priori pas à se prononcer sur la question de savoir si une loi en vigueur violait ou non le droit constitutionnel d’un individu.

Toutefois, la loi organique dont il était saisi contient un article unique lequel suspend purement et simplement, jusqu’au 30 juin 2020, d’une part, le délai de trois mois dont disposent le Conseil d’État et la Cour de cassation pour se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et éventuellement la transmettre au Conseil constitutionnel et, d’autre part, le délai également de trois mois dont dispose le Conseil constitutionnel pour statuer sur la QPC qui lui a été soumise[4]. Autrement dit, en vertu de cette loi organique, le Conseil constitutionnel continue à siéger pour des QPC introduites avant le 26 mars 2020 mais plus aucune QPC nouvelle ne peut lui être transmise d’ici le 30 juin 2020. Chacun conviendra qu’une telle loi restreint considérablement certains droits fondamentaux à savoir les droits de la défense des justiciables et porte atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

Mais le problème est encore ailleurs. Ce même article 46 de la Constitution relatif aux lois organiques prévoit une autre obligation procédurale concernant cette fois la discussion parlementaire : un projet de loi organique ne peut être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration de certains délais. En l’espèce, et en outre, le gouvernement avait engagé la procédure accélérée de sorte que son projet de loi organique ne pouvait être soumis à la délibération de la première assemblée saisie « avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt ». C’est maintenant qu’intervient toute la difficulté.

Comme le rappelle la décision du Conseil constitutionnel : « Déposé devant le Sénat, première assemblée saisie, le 18 mars 2020, le projet de loi organique, pour lequel le gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été examiné en séance publique le lendemain. » Oui, on a bien lu : le lendemain et non à l’expiration d’un délai de quinze jours. Il est donc clair que le délai de quinze jours n’a pas été respecté. Pourtant le Conseil constitutionnel conclut sans autre difficulté que « la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est conforme à la Constitution ». On a également bien lu : la loi votée est jugée « conforme » à la Constitution.

Devant un tel cas d’école de ce qui semble une violation manifeste de la lettre de la Constitution, on aurait pu attendre que le juge usât d’une justification nourrie permettant d’excuser cette évidente contrariété entre la décision et le texte de la Constitution. Elle tient cependant en ces quelques mots déjà évoqués : « Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce… ». Faut-il y voir une allusion maladroite à la « théorie » des circonstances exceptionnelles dont se sert le Conseil d’État depuis 1918 ou la marque de ce que le Conseil constitutionnel reconnaît décider moins en droit qu’en pure opportunité ? Nombre de commentaires juridiques ont choisi la première branche de l’alternative. Mais à tout prendre, la seconde branche paraît la plus simple. L’explication tient en trois mots : opportunité, porosité, déférence.

Opportunité

Cette expression vague (« les circonstances particulières de l’espèce ») est sinon courante du moins habituelle dans la jurisprudence du Conseil d’État qui l’utilise en général comme un marqueur lui permettant de souligner que la décision rendue n’est pas (encore) constitutive d’une règle jurisprudentielle. En général, l’invocation des « circonstances particulières de l’espèce » donne lieu à une décision favorable au requérant. Elle traduit ce que l’on aurait appelé en d’autres temps, l’équité ou mieux, le droit naturel.

On ne saurait s’en émouvoir : tous les systèmes de droit positif contiennent des restes de droit naturel et habilitent implicitement les juges à en faire usage, pour peu que ce dernier restât modéré et ne contredise trop ouvertement ou trop fréquemment la loi écrite. Il n’existe bien évidemment pas de critères a priori et objectifs, et l’on sait que tout est affaire d’appréciation de la part du premier concerné, le législateur lui-même – pour ne prendre qu’un exemple, la Cour de cassation en fit l’expérience en 2000 avec l’affaire Perruche. Sauf erreur, aucune décision du Conseil d’État justifiée par les circonstances particulières de l’espèce n’a jamais fait l’objet d’un désaveu législatif ex post.

Pas plus de nos jours que dans le passé, le droit naturel ne sert à empêcher le droit positif : il est avant tout un moyen de justifier une interprétation de celui-ci ou de le corriger à la marge comme on aime à le dire[5]. Ainsi, chacun doit-il comprendre la décision du 26 mars comme signifiant que le gouvernement et le législateur organique demeurent bien soumis aux délais prévus par l’article 46 de la Constitution…« sauf exception ». Ce faisant, le Conseil constitutionnel a répondu positivement à une épineuse question de théorie générale du droit qui est de savoir si une règle se terminant pas la formule « à moins que » est encore une règle[6].

D’un point de vue formaliste, qui entend garantir une forme de séparation des pouvoirs de dire le droit, l’affirmation semble contestable. Car quand bien même on constaterait que, par bonté d’âme, les juges assouplissent les règles écrites pour les « vider de leur venin », on ne pourrait passer sous silence que cette « interprétation » consiste en l’exercice d’un pouvoir de dire ce que le bien (et non le droit) commande de faire. Aussi morale soit l’inspiration de ce pouvoir, il demeure, juridiquement parlant, un pouvoir. Admettre que les juges l’exercent afin d’atténuer les effets d’une règle ne peut être justifié qu’au nom de la morale. Et sauf à présupposer une objectivité morale, on ne peut exclure que le pire arrive.

Or, c’est là qu’intervient la difficulté que chacun peut éprouver à la lecture de la décision du Conseil constitutionnel laquelle ne contient aucune trace d’équité mais, en jugeant que la loi organique était conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel a en réalité clairement pris parti en faveur du législateur et mieux encore du gouvernement et en définitive de lui-même. Le gouvernement faisant voter une loi favorable au Conseil constitutionnel, il est logique – d’une logique toute politique et de circonstances – que le Conseil constitutionnel juge par la suite cette loi conforme à la Constitution, en fermant les yeux sur une violation manifeste que les circonstances excuseront. Traduisons : en fermant les yeux sur une violation de la lettre de la Constitution que le Conseil constitutionnel a sinon sollicitée du moins approuvée. Le renvoi d’ascenseur ou le jeu de vases communicants est par trop visible pour être juridiquement satisfaisant.

C’est aussi ce qui explique que le Conseil constitutionnel s’est trouvé empêché d’employer l’argument des « circonstances exceptionnelles ». Non pas que cet argument soit exclusivement réservé au Conseil d’État. Mais parce que le Conseil d’État a entouré l’emploi de ce même argument de tout un ensemble de contraintes et de contrôles : si le constat de circonstances exceptionnelles autorise l’administration à exercer son pouvoir en dérogeant à des règles de procédure et de fond, et donc à prendre des actes qu’elle ne serait ordinairement pas autorisée à prendre, le contrôle que le juge administratif exerce reste important puisque ce dernier exige la survenance brutale d’événements graves, apprécie l’impossibilité pour l’administration d’agir légalement et vérifie, enfin, que les actes en cause ont été pris dans l’intérêt de l’ordre public et rendus nécessaires eu égard aux circonstances.

Or, à quelle nécessité objective et impérieuse répondait la suspension des délais de transmission au Conseil constitutionnel des QPC par le Conseil d’État ou la Cour de cassation ? C’est cela que le gouvernement – et le Conseil constitutionnel – auraient dû justifier si le juge constitutionnel avait employé l’argument des circonstances exceptionnelles. Et c’est précisément pour dispenser le gouvernement d’une telle obligation de justification que le Conseil constitutionnel a soigneusement évité de se placer sur ce terrain-là. On mesure au passage que l’argumentation juridique possède quelques spécificités : tandis que certains termes qui la constituent et la structurent sont parfois très vagues – c’est le cas de l’expression « circonstances particulières de l’espèce » – et confèrent ainsi un pouvoir discrétionnaire considérable à leurs utilisateurs, d’autres, en revanche, masquent tout un ensemble de contraintes argumentatives pour ceux qui les utilisent. Ces derniers peuvent certes s’en émanciper car ce sont eux qui les ont construites — ils en sont les maîtres. Décider de le faire revient toutefois à les modifier substantiellement et comporte le risque d’affaiblir pour l’avenir une argumentation bien établie.

Porosité

On peut également voir dans la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2020 un coût – et pour certains un avantage – celui d’une porosité des institutions. Une porosité d’abord de style qui n’étonne gère. On sait l’influence qu’exerce la jurisprudence du Conseil d’État sur celle du Conseil constitutionnel. Longtemps chargé d’un contrôle de constitutionnalité des lois exclusivement a priori et donc avant leur promulgation et entrée en vigueur, le Conseil constitutionnel a emprunté au juge administratif plusieurs techniques de contrôles et avec elle un certain style judiciaire, elliptique et glacé. Devenu juge constitutionnel a posteriori de la loi avec l’adoption de « question prioritaire de constitutionnalité », on aurait pu s’attendre à quelque évolution. Elle n’est pas intervenue. Le Conseil constitutionnel reste attaché à une justification brève, économe, rappelant celle adoptée par le Conseil d’État jusqu’à la fin du XXe siècle.

La porosité de style a en effet des limites car le Conseil constitutionnel est loin d’avoir adopté le tournant discursif, qualifié parfois de « pédagogique », du Conseil d’État. Au mieux se contente-t-il du faux-semblant d’un contrôle de proportionnalité dont la parcimonie argumentative le rend fort peu comparable à celui que pratiquent les autres juridictions constitutionnelles ou européennes. Les plus réalistes des juristes y reconnaîtront la marque d’une honnêteté intellectuelle faisant apparaître la décision judiciaire pour ce qu’elle est : l’exercice du pouvoir. Reste à savoir si les membres du Conseil constitutionnel accepteraient de se regarder dans ce miroir-là. Comme le montre la décision rendue le 11 mai, ils préfèrent se convaincre qu’ils exercent un contrôle de proportionnalité « comme les autres cours constitutionnelles » en employant le terme aussi souvent que possible mais en la pratiquant a minima.

Cette porosité n’est toutefois pas que de style, elle est même constitutive de ces institutions qui agissent au nom de l’État de droit, se présentent à leurs homologues comme des remparts devant l’arbitraire étatique et sont mues par la défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles, pour employer la rhétorique juridictionnelle contemporaine. Et dans un État qui se croit dur comme fer comme « de droit » au motif qu’il a enfin intégré un contrôle de constitutionnalité a posteriori, nul ne s’émeut de ce que le secrétaire général du Conseil constitutionnel devienne par la suite celui du gouvernement pour un jour revenir au Conseil d’État comme vice-président. On aurait en effet tort de se priver d’une telle expertise et d’un tel dévouement à l’État. Il faudrait être un bien mauvais coucheur pour envisager une confusion des rôles : il s’agit toujours d’exercer le pouvoir.

Déférence

Certes, on aurait tout aussi tort de monter sur nos grands chevaux et tirer d’une décision qui se veut (explicitement ?) de pure espèce une règle générale de déférence du Conseil constitutionnel envers le gouvernement-législateur. Reste que, aussi exceptionnelle soit-elle en apparence, cette décision souligne s’il en était besoin qu’une plus grande indépendance des juridictions, et plus explicitement des membres de cette « juridiction », ne serait pas un moindre mal. À cet égard, hormis la rhétorique de la défense de l’État de droit et de la protection des droits fondamentaux, on ne peut guère comparer le Conseil constitutionnel aux autres cours constitutionnelles européennes et moins encore à celles plus lointaines. On laissera à d’autres le soin de relier la pauvreté des motivations de ses décisions à la rareté de son personnel, et cette même rareté à la déférence dont l’institution se rend parfois coupable : en manifestant une si faible exigence de motivation de ses propres décisions, le Conseil constitutionnel dispense implicitement le gouvernement de l’effort d’avoir à justifier en profondeur son action et ses choix politiques[7].

Cette décision souligne enfin – et ce n’est pas sans rapport – combien il serait temps que les petits arrangements comptables avec les institutions judiciaires lato sensu – admettons par générosité ou commodité de ranger le Conseil constitutionnel de ce côté-là de la barrière – cessent et que ces dernières puissent profiter de l’effort budgétaire envisagé dans le monde de demain que l’on nous promet depuis hier. Car s’il est parfaitement audible et compréhensible que le confinement forcé rende le fonctionnement de certaines institutions difficile, il le devient beaucoup moins d’apprendre que ces difficultés tiennent à un manque de moyens matériels et humains (à moins qu’il soit demandé aux membres de ces institutions une contribution à l’effort de productivité ?). Or, dans le monde de l’après-pandémie, il en ira des institutions de « justice » comme des hôpitaux publics ou… des universités. (On sait toutefois que le sort de ces dernières est déjà scellé depuis bien longtemps. N’insistons pas ici.)

On l’aura compris, en apparence anodine, et de pure circonstance, cette décision du Conseil constitutionnel du 26 mars révèle les insuffisances structurelles du contrôle de constitutionnalité à la française au regard de ce que les expériences étrangères pourraient montrer et des exigences propres auxquelles il est censé répondre. À l’heure où l’on voit à quel point la protection des droits individuels et l’exigence de débat démocratique quant aux choix collectifs sont inséparables – ils constituent en réalité les deux faces d’une même médaille –, il serait temps de penser autrement le rôle du juge constitutionnel dans notre démocratie encore libérale et ses rapports avec le pouvoir politique. Contrairement à ce que d’aucuns aiment à croire ou faire croire, le Conseil constitutionnel est encore loin de constituer un « forum de principes » : il n’en a tout simplement pas (encore) les moyens.


[1] Ronald Dworkin, « The Forum of Principle », N.Y.U. L. Rev., vol. 56, 1981, p. 469-518, p. 518 : « We have an institution that calls some issues from the battleground of power politics to the forum of principle. It holds out the promise that the deepest, most fundamental conflicts between individual and society will once, someplace, finally, become questions of justice. I do not call that religion or “prophesy”. I call it law ». La distinction entre politique publique et protection des droits est évidemment discutable.

[2] Décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

[3] Article 46 de la Constitution : les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes :
– Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l’article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt.
– La procédure de l’article 45 est applicable.Toutefois, faute d’accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres.
– Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.
– Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

[4] Ces délais sont fixés par l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel conformément à l’article 61-1 de la Constitution.

[5] Pour des exemples historiques, voir Richard H. Helmholz, Natural Law in Court : A History of Legal Theory in Practice, Harvard University Press, 2015.

[6] « A rule that ends with the word “unless… ” is still a rule », H.L.A. Hart, The Concept of Law, Oxford, Clarendon, 2e édition, 1994, p. 139.

[7] Ce qui l’a conduit, par exemple, à admettre implicitement le principe « ce qui n’est pas interdit est permis » en reconnaissant depuis plusieurs années, et encore le 11 mai 2020, que « la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence ». On n’ose imaginer ce que la généralisation de ce principe pourrait produire d’extravagant.

Pierre Brunet

Juriste, professeur de droit public à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Ronald Dworkin, « The Forum of Principle », N.Y.U. L. Rev., vol. 56, 1981, p. 469-518, p. 518 : « We have an institution that calls some issues from the battleground of power politics to the forum of principle. It holds out the promise that the deepest, most fundamental conflicts between individual and society will once, someplace, finally, become questions of justice. I do not call that religion or “prophesy”. I call it law ». La distinction entre politique publique et protection des droits est évidemment discutable.

[2] Décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020, Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

[3] Article 46 de la Constitution : les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes :
– Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l’article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt.
– La procédure de l’article 45 est applicable.Toutefois, faute d’accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres.
– Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.
– Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

[4] Ces délais sont fixés par l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel conformément à l’article 61-1 de la Constitution.

[5] Pour des exemples historiques, voir Richard H. Helmholz, Natural Law in Court : A History of Legal Theory in Practice, Harvard University Press, 2015.

[6] « A rule that ends with the word “unless… ” is still a rule », H.L.A. Hart, The Concept of Law, Oxford, Clarendon, 2e édition, 1994, p. 139.

[7] Ce qui l’a conduit, par exemple, à admettre implicitement le principe « ce qui n’est pas interdit est permis » en reconnaissant depuis plusieurs années, et encore le 11 mai 2020, que « la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence ». On n’ose imaginer ce que la généralisation de ce principe pourrait produire d’extravagant.