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Serons-nous plus humains après l’épreuve ? une lettre de Marseille

Journaliste et écrivain

Bloqué à Marseille par le confinement, alors qu’il réside aujourd’hui aux États-Unis depuis qu’il a quitté l’Égypte, Alaa El Aswany partage sa découverte de vérités nouvelles, comme sa remise en cause de vérités qu’on croyait intangibles. Tous les États ont dû adopter une position pour tenter de contenir l’épidémie. Les disparités entre les régimes dictatoriaux et les démocraties auraient dû être plus criantes que jamais ; et pourtant, la crise a révélé des insuffisances majeures dans tous les pays. Les questions restent ouvertes, aussi bien quant au rapport des citoyens avec leur gouvernement démocratique, que la possibilité de devenir plus humains.

En 2014, dès que le président Sissi parvint au pouvoir en Égypte, il me fut interdit d’écrire dans les journaux égyptiens. Ensuite on m’empêcha de paraître à la télévision, puis on ne m’autorisa plus à tenir les rencontres littéraires que j’organisais depuis 20 ans. C’est alors que je commençai à me rendre aux États-Unis pour y enseigner dans des universités, tout en revenant de temps en temps en Égypte.

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Cela dura jusqu’à la parution à Beyrouth de J’ai couru vers le Nil, mon dernier roman dont les péripéties se situent au moment de la révolution et où sont insérés des documents concernant les massacres de jeunes révolutionnaires perpétrés par le Haut Conseil militaire.

Dès la parution du livre, je fus inculpé par le tribunal militaire sous l’accusation étonnante d’offense aux institutions, d’offense au président de la République, ainsi que de diffusion d’informations mensongères ! À cette époque j’enseignais l’écriture créative aux États-Unis. Je refusai de charger un avocat d’assurer ma défense, et cela pour deux raisons. D’abord parce que ce qui se passe dans les tribunaux militaires égyptiens – procédures et plaidoiries – n’est qu’une façon de préserver les apparences, les décisions et le verdict des juges étant prêts à l’avance. Ensuite parce que, par principe, je refuse en tant qu’écrivain d’être jugé par un tribunal militaire pour un roman que j’ai écrit.

Je décidai donc de m’établir avec ma famille à New York et d’y ouvrir mon atelier d’écriture créative. Par la suite, je reçus de mon ami Thierry Fabre l’invitation à une résidence d’écrivain à l’Institut marseillais d’études avancées (IMéRA) relevant de l’Université d’Aix-Marseille. J’acceptai l’invitation, d’abord parce que j’aime Marseille et que j’avais envie de mieux la découvrir. En effet chacun de mes voyages précédents avait été bref et mon programme très chargé, ce qui ne m’en avait laissé pas suffisamment le temps. Je l’acceptai également parce que, écrivant actuellement un nouveau roman do


Alaa El Aswany

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