Environnement

Retour des néonicotinoïdes : l’impossible réduction des pesticides ?

Doctorant en sociologie, Sociologue

La loi qui réintroduit l’emploi des néonicotinoïdes, les insecticides « tueurs d’abeilles » interdits depuis 2018, doit être présentée en conseil des ministres ce jeudi 3 septembre. L’objectif est de sauver la filière de la betterave sucrière française touchée par une infestation de pucerons verts, mais ce recul sur les efforts annoncés de réduction des pesticides montre surtout la difficulté à faire évoluer l’approche des risques de ce type de substances, et à accompagner la nécessaire transformation en profondeur des pratiques agricoles.

Interdits depuis 2018 en raison de leur nocivité pour les abeilles, les pesticides néonicotinoïdes sont actuellement réclamés par les producteurs de betterave et de maïs, en raison des menaces que les ravageurs font peser sur leurs récoltes en cet été 2020. Le spectre de ce retour de produits pourtant toxiques donne à voir la difficulté que représente la volonté affichée par les autorités de réduire fortement le recours aux pesticides en agriculture. En février dernier, un avis de la Cour des Comptes pointait du doigt l’échec des politiques publiques qui se sont succédées depuis plus de dix ans pour atteindre cet objectif. Constitué de six pages lapidaires, il donne à voir la pluralité et la coexistence des définitions du problème sur lesquelles ces politiques reposent.

Historiquement, le principal mode de régulation des pesticides et de leurs effets indésirables a été le contrôle étatique de leur accès au marché. Dès le milieu du XXe siècle, ces produits ont été soumis à une autorisation de mise sur le marché, adossée à une évaluation des risques. Au terme de cette évaluation, ne peuvent être commercialisés que les pesticides pour lesquels ont été identifiées des doses « acceptables » d’exposition pour l’ensemble des organismes « non cibles », qu’il s’agisse d’insectes sauvages, de riverains ou de travailleurs. Pour qu’un produit soit autorisé à la vente, il faut que l’industriel précise les conditions d’utilisation (quantité maximale à l’hectare, mode de pulvérisation, port d’équipements de protection…) garantissant que ces doses acceptables ne seront pas dépassées.

Ce contrôle a priori a été par la suite progressivement complété par des dispositifs de surveillance post-autorisation de mise sur le marché des effets indésirables des pesticides, tant en termes de pollution de l’eau et de l’air que d’effets sur la faune sauvage, les abeilles domestiques ou la santé des travailleurs agricoles. L’objectif de cette surveillance est de produire des données permettant é


Alexis Aulagnier

Doctorant en sociologie, Rattaché au CSO de Sciences Po et au LIEPP

Jean-Noël Jouzel

Sociologue, Chargé de recherche au CNRS, rattaché au CSO de Sciences Po