Santé

To test or not to test ? Le dépistage au cœur des controverses

Sociologue et politiste

Dans la guerre contre la Covid-19, une des armes centrales est le dépistage. Depuis mars dernier, près de 44 millions de tests ont été réalisés. Avec quels résultats ? La stratégie du « tester-tracer-isoler » n’a jamais fonctionné, le virus circule toujours et l’objectif de réduction du nombre de cas quotidien à 5000 n’est pas atteint. Pourquoi ? Quatre séries d’ambiguïtés sur les tests, leurs usages et l’information qu’ils produisent, permettent d’apporter des éléments de réponse.

Invention majeure du début des années 1980, aujourd’hui centrale en biologie moléculaire, la technique PCR (Polymerase Chain Reaction) n’a pas été conçue pour répondre à un problème spécifique[1]. Ce n’est qu’une fois disponible qu’elle est apparue comme une solution à différents problèmes. Une des caractéristiques de cette technique est ainsi son extraordinaire polyvalence. Elle est utilisée dans des domaines aussi divers que la recherche sur le génome humain, les enquêtes médico-légales, la science alimentaire et vétérinaire, l’écologie, le diagnostic médical ou encore l’épidémiologie.

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Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de SARS-CoV-2, les tests PCR, tout comme les tests antigéniques introduits plus récemment, participent à deux registres d’usage que l’on peine parfois à distinguer.

Le premier registre d’usage relève de la prévention individuelle et collective. En l’absence de traitement spécifique, les tests servent à identifier et trier les personnes contaminées pour les séparer de celles qui ne le sont pas. Quel que soit le résultat des tests, chacun peut se sentir individuellement concerné par le rappel de mesures de prévention (gestes barrières, port du masque, etc.). Préoccupation qui, dans le même temps, s’étend à l’entourage et aux espaces de circulation des individus. Plus formellement encore, les personnes testées positives doivent entrer dans un dispositif prophylactique comprenant des mesures d’isolement et de traçage de celles et ceux ayant été ou étant en contact avec elles.

En outre, ces résultats intéressent collectivement certaines organisations. Depuis peu, les tests peuvent ainsi participer à la protection de la santé et de la sécurité des entreprises. Les employeurs peuvent donc proposer des tests antigéniques à leurs employés, à l’instar de ce que font depuis le printemps dernier les établissements de soins pour leurs personnels.

Le second registre d’usage des tests est celui de la production de données pour la surveillance


[1] Paul Rabinow, Making PCR : A story of biotechnology, University of Chicago Press, 2011.

[2] Prof. Carl Heneghan et Tom Jefferson, « What does a case of Covid-19 really mean ? », The Spectator, 14 septembre 2020.

[3] Didier Sicard et Patrick Guérin, Covid-19 : « Des biais amplifient artificiellement le nombre de cas positifs et faussent la perception de la gravité de l’épidémie », Le Monde, le 7 novembre 2020.

[4] Paul J. DiMaggio et Walter W. Powell, « The iron cage revisited : Institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields», American sociological review, 1983, pp. 147-160.

[5] Patrick Peretti-Watel et Jean-Paul Moatti, Le principe de prévention : le culte de la santé et ses dérives, Seuil, 2009.

Renaud Crespin

Sociologue et politiste, Chargé de recherche au Centre de Sociologie des Organisations (CNRS - Sciences Po)

Rayonnages

Société

Notes

[1] Paul Rabinow, Making PCR : A story of biotechnology, University of Chicago Press, 2011.

[2] Prof. Carl Heneghan et Tom Jefferson, « What does a case of Covid-19 really mean ? », The Spectator, 14 septembre 2020.

[3] Didier Sicard et Patrick Guérin, Covid-19 : « Des biais amplifient artificiellement le nombre de cas positifs et faussent la perception de la gravité de l’épidémie », Le Monde, le 7 novembre 2020.

[4] Paul J. DiMaggio et Walter W. Powell, « The iron cage revisited : Institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields», American sociological review, 1983, pp. 147-160.

[5] Patrick Peretti-Watel et Jean-Paul Moatti, Le principe de prévention : le culte de la santé et ses dérives, Seuil, 2009.