Société

Mobilités des uns, confinements des autres

sociologue

Le troisième confinement annoncé ce mercredi 31 mars par Emmanuel Macron a notamment pour effet de vider encore un peu plus le mot de son sens. Son omniprésence participe au brouillage des réalités sociales les plus triviales tant « le confinement » renvoie à des processus moins homogènes, moins nouveaux et moins figés que ce que son martèlement laisse croire. C’est notamment le cas avec deux grandes questions remises sous le feux des projecteurs par la pandémie : la question sociale et la question écologique. 

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« Le confinement. » Il a fallu moins d’un an pour que ce mot, auparavant plutôt allégorique et peu employé dans le langage courant, s’impose dans notre quotidien, au point d’être discuté chaque jour, sur toutes les chaines d’information, en suivant le mode de raisonnement qu’elles affectionnent tant et qui réduit chaque évènement à un petit plébiscite : pour ou contre.

Depuis, « le confinement » nous apparaît comme un outil de régulation des flux afin de soulager un hôpital en incapacité de faire face à ce que la pandémie lui impose. Les privations de liberté et l’obligation à l’immobilité relèvent du management du soin et c’est au politique de fixer le curseur quand la raison médicale plaiderait plutôt « pour » (le confinement qui sauve des vies) et la realpolitik « contre » (le confinement qui tue l’économie).

Mais derrière l’évidence d’une situation qui s’étire, le mot se vide de son sens. Son omniprésence participe au brouillage des réalités sociales les plus triviales tant « le confinement » renvoie à des processus moins homogènes, moins nouveaux et moins figés que ce que son martèlement laisse croire. C’est notamment le cas avec deux grandes questions remis sous le feux des projecteurs par la pandémie et le confinement : la question sociale et la question écologique. 

La question sociale au prisme du confinement : promiscuité et mobilités contraintes

On voit bien que, derrière « le » confinement, se décline toute une gamme de situations sociales. La vraie question est sans doute plutôt celle de la promiscuité – un terme absent des débats quotidiens qui paraît pourtant plus pertinent que celui de « confinement ».

D’un point de vue sanitaire, le confinement efficace est en effet un confinement sans promiscuité, un confinement où chacun dispose d’un espace à soi et où les contacts physiques sont minimisés et minimisables. On pourrait dire la même chose du point de vue de son acceptabilité mentale : il est plus facile de « faire avec » la privation de mo


[1] Voir par exemple, la controverse autour du sens donné à l’usage du mot confinement pour qualifier le rapport des femmes à la sphère domestique dans La révolution au féminin de Camille Froidevaux-Metterie : Verjus, Anne. « Froidevaux-Metterie (Camille), La révolution du féminin, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2015, 384 pages », Politix, vol. 121, no. 1, 2018, pp. 246-251 et Froidevaux-Metterie, Camille. « Réponse de Camille Froidevaux-Metterie au compte rendu de La révolution du féminin fait par Anne Verjus », Politix, vol. 121, no. 1, 2018, pp. 252-255.

[2] Voir dans l’ordre : Hoggart, Richard. The Uses of Literacy: Aspects of Working-Class Life. London: Penguin Classics, 2009 ; Whyte, William Foote. Street corner society: la structure sociale d’un quartier italo-américain. Paris: La Découverte, 1996 ; Coquard, Benoît. Ceux qui restent: faire sa vie dans les campagnes en déclin. Paris: La Découverte, 2019 ; Weber, Florence. Le travail à-côté : Une ethnographie des perceptions. Édition revue et Augmentée. Paris: Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2009; Schwartz, Olivier. Le monde privé des ouvriers: hommes et femmes du Nord. Paris: PUF, 1990.

[3] Talpin, Julien, Hélène Balazard, Marion Carrel, Samir Hadj Belgacem, Anaïk Purenne, Guillaume Roux, et Kaya Sümbül. L’épreuve de la discrimination : Enquête dans les quartiers populaires. Paris: Presses Universitaires de France – PUF, 2021 ; Bonheur, Collectif Rosa. La Ville Vue d’en bas. Paris. Amsterdam, 2019 ; Truc, Gérôme, et Fabien Truong. « Cinq femmes fortes. Faire face à « l’insécurité » dans une « cité de la peur » », Mouvements, vol. 92, no. 4, 2017, pp. 94-103.

[4] Signalons que de nombreuses familles ne se nourrissent aujourd’hui plus que grâce aux distributions alimentaires assurées par le tissu associatif ou les services municipaux.

Fabien Truong

sociologue, Professeur agrégé à l’Université Paris 8, membre de l’Institute for Advanced Study (Princeton)

Notes

[1] Voir par exemple, la controverse autour du sens donné à l’usage du mot confinement pour qualifier le rapport des femmes à la sphère domestique dans La révolution au féminin de Camille Froidevaux-Metterie : Verjus, Anne. « Froidevaux-Metterie (Camille), La révolution du féminin, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2015, 384 pages », Politix, vol. 121, no. 1, 2018, pp. 246-251 et Froidevaux-Metterie, Camille. « Réponse de Camille Froidevaux-Metterie au compte rendu de La révolution du féminin fait par Anne Verjus », Politix, vol. 121, no. 1, 2018, pp. 252-255.

[2] Voir dans l’ordre : Hoggart, Richard. The Uses of Literacy: Aspects of Working-Class Life. London: Penguin Classics, 2009 ; Whyte, William Foote. Street corner society: la structure sociale d’un quartier italo-américain. Paris: La Découverte, 1996 ; Coquard, Benoît. Ceux qui restent: faire sa vie dans les campagnes en déclin. Paris: La Découverte, 2019 ; Weber, Florence. Le travail à-côté : Une ethnographie des perceptions. Édition revue et Augmentée. Paris: Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2009; Schwartz, Olivier. Le monde privé des ouvriers: hommes et femmes du Nord. Paris: PUF, 1990.

[3] Talpin, Julien, Hélène Balazard, Marion Carrel, Samir Hadj Belgacem, Anaïk Purenne, Guillaume Roux, et Kaya Sümbül. L’épreuve de la discrimination : Enquête dans les quartiers populaires. Paris: Presses Universitaires de France – PUF, 2021 ; Bonheur, Collectif Rosa. La Ville Vue d’en bas. Paris. Amsterdam, 2019 ; Truc, Gérôme, et Fabien Truong. « Cinq femmes fortes. Faire face à « l’insécurité » dans une « cité de la peur » », Mouvements, vol. 92, no. 4, 2017, pp. 94-103.

[4] Signalons que de nombreuses familles ne se nourrissent aujourd’hui plus que grâce aux distributions alimentaires assurées par le tissu associatif ou les services municipaux.