À la vue du public, le théâtre policier
La police est une institution publique, une « force publique », ainsi définie par l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’affirmation de ce caractère distinctif est d’une portée considérable : elle implique que les actions entreprises par les policiers sont redevables d’une justification publique, visée à l’article 15 de la même Déclaration (« la société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration »), mais elle signifie aussi que les forces de police agissent dans un régime de publicité, c’est-à-dire que leurs actions sont exposées à la vue du public, qui en retour est légitime à en juger le bien-fondé.
Les théoriciens de la police ont bien sûr traité des deux aspects, et dans les pays anglo-américains souvent au moyen d’un même terme, celui de « performance [1] ».

Dans son premier sens, la performance policière est entendue comme l’instrument qui permet de comptabiliser les coûts et les bénéfices de son action. Cette performance a fait l’objet d’un investissement considérable depuis une vingtaine d’années, notamment par le biais des méthodes du « nouveau management public ». La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) du 9 août 2002 demandait aux préfets, policiers et gendarmes de « s’engager dans un mode de management moderne fondé sur la responsabilité et la culture de la performance » (discours de Nicolas Sarkozy, septembre 2005), notamment par le biais de l’évaluation par objectifs, indicateurs de résultats, responsabilité individuelle des agents et rémunération au mérite.
Mais le terme de « performance » ne se réduit pas, dans les travaux de théorie de la police, à ce qui très vite prit l’allure d’une « culture du chiffre » dévoyée par la production de statistiques sans rapport avec la poursuite des missions fondamentales de la police. « Performance » est en effet l’un des concepts-clés de la sociologie de Erving Goffman, qui ent