Migrants : déni des langues versus hospibabélité
« Là où l’on fait violence à l’homme, c’est une observation évidente, on le fait aussi à la langue » écrit Primo Levi dans Les naufragés et les rescapés. À l’heure où les politiques migratoires européennes et françaises s’appuient sur une rhétorique sécuritaire de la suspicion, le discours médiatique n’en finit pas de dresser le portrait du migrant suspect, coupable ou victime. Un an avant les présidentielles qui prévoient un duel Macron/Le Pen, l’extrême droite profite de toute occasion pour développer son répertoire langagier outrancier et obscène, fait d’amalgames racoleurs, de contre-vérités partielles, de chiffres tronqués et polariser le débat. En parallèle, le discours administratif de l’asile avec son jargon d’intraduisibles – SPADA, CHUM, PRADHA et autres HUDA et ADA, guichet unique, récépissé, préfecture, etc. – se durcit.

Ce discours, porté par la peur de l’étranger, interdit précisément de l’entendre. Car dans le pays d’accueil, la parole du migrant, de l’exilé, est suspecte, inaudible tant qu’il n’a pas prouvé qu’il était une « victime » nécessitant une protection. L’ordre de discours de la preuve achève ainsi de délégitimer la parole d’un homme, d’une femme, ici en demande d’asile, là-bas en proie à des violences telles qu’elles l’ont obligé à quitter son pays d’origine.
Le paradoxe est de taille : alors que toute rencontre avec l’étranger est une question de langue, alors que toute la procédure d’asile est construite sur la base du « récit » du requérant, sa langue ou plutôt ses langues ne sont très rarement reconnues comme telles, comprises, entendues pour ce qu’elles sont : non pas seulement la langue étrangère à « traduire » pour en tirer les informations utiles au système asilaire – ce que prévoient les audiences des administrations de l’asile, Préfecture, OFPRA et CNDA – mais la langue maternelle, comme espace des affects où se tisse le rapport au monde, porteur des différences culturelles et donc lieu de rencontre avec l’altérité.
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