Prisons : autopsie contradictoire de la dissolution du Genepi
L’émotion suscitée par la dissolution début août du Genepi tient avant tout à la place qu’a eue l’association dans le parcours de dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants, l’auteur de ces lignes inclus[1]. Depuis 1976 et jusqu’à la suspension des actions en détention de l’association, ils ont été jusqu’à 1300 chaque année à entrer chaque semaine en prison pour y rencontrer des personnes détenues autour d’un soutien scolaire ou d’activités culturelles. Ces activités à l’intérieur des prisons se complétaient d’une formation interne particulièrement riche aux enjeux de l’enfermement et d’actions de sensibilisations de publics divers, notamment scolaires.

Comment une association fondée par un secrétaire d’Etat de Valéry Giscard d’Estaing, rassemblant initialement une poignée d’étudiants de Polytechnique et de HEC, en est-elle venue à être la plus grosse association étudiante de France, puis à devenir un petit collectif anticarcéral non-mixte dénonçant le patriarcat, le racisme et le classisme de l’institution pénitentiaire ? À quelques exceptions près, la couverture médiatique a largement vilipendé les rédactrices du communiqué de dissolution, les accusant d’entrisme, les ralliant au nouvel épouvantail de la « woke culture ». La dissolution du Genepi serait le résultat d’un coup d’État interne, entièrement imputable à quelques militantes radicalisées.
Ce récit escamote pourtant une évolution de plusieurs décennies, portée par des générations de membres de l’association en regard des transformations de son partenaire historique, l’administration pénitentiaire. La disparation du Genepi apparaît alors moins comme un coup de tonnerre que comme un révélateur d’évolutions de fond aussi bien du monde militant sur les questions carcérales que des politiques pénitentiaires.
Le Genepi, une exception française
Il n’existe pas d’équivalent dans le monde à ce que fut le Genepi. Une association nationale et exclusivement étudiante, forte à la fin des années 2000 de