Écologie

Abondance, rareté, équité

Économiste

Pour stabiliser le réchauffement provoqué par le trop plein de CO2 dans l’atmosphère, il faut viser la neutralité climatique en maniant deux armes : rationner une énergie fossile bien trop abondante, et investir dans la biodiversité pour préserver le foisonnement du vivant, ainsi que vient de le souligner le Congrès mondial de la nature qui s’est achevé ce week-end à Marseille.

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Traditionnellement, les économistes représentent le milieu naturel comme une somme de ressources dans laquelle on peut puiser. Certaines sont qualifiées de « renouvelables » (forêts, biodiversité,…), d’autres « d’épuisables » (énergie fossile, métaux…). Dans les deux cas, la crainte ancestrale des économistes a été le butoir du mur de la rareté : pas assez de terre (Malthus), pas assez de biens agricoles (Ricardo), pas assez de charbon (Jevons), pas assez d’énergie fossile (Club de Rome)… Et à terme, la fin subie de la croissance économique.

Face à cette crainte, les économistes néo-classiques ont construit un contre argumentaire basé sur la capacité du système marchand à toujours repousser le mur de la rareté. Le spectre du manque serait chaque fois déjoué par la capacité du système à trouver des substituts aux ressources qui, devenant rares, voient leurs prix relatifs augmenter. Une belle fonction de production à facteurs substituables nous ouvrirait la voie d’une « croissance infinie dans un monde fini ».

Abondance et rareté dans la pensée économique

Ce débat entre économistes se situe à l’intérieur d’un paradigme solidement ancré : celui d’une science économique qui aurait pour seul objectif d’étudier la « relation entre les fins et les moyens rares à usage alternatifs », suivant la formule célèbre de Robbins[1]. Dans ce corpus de doctrine, les crises proviennent de la rareté ou de sa mauvaise gestion et le bien-être résulte de l’abondance des consommations privées.

La crise climatique nous contraint à dépasser ce paradigme. Elle s’aggrave chaque jour du fait du trop-plein de gaz à effet de serre s’accumulant au-dessus de nos têtes. Un débordement qui résulte de notre addiction aux énergies fossiles, bien trop abondantes au regard de ce que peut contenir l’atmosphère sans risque majeur pour la stabilité du climat. Il convient donc de cesser de se préoccuper d’un hypothétique « pic de pétrole » imposé par la rareté du sous-sol. C’est au contraire son ab


[1] Lionel Robbins (1932), Essai sur la nature et la signification de la science économique, édition française : Librairie Médicis, 1947, P.30.

[2] Nicholas Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, Harvard University Press, 1971.

[3] Vaclav Smil, Energy Transitions: Global and National Perspectives, 2nd Edition, Praeger 2017.

[4] Marta Torre-Schaub et alii, Droit et changement climatique : comment répondre à l’urgence climatique ?, Mare & Martin, Collection des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne, 2020.

[5] Christian Gollier, Le climat après la fin du mois, PUF, 2019.

[6] Kate Raworth (2017), La théorie du Donut, édition française : Plon, 2018, P.326.

[7] Branko Milanovic (2016), Inégalités mondiales, édition française : La Découverte 1990.

[8] Tim Jackson, Prosperity without Growth, Erthscan, 2009.

[9] Christian de Perthuis, Le tic-tac de l’horloge climatique, De Boeck, 2019, P.242-252.

[10] Marc Guillaume, Energies ultra-vertes, Descartes & Cie, 2020.

[11] Bruno David, À l’aube de la 6e extinction, comment habiter la terre ?, Grasset, 2021.

[12] Elisabeth Kolbert, The Sixth Extinction: An Unnatural History, Henry Holt & Co, 2014.

Christian de Perthuis

Économiste, Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine

Mots-clés

Climat

Notes

[1] Lionel Robbins (1932), Essai sur la nature et la signification de la science économique, édition française : Librairie Médicis, 1947, P.30.

[2] Nicholas Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, Harvard University Press, 1971.

[3] Vaclav Smil, Energy Transitions: Global and National Perspectives, 2nd Edition, Praeger 2017.

[4] Marta Torre-Schaub et alii, Droit et changement climatique : comment répondre à l’urgence climatique ?, Mare & Martin, Collection des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne, 2020.

[5] Christian Gollier, Le climat après la fin du mois, PUF, 2019.

[6] Kate Raworth (2017), La théorie du Donut, édition française : Plon, 2018, P.326.

[7] Branko Milanovic (2016), Inégalités mondiales, édition française : La Découverte 1990.

[8] Tim Jackson, Prosperity without Growth, Erthscan, 2009.

[9] Christian de Perthuis, Le tic-tac de l’horloge climatique, De Boeck, 2019, P.242-252.

[10] Marc Guillaume, Energies ultra-vertes, Descartes & Cie, 2020.

[11] Bruno David, À l’aube de la 6e extinction, comment habiter la terre ?, Grasset, 2021.

[12] Elisabeth Kolbert, The Sixth Extinction: An Unnatural History, Henry Holt & Co, 2014.