Politique

Des ombres planent sur les sondages en vue de la présidentielle

Statisticien

Les pratiques sondagières ne sont pas marginalement mais structurellement problématiques. En cause, non pas simplement une sous-estimation de l’abstention mais un échantillonnage inadapté, une pratique des redressements erronée et une tendance à la convergence des résultats publiés. Hélas la multiplication de tels artefacts produit des effets politiques majeurs.

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Les échecs récents des sondeurs concernant les intentions de vote des élections régionales ont mis en évidence les problèmes structurels de leurs pratiques et laissent augurer de grandes incertitudes pour la prochaine présidentielle.

Tous les sondages effectués au mois de juin pour le premier tour des élections régionales 2021 ont surestimé le vote en faveur du Rassemblement National, de l’ordre de 4 à 10 points selon les régions (sauf pour la Corse où le RN est très faible). En Occitanie, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Normandie, les 10 points ont été atteints, ce qui est une situation inédite. Mécaniquement, ces écarts ont été préjudiciables à d’autres listes. Ainsi en Occitanie, la liste PS/PCF/PRG a pu perdre près de 11 points. Pris de court par ce fiasco généralisé les sondeurs ont donné, de concert, une explication improvisée : les écarts auraient été dus à leur sous-estimation de l’abstention. En fait il n’en est rien car, dans leurs approches, leurs estimations de l’abstention n’ont pas de lien avéré avec l’amélioration des estimations d’intention de vote.

En réalité les causes de la déroute sont structurelles et donc moins avouables. Elles concernent essentiellement le mode de sélection des échantillons et l’introduction de correctifs par des redressements inappropriés.

Un mode d’échantillonnage impropre

Depuis une décennie, l’accroissement de la concurrence, due à l’émergence de nouveaux prestataires opérant à bas coûts et dans de brefs délais par l’entremise d’Internet, a tiré vers le bas la qualité des échantillons. Pratiquement tous les échantillons sont aujourd’hui extraits de réservoirs de personnes – les panels – qui s’inscrivent d’elles-mêmes sur des sites Internet ad-hoc. Pour chaque sondage, des questionnaires sont envoyés à une sélection de panélistes, simplement calibrée sur les quotas sociodémographiques usuels (âge, genre, catégorie socio-professionnelle, zone géographique), et répond alors qui veut. Ce mode d’auto-sélection des répon


[1] Michel Lejeune, La singulière fabrique des sondages d’opinion, L’Harmattan, 2021, 168 pages

Michel Lejeune

Statisticien, Professeur honoraire de l'Université Grenoble-Alpes

Notes

[1] Michel Lejeune, La singulière fabrique des sondages d’opinion, L’Harmattan, 2021, 168 pages