Politique

Comment l’extrême-droite a renouvelé le militantisme féminin

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L’élection présidentielle de 2022 a confirmé l’assise de la candidate et des candidats d’extrême-droite dans l’électorat féminin. Comment rendre compte de cette évolution ? L’une des explications possibles réside dans le renouvellement du militantisme féminin à l’extrême-droite et dans les droites radicales. Ce travail d’unification autour d’un ennemi commun, l’égalité de genre, devrait interroger les organisations de gauche et écologistes.

Depuis 2012, on constate au fil des scrutins que la réticence des femmes à voter pour l’extrême-droite s’érode. Le Front national présidé par Mme Le Pen, puis le Rassemblement national semblent avoir conquis le vote de certaines femmes et a patrimonialisé certains enjeux du féminisme : santé des femmes, autonomie, droit de vivre d’un travail salarié. Il a articulé avec succès la cause des femmes et celles de la sécurité, associant l’immigration non-occidentale et l’islam aux violences faites aux femmes.

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Tandis que Marine Le Pen jouait la carte du maternalisme protecteur des classes populaires nationales menacées par la mondialisation néolibérale, Éric Zemmour s’appuyait sur des comités de « Femmes avec Zemmour », conférant une visibilité aux femmes, comme enjeu de mobilisation électorale et comme militantes. Si ces efforts ne suffirent pas à convaincre les femmes, que le candidat estimait responsables de tous les maux du pays au fil de ses pamphlets antiféministes, ils ont néanmoins permis de mettre l’immigration et la sécurité à l’agenda de la campagne et d’imposer un cadrage sécuritaire et civilisationnel à la place des femmes dans la société.

Pour comprendre cela, il faut revenir sur un moment fondateur dans l’évolution stratégique des droites sur les questions de genre. Le retour de la social-démocratie au pouvoir, avec l’élection présidentielle du socialiste François Hollande, la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que la conquête d’exécutifs locaux, ouvre une période de réflexion stratégique dans des droites défaites. Les mobilisations spectaculaires contre le projet de loi Taubira, ouvrant le mariage civil et la filiation aux couples homosexuels ont ouvert un espace de décloisonnement des droites conservatrices, extrêmes et radicales.

Dans la rue tout d’abord, les cortèges soigneusement organisés par des militantes et militants catholiques, professionnels de la communication pour nombre d’entre eux, et financés par de généreuses levé


[1] Eszter Kováts et Maari Põim (dir.), Gender as Symbolic Glue: The Position and Role of Conservative and Far Right Parties in the Anti-Gender Mobilization in Europe, Foundation for European Progressive Studies, Friedrich-Ebert Stiftung, 2015.

[2] Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique : aux origines de la Manif pour tous, Éditions du Seuil, 2019.

[3] Gaël Brustier, Le mai 68 conservateur. Que restera-t-il de La manif pour tous ?, Le Cerf, 2014.

[4] Claire Sécail, « L’élection présidentielle 2022 vue par Cyril Hanouna. 1. La pré-campagne (automne 2021) », Les Focus « Communication et politique » (blog), 26 janvier 2022.

[5] Samuel Bouron, « Des “fachos” dans les rues aux “héros” sur le web », Réseaux 2, no 202‑213 (19 juin 2017), 187‑2.

[6] Jacques de Guillebon, « Femmes de droite », vidéo, L’incorrect, 8 février 2021

Magali Della Sudda

Politiste, Chargée de recherche au CNRS

Notes

[1] Eszter Kováts et Maari Põim (dir.), Gender as Symbolic Glue: The Position and Role of Conservative and Far Right Parties in the Anti-Gender Mobilization in Europe, Foundation for European Progressive Studies, Friedrich-Ebert Stiftung, 2015.

[2] Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique : aux origines de la Manif pour tous, Éditions du Seuil, 2019.

[3] Gaël Brustier, Le mai 68 conservateur. Que restera-t-il de La manif pour tous ?, Le Cerf, 2014.

[4] Claire Sécail, « L’élection présidentielle 2022 vue par Cyril Hanouna. 1. La pré-campagne (automne 2021) », Les Focus « Communication et politique » (blog), 26 janvier 2022.

[5] Samuel Bouron, « Des “fachos” dans les rues aux “héros” sur le web », Réseaux 2, no 202‑213 (19 juin 2017), 187‑2.

[6] Jacques de Guillebon, « Femmes de droite », vidéo, L’incorrect, 8 février 2021