En Inde, une écologie de façade
Températures plus élevées de sept à onze degrés que d’ordinaire et pluies beaucoup plus rares : l’Inde a connu des mois de mars et avril étouffants, même dans les régions himalayennes habituellement plus fraîches. À Bombay, 21 millions d’habitants ont dû supporter plusieurs journées à plus de 40°C… Si les autorités basées dans la capitale économique de l’Inde ont profité de cet épisode caniculaire pour annoncer un plan climatique ambitieux – augmentation de la part de renouvelable dans la production d’électricité et développement des mobilités douces pour atteindre zéro émission net de carbone d’ici 2050 –, l’ambition climatique des autorités indiennes siégeant à New Delhi, dont Narendra Modi se veut le héraut depuis 2014, ne se traduit que très laborieusement dans les faits.
À la COP 21 de Paris en 2015, l’Inde, troisième émetteur de dioxyde de carbone derrière la Chine et les États-Unis (en volume absolu), avait annoncé son intention de réduire l’intensité de ses émissions de plus d’un tiers par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030. Elle s’était également fixé pour objectif de porter à 40 % la part de sa capacité de production électrique reposant sur des énergies renouvelables et s’était engagée à créer un puits de carbone de 2,5 à 3 milliards de tonnes d’équivalent CO2 grâce à une couverture forestière et arborée supplémentaire.
Six ans plus tard, au sommet de la COP 26 à Glasgow, le Premier ministre Narendra Modi a annoncé que son pays atteindrait la neutralité carbone d’ici 2070. Mais il a déclaré que l’Inde attendait des pays développés qu’ils fournissent au plus tôt un financement climatique de 1 000 milliards de dollars pour atteindre cet objectif. L’Inde avait peu avant également actualisé ses « Contributions déterminées au niveau national » (NDC) en s’engageant à porter la production électrique due aux énergies renouvelables à 500 GW et à couvrir ainsi 50 % de ses besoins énergétiques au moyen de combustibles non fossiles d’ici 2030. Il s’agit là d’un objectif véritablement ambitieux, qui obligerait l’Inde à plus que tripler sa capacité actuelle de production électrique à partir de combustibles non fossiles en moins d’une décennie. Le Premier ministre a également déclaré que l’Inde réduirait d’ici 2030 ses émissions de carbone d’un milliard de tonnes et l’intensité des émissions de carbone de l’économie de 45 % par rapport aux niveaux de 2005.
La sincérité de ces annonces ambitieuses a toutefois été en partie contredite au dernier jour des négociations au cours de la rédaction du communiqué final, lorsque l’Inde a proposé que l’expression phasing out coal (éliminer progressivement le charbon) soit remplacée, dans le projet final de texte de l’accord, par phasing down coal (réduire progressivement le charbon). L’Inde n’était pas seule à mener cette bataille : la Chine, son nouvel ennemi public numéro un, était du même combat, invoquant pour cela les notions de « responsabilités communes mais différenciées » et de « capacités respectives » – expressions consacrées du droit international de l’environnement qui visent à souligner que les pays qui ont signé l’accord des Nations unies sur le climat ont une responsabilité commune dans la lutte contre le changement climatique, mais qu’ils disposent de capacités différentes pour la mener étant donné qu’ils se trouvent à des stades différents de développement économique.
Indiens et Chinois ont également souligné que leurs efforts déployés pour atteindre l’objectif d’une limitation de la hausse des températures à +1,5°C devaient être compatibles avec leurs efforts pour éradiquer la pauvreté. Le ministre indien de l’environnement, disant son accord avec la position de la Chine, s’est demandé à haute voix : « Comment peut-on attendre des pays en voie de développement qu’ils réduisent progressivement leurs subventions au charbon et aux combustibles fossiles ? Ils doivent encore poursuivre leur programme de réduction de la pauvreté. »
De tels propos traduisent une réalité de plus en plus prégnante : si l’Inde développe les énergies renouvelables, elle n’a pas fait de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité dès lors que celle-ci risque de contrarier sa stratégie de développement qui repose encore largement sur le charbon. Du coup, en dépit des engagements qu’elle a pris dès la COP 21 à grands renforts de publicité, elle n’a pas atteint les objectifs annoncés. Elle n’a d’ailleurs pas officiellement présenté ses NDCs actualisées parce qu’elle attend d’abord les 1 000 milliards de dollars évoqués plus haut en faveur des pays en voie de développement avant de relever ainsi ses objectifs de réduction des émissions. Cette demande correspond à dix fois plus que les 100 milliards de dollars par année pour la transition écologique des pays en voie de développement promis par les pays développés dans le cadre des accords précédents.
Sur le terrain, si l’image verte de l’Inde reste portée par ses investissements massifs dans les énergies renouvelables, et en particulier dans le solaire, cette image tend à se fissurer, non seulement pour les raisons évoquées jusque-ici, mais aussi à cause de la dépendance persistante du pays vis-à-vis du charbon – que les efforts de reforestation sont loin de compenser.
Investissement dans les énergies renouvelables et les véhicules électriques
L’Inde s’est fait une réputation mondiale grâce à ses investissements massifs dans l’énergie solaire et éolienne. Selon le Climate Action Tracker, « la capacité installée des énergies renouvelables a atteint 98,8 gigawatts (GW) en juillet 2021, contre 39 GW en 2015. Cela comprend 41 GW d’énergie solaire et 39 GW d’énergie éolienne, avec des gains nets de capacité de 12,4 GW d’énergie solaire et de 3,2 GW d’énergie éolienne terrestre entre 2019 et 2021 ». En août 2021, le Ministère des énergies nouvelles et renouvelables (MNRE) a annoncé que le pays avait atteint le cap des 100 GW de capacité d’énergie renouvelable. L’écrasante majorité de ces 100 GW – 78 % –, est due à des projets d’énergie éolienne et solaire de grande ampleur. Bien qu’il s’agisse d’une étape importante, l’Inde n’atteint ainsi que deux tiers environ de son objectif de 175 GW d’installations renouvelables d’ici 2022.
Afin d’honorer ses nouveaux objectifs, ceux annoncés à Glasgow, l’Inde devra en faire encore plus dans divers domaines. Par exemple, elle s’est donné pour but de produire 40 GW d’énergie verte dans le secteur de l’énergie solaire en toiture d’ici 2022, mais elle n’a pas été en mesure de réaliser ne serait-ce que 20 % de cet objectif à ce jour.
En outre, certains de ses objectifs ne sont eux-mêmes pas suffisants pour permettre au pays de tenir ses engagements. Dans le secteur des transports, le Niti Aayog (le successeur de la Commission au plan) estime ainsi qu’environ 1,7 milliard de tonnes de CO2 pourraient être évitées si l’Inde adoptait des politiques plus écologiques. C’est ainsi que l’organisation recommande de porter à 30 % la part des véhicules électriques (VE) dans les nouvelles ventes d’ici 2030. Mais selon le Climate Action Tracker, la proportion des ventes de VE au niveau national devrait se situer entre 80 et 95 % d’ici 2030 pour contribuer à faire respecter l’Accord de Paris par l’Inde. En outre, le remplacement de la flotte automobile par des VE sans développement du transport en commun électrique et sans transition énergétique de la production d’électricité, ne peut s’inscrire dans une démarche écologique dès lors que les VE sont alimentés en électricité par des usines thermiques fonctionnant majoritairement au charbon…
Le gouvernement a aussi adopté en 2015 le programme FAME (Faster Adoption and Manufacturing of Hybrid and Electric Vehicles), doté d’un budget de 8,95 milliards de roupies (130 millions de dollars), qui prévoit des subventions pour les véhicules électriques à 2 et 3 roues, les voitures hybrides et électriques et les bus. Le FAME II, qui est entré en vigueur en avril 2019, est doté d’un budget de 100 milliards de roupies (1,4 milliard de dollars) pour des incitations initiales à l’achat de véhicules électriques et pour soutenir le déploiement d’infrastructures de recharge. Toutefois, l’impact de ces initiatives dépendra lui aussi de la capacité de l’Inde à réduire sa dépendance au charbon.
Même si l’Inde atteignait ses objectifs en termes de développement des énergies renouvelables, ses politiques et actions actuelles n’iraient pas dans le sens d’une limitation des températures mondiales sous la barre des 2°C pour une autre raison : sa dépendance persistante vis-à-vis des énergies fossiles que le pays continue à encourager au nom de la croissance économique.
Le règne du charbon
Alors qu’au cours des sept dernières années, le pays a investi 5 200 milliards de roupies (62 milliards d’euros) dans les énergies renouvelables, l’investissement dans l’industrie des combustibles fossiles, bien qu’en baisse de (seulement) 4 % entre 2015 et 2019, se chiffrait à 245 000 milliards de roupies (2 900 milliards d’euros). Pire, la production de charbon devrait passer à un milliard de tonnes d’ici 2024, contre 716 millions de tonnes en 2020-21. L’Inde abrite déjà le deuxième plus grand parc de centrales électriques au charbon du monde, mais selon la Central Electricity Authority, la capacité de production des usines thermiques fonctionnant au charbon devrait passer de 202 GW en 2021 à 266 GW en 2029-30.
Or le gouvernement indien ne décourage pas activement ces investissements. Au contraire, les subventions en faveur des combustibles fossiles augmentent, passant de 7 fois plus que les énergies propres en 2019 à 7,3 fois plus en 2020, avec un total de 34 % des subventions quantifiées aux combustibles fossiles. Cette politique s’explique de trois manières différentes : premièrement, le charbon coûte moins cher que d’autres sources d’énergie (malgré ces subventions). Deuxièmement, produire davantage de charbon paraît nécessaire au gouvernement indien pour en importer moins et recouvrer une certaine souveraineté économique en faisant baisser le déficit commercial. Troisièmement, les grandes entreprises du secteur constituent des lobbys non négligeables.
Résultat : en juin 2020, le gouvernement a procédé à une vente aux enchères de 41 blocs d’extraction de charbon, au cours de laquelle les acteurs privés ont été autorisés à remettre des soumissions pour la première fois. Le projet d’EIA (Environmental Impact Assessment, voir plus bas) et la décision du gouvernement de mettre aux enchères des mines de charbon pour l’exploitation commerciale s’inscrivent dans une politique générale des plus problématiques. Dès lors que le charbon représente environ 70 % de l’approvisionnement énergétique du pays, celui-ci ne peut prétendre s’engager dans une trajectoire sérieuse de décarbonation.
De fait, les projections que proposent les prévisionnistes sont pour le moins pessimistes. Selon une étude de British Petroleum, en 2040, le charbon représentera 48 % de la consommation d’énergie primaire des combustibles commerciaux en Inde, tandis que les énergies renouvelables n’y contribueront qu’à hauteur de 16 %. Cela signifie que si le taux de croissance de l’économie reste le même, les émissions de dioxyde de carbone du pays doubleront pour atteindre 5 Gt en 2040. La part de l’Inde dans les émissions mondiales passerait alors de 7 % aujourd’hui à 14 % en 2040.
Quelle reforestation ?
S’engageant à augmenter ses surfaces forestières pour créer des puits de carbone, l’Inde a promulgué en juillet 2016 une loi sur le fonds de boisement compensatoire et alloué 6,2 milliards de dollars à l’expansion de la couverture forestière indienne de 21,34 % du territoire à 33 % d’ici 2030. Cinq ans plus tard, 25 % de la superficie totale de l’Inde est officiellement sous couvert forestier et arboré. Selon le rapport sur l’état des forêts indiennes (India State of the Forest Report – ISFR 2019) publié le 30 décembre 2019, la couverture forestière et arborée totale du pays était désormais de 807 276 km² (soit 24,56 % de la superficie géographique du pays) contre 802 088 km² (24,39 %) en 2017 – soit une augmentation de 5 188 km² (l’augmentation enregistrée avait été de 8 021 km² entre 2015 et 2017 – voir l’ISFR 2017 et l’ISFR 2015).
Cependant, ces données sont discutables car ce qui est considéré comme des « forêts » par le Forest Survey est jaugé par des images satellites de résolution inadéquate. Les satellites de télédétection indiens produisent en effet des images d’une résolution de 23,5 mètres par pixel, trop grossières pour identifier sans équivoque la déforestation à petite échelle et pour distinguer les forêts des plantations. Les responsables du Forest Survey reconnaissent qu’ils devraient plutôt utiliser des images d’une résolution de 5,8 mètres par pixel. Même dans ces conditions de mesure imparfaite, on estime que sur les 21,5 % du territoire indien considérés comme forestiers, 9,3 % et 9,1 % relèvent respectivement de la « forêt modérément dense » et de la « forêt ouverte », selon le rapport de l’ISFR de 2019. Seuls 2,9 % formeraient des « forêts denses ».
La situation a continué à se dégrader depuis. Si les forêts ouvertes ont augmenté de 2 612 km2 au cours des deux dernières années, les forêts très denses n’ont augmenté, elles, que de 501 km2, tandis que 1 582 km2 de forêts modérément denses ont été perdus. Par ailleurs, entre 2015 et 2020, 256 000 hectares de forêt primaire ont été rasés, soit l’équivalent de six fois le territoire de la Suisse et une augmentation de 37 % par rapport aux six dernières années (voir l’ISFR 2021)
La CAMPA (Compensatory Afforestation Fund Management and Planning Authority), créée en 2006 et réformée par une loi de 2016, justifie un déboisement rapide au nom de la croissance économique. Cette institution a ainsi autorisé la création de 21 aéroports et de 23 autoroutes d’une longueur totale de 7 800 kilomètres, ainsi que la vente aux enchères de forêts au secteur privé pour la première fois en diluant les lois existantes et en prétendant que ces atteintes à l’environnement étaient compensées par des opérations de reforestation.
Au total, les forêts indiennes absorberaient 11,25 % des gaz à effet de serre du pays, selon le Ministère de l’environnement et des forêts.
Les ONG confrontées au pouvoir
Bien que la pollution de l’air soit un énorme problème de santé publique en Inde et que les perturbations du cycle hydrologique affectent déjà sérieusement l’agriculture dans plusieurs régions indiennes, les partis politiques ne mentionnent pas les défis environnementaux dans leurs programmes électoraux. En 2019, lors de la campagne des élections générales, le Congrès a été le seul parti national à aborder ce problème de manière substantielle.
Les choses changent un peu dans certains États où quelques partis régionaux accordent plus d’attention aux questions environnementales. Au Maharashtra, le ministre de l’environnement de l’État, Aditya Thackeray, a suspendu le projet de métro d’Aarey qui aurait eu des conséquences écologiques dévastatrices. Dans le Jharkhand, le chef du gouvernement, Hemant Soren, a saisi la Cour suprême pour contester la décision du gouvernement central de mettre aux enchères des blocs de charbon pour l’exploitation commerciale. Mais ces actions politiques sont rares, la tendance étant au démantèlement des lois et règlementations protégeant l’environnement.
La mobilisation autour des questions environnementales vient surtout aujourd’hui des organisations de la société civile où les ONG jouent un rôle majeur. Si les plus célèbres – comme Greenpeace India et le Centre for Science and Environment – font pression sur le gouvernement depuis des années, de nouvelles organisations ont été créées récemment, comme Let India Breathe, Fridays For Future India et There is No Earth B, toutes lancées par de jeunes environnementalistes. Ces organisations ont été très actives ces derniers temps sur deux fronts. Premièrement, elles ont pris part à la grève mondiale du climat inspirée par Greta Thunberg. Deuxièmement, elles ont organisé des campagnes en ligne pendant le confinement de 2020 afin de mobiliser le soutien du public pour protester contre le projet de notification d’EIA 2020 proposé par le gouvernement indien.
Ces organisations ont travaillé sous pression car le gouvernement de Narendra Modi mène la vie dure aux ONG. En 2014, l’Intelligence Bureau of India a soumis un rapport au bureau du Premier ministre sur les ONG financées par l’étranger. Le rapport alléguait que Greenpeace était le fer de lance d’une campagne qui « faisait obstacle aux projets énergétiques de l’Inde » – une référence oblique à son opposition aux centrales nucléaires – et faisait « pression sur l’Inde pour qu’elle n’utilise que des énergies renouvelables ». Depuis lors, le gouvernement indien a sévi contre Greenpeace en l’accusant d’avoir enfreint la loi en matière de transferts de fonds en provenance de l’étranger et, par conséquent, l’organisation a été contrainte en 2019 de fermer deux bureaux et de réduire considérablement son personnel – alors qu’elle menait des campagnes contre les centrales électriques au charbon de l’Inde.
Le ciblage des ONG environnementales s’inscrit dans une politique plus large. Le gouvernement indien s’apprête ainsi à assouplir la procédure de notification d’EIA après s’être tout simplement refusé à la traduire en langues vernaculaires pour permettre la participation du public – la Haute Cour de Delhi a dû ordonner au gouvernement de traduire l’EIA dans les 22 langues de la constitution indienne. Les ONG environnementales soulignent que, si ce projet de modification d’EIA venait à aboutir, de nombreux projets industriels seraient exemptés de consultation publique dès lors qu’ils seraient déclarés « stratégiques » par le gouvernement.
Deux autres dispositions sont particulièrement discutées en Inde. La première concerne la notion d’autorisation post-facto, selon laquelle les projets violant la loi sur l’environnement seraient autorisés à continuer si, en compensation, le contrevenant déboursait 1,5 à 2 fois le montant des dommages écologiques. La deuxième avance que les violations de la loi sur l’environnement ne peuvent être signalées que par le contrevenant ou une autorité gouvernementale. Il n’y a aucune possibilité de plainte publique – une indication claire des appréhensions du gouvernement concernant les interventions des ONG. En juillet 2021, la Haute Cour de Madras a accordé un sursis provisoire à l’application d’une note de service émise par le Ministère de l’environnement et des forêts qui prévoyait une procédure pour l’octroi d’une autorisation post-facto aux projets qui ont été mis en place sans autorisation environnementale en vertu de la notification d’EIA de 2006.
Conclusions et recommandations
Si lors de la COP 21 l’Inde avait acquis l’image d’un leader de la lutte contre les émissions de CO2, image confortée par le lancement de l’Alliance solaire par François Hollande et Narendra Modi en lever de rideau de cette COP, sept and plus tard, la façade verte du pays semble se fissurer. Même si New Delhi a investi dans les énergies renouvelables et annoncé un objectif de zéro émission net, il existe un fossé entre les annonces et la réalité du terrain, comme le montre la place du charbon dans les politiques énergétiques de New Delhi et la réalité du couvert forestier.
Les officiels indiens affirment que les pays occidentaux sont historiquement responsables du changement climatique, que les émissions par habitant de l’Inde restent très faibles, que la croissance est la priorité du pays, et que les pays riches ne fournissent pas les 100 milliards de dollars qu’ils ont promis lors de la COP 21 pour aider les stratégies de décarbonation des pays pauvres (l’année dernière, seuls 80 milliards de dollars ont été dépensés). Le rapport du Comité permanent du financement de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) estime que les pays en voie de développement auront besoin de 6 000 milliards de dollars d’ici à 2030 pour financer 40 % de leurs engagements nationaux.
L’ambivalence de l’Inde est apparue au grand jour en décembre 2021, lorsqu’une proposition visant à autoriser le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) à délibérer sur les questions liées au changement climatique a été rejetée, non seulement par la Russie, mais aussi par l’Inde. Le représentant permanent de l’Inde auprès de l’ONU, T. S. Tirumurti, a déclaré : « Aujourd’hui, on cherche à soustraire les décisions relatives au changement climatique à la communauté internationale élargie représentée dans la CCNUCC pour les confier au Conseil de sécurité. Ironiquement, de nombreux membres du CSNU sont les principaux responsables du changement climatique en raison de leurs émissions historiques. Si le Conseil de sécurité assume effectivement la responsabilité de cette question, quelques États auront alors le champ libre pour décider de toutes les questions liées au climat. Ce n’est clairement ni souhaitable ni acceptable. » Ces paroles sont révélatrices des réticences de l’Inde à s’engager sur le fond de la lutte contre le réchauffement climatique.
L’Inde fait valoir qu’elle ne peut pas mener sa transition énergétique si les pays développés ne l’aident pas financièrement et technologiquement. Il est en effet indispensable que les pays riches soutiennent les pays du Sud, dont l’Inde, dans cette démarche. New Delhi sera toutefois trop jalouse de son indépendance nationale pour laisser vérifier à quelle fin auront été utilisés les fonds des bailleurs.
Si les soutiens financiers constituent un levier important pour déplacer le curseur en faveur d’une politique de lutte contre le changement climatique en Inde, d’autres actions peuvent être menées en parallèle. La coopération technologique est l’une d’entre elles. Étant donné l’expertise française dans ce domaine, des collaborations – voire des transferts de technologie – pourraient être envisagées entre les deux pays, par exemple dans les infrastructures pour la mobilité à hydrogène et les métros.