Les océans au service de Prométhée
Avec l’inauguration prochaine du parc de Saint-Nazaire (480 MW), l’éolien en mer va sortir en France du registre de l’abstrait, de l’inconnu, en devenant une réalité technologique et paysagère bien concrète. Plus de vingt ans auront été nécessaires (un premier appel d’offres fut lancé en 2004 portant sur une puissance installée de 500 MW sur l’ensemble des façades maritimes) pour voir s’élever une forêt d’éoliennes sur le littoral métropolitain. Au moment où la Commission européenne annonce un ambitieux programme pour faire de la mer du Nord « la centrale électrique verte » du continent (l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique se sont engagés à installer 150 GW d’éoliennes offshore d’ici 2050), la France compte elle aussi sur une accélération des projets (avec l’objectif d’atteindre 40 GW d’éolien marin d’ici 2050) pour viser la neutralité carbone, tout en répondant aux enjeux de souveraineté énergétique attisés par le conflit russo-ukrainien. Le développement de l’éolien offshore s’inscrit dans un processus historique de marinisation généralisée des technologies de l’énergie, avec un attrait pour la mer qui gagnerait à être expliqué.

La marinisation du système technique des énergies fossiles
Comprendre l’intérêt pour l’éolien offshore nécessite de replacer cette technologie dans un phénomène historique plus vaste de marinisation de notre système énergétique.
L’océan n’est pas seulement mis à contribution pour le transport du pétrole et du gaz naturel entre pays producteurs et pays consommateurs (les combustibles fossiles et leurs dérivés représentent aujourd’hui à eux seuls 40 % des cargaisons maritimes). L’extraction des matières minérales sous l’eau existe depuis longtemps. Le risque de pénurie des combustibles fossiles terrestres (charbon, pétrole et gaz) hante les esprits des experts et des gouvernements depuis le XIXe siècle. Pensons ici à l’ouvrage The Coal Question (1865) de l’économiste et logicien britannique William Stanley Jevons