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Quelle gouvernance globale des migrations après la pandémie de Covid-19 ?

Politiste

Le Canada vient de mettre fin à toutes les mesures sanitaires à ses frontières et le Japon de rouvrir ses portes aux touristes individuels. Si le temps est à l’allègement des restrictions, les conséquences du Covid-19 sur les mobilités se font toujours sentir, rappelant à quel point la pandémie a affecté les parcours des migrants. Voté en 2018, le Pacte mondial pour les migrations n’a pas suffi à mettre en place une gouvernance globale entre les pays et les bailleurs. Celle-ci s’avère pourtant plus que jamais nécessaire.

La crise liée au Covid-19 a entraîné des scènes chaotiques aux frontières et l’immobilité de millions de personnes. La fermeture non coordonnée des frontières et l’adoption unilatérale de règles sanitaires ont largement contribué à cette situation. Le Maroc, par exemple, a suspendu les lignes aériennes et maritimes, et prohibé le retour de ses propres ressortissants. À travers le monde, des dizaines de milliers de personnes ont été bloquées dans le pays où elles séjournaient, parfois sans les moyens de subvenir à leurs besoins. Les procédures de visa ont été suspendues, ce qui a différé des réunifications familiales et séparé des familles pendant des mois. Cette mise à l’arrêt a aussi porté atteinte à de nombreux secteurs économiques, notamment les exploitations agricoles dépendant des travailleurs saisonniers étrangers.

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En parallèle, un nombre record de migrants sont retournés dans leur pays d’origine, pour être auprès de leurs proches, ou parce qu’ils avaient perdu leur travail. Les mesures prises pour lutter contre le Covid-19 ont en effet touché les secteurs qui emploient de nombreux travailleurs migrants, en particulier la restauration et le tourisme. Dans les pays d’origine, les familles dépendant des revenus des migrants ont beaucoup souffert de cette interruption des transferts de fonds, d’autant que la crise les a davantage précarisées. Enfin, les retours non coordonnés de centaines de milliers de migrants ont accru les pressions économiques et sociales dans les régions d’origine, et nécessité le déploiement d’aides d’urgence.

Cette cascade d’effets de la pandémie a révélé à quel point les pays d’origine, de transit et de destination des migrants sont interdépendants. La gestion des migrations nécessite que les gouvernements se mettent d’accord sur des principes de gestion commune. Dans le même temps, la crise a montré les limites du cadre de coopération internationale existant. Elle a mis en évidence la tension persistante entre le besoin de coordonner les politiques migratoires et la crainte des États de devoir faire des compromis dans un domaine aussi central pour la souveraineté nationale, et aussi sensible politiquement.

Depuis les années 1990, des efforts ont été déployés pour mieux encadrer les relations inter-gouvernementales dans le domaine des migrations. En 2018, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées, et régulières a marqué l’aboutissement de ces initiatives. L’origine de ce premier accord international sur les migrations est à trouver dans une autre crise, la crise des réfugiés et des migrants de 2015 et 2016 en Europe.

À l’époque, les États avaient convenu qu’il était temps de créer un mécanisme de coopération plus robuste, pour répondre aux crises mais aussi lutter plus efficacement contre le trafic d’êtres humains, mieux organiser les voies de migration légale, et valoriser les activités des diasporas. Quatre ans plus tard, les promesses de ce Pacte sont loin d’avoir été réalisées. La persistance du Covid-19, les défis liés au changement climatique et aux pénuries de main-d’œuvre confirment néanmoins la pertinence de ce mécanisme. Cette collaboration inter-gouvernementale est aussi la condition pour sortir de la perception d’une crise migratoire permanente.

Convergences des efforts pour améliorer la gouvernance globale des migrations

Depuis les années 1990, les questions relatives aux migrations ont pris (encore plus) d’importance dans les débats publics. En Europe, ces discussions sont régulièrement réactivées, en fonction du nombre de migrants arrivant aux frontières. Après les printemps arabes, par exemple, les départs depuis l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient vers l’Europe ont suscité de nouvelles discussions entre leaders européens, et des mesures renforcées sur le contrôle des frontières. Mais ces mouvements de populations ont mis en lumière le fait que la gestion des migrants et des réfugiés était aussi l’affaire des pays arabes. Après la chute du régime de Kadhafi, la Tunisie a ainsi dû répondre à l’arrivée d’un million de migrants et réfugiés en provenance de Libye. Au Moyen-Orient, la guerre en Syrie a entraîné des déplacements massifs de réfugiés vers la Turquie, le Liban et la Jordanie, et les trois pays ont eu à repenser leur politique d’accueil.

Au fil des crises, des pays pour lesquels les migrations n’étaient pas une priorité ont dû les intégrer comme une nouvelle réalité. Par exemple, depuis 2014, le départ de millions de Vénézuéliens vers la Colombie et le Pérou a généré de nombreux défis pour leurs gouvernements. Les deux pays ont mis au point un statut spécial pour ces populations, et tenté de répondre à leurs besoins en termes d’accès aux services publics et au marché de l’emploi, tout en restant attentifs aux demandes de leurs propres opinions publiques. Des pays qui étaient traditionnellement des pays de départ des migrants, comme le Maroc, la Tunisie et le Mexique, sont devenus des pays de transit et de destination. Ils doivent maintenant répondre à des problématiques liées à l’accueil, l’intégration, et le traitement des migrants sans statut légal.

Les migrations constituent également un enjeu économique de premier plan. Les pays d’origine ont désormais pleinement conscience de l’importance des transferts d’argent pour leur économie, ainsi que du pouvoir économique de leurs diasporas. Beaucoup ont développé des politiques publiques pour maximiser les bénéfices des migrations pour leur propre développement et encourager les investissements de leurs compatriotes travaillant à l’étranger. De l’autre côté, les pays de destination ont besoin de main-d’œuvre étrangère dans des secteurs qui peinent à recruter, comme dans l’agriculture et l’hôtellerie. Partout, les gouvernements cherchent à attirer les talents et encourager l’innovation et l’entreprenariat.

Ainsi, bien que les migrations suscitent de vives controverses, les gouvernements reconnaissent qu’elles peuvent être bénéfiques si elles sont bien gérées. À partir des années 1990, ils lancent une série d’initiatives pour mieux coordonner leurs politiques dans ce domaine. Les États y associent l’Organisation des Nations Unies (ONU) et la société civile, des associations de travailleurs migrants aux syndicats et organisations de la diaspora. Les intérêts de tous ces partenaires ne sont pas alignés, et les compromis sont donc difficiles. Néanmoins, des consensus émergent sur la nécessité de rendre les migrations plus sûres, lutter contre le trafic d’êtres humains et autres réseaux criminels, et encourager la cohésion sociale entre les migrants et les communautés qui les accueillent.

Une décennie plus tard, ces initiatives pour une meilleure gouvernance globale des migrations se formalisent. Une série de commissions et de dialogues sont établis pour échanger sur les migrations et le développement. Les agences de l’ONU comme le Bureau international du travail se mobilisent pour la protection des travailleurs migrants. À partir de 2007, les gouvernements, l’ONU et la société civile lancent le Forum mondial pour les migrations et le développement, qui se réunit tous les ans autour de questions relatives aux transferts de fonds, aux diasporas, à l’aide publique au développement.

En 2015, les Objectifs de développement durable – qui guident les engagements internationaux dans le domaine du développement – entérinent ce lien entre migrations internationales et développement. Les États s’accordent sur l’ambition commune de « faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées ».

Malgré cette convergence, les pays de destination, de transit, et d’origine peinent encore à mener des actions communes. Par exemple, les partenariats pour la mobilité lancés après les printemps arabes par l’Union Européenne (UE) avec des pays de transit et d’origine restent des cadres abstraits de coopération. En 2015, la crise des réfugiés et des migrants en Europe marque donc un point de bascule. Au regard de l’ampleur de la crise, et des difficultés des pays de l’UE, des Balkans, et du Moyen-Orient à s’entendre, les gouvernements décident qu’il est temps d’établir un cadre de coopération renforcée. Sous l’égide de l’ONU, deux processus parallèles sont lancés pour produire deux traités internationaux, non contraignants juridiquement : un Pacte Mondial pour des Migrations sûres, ordonnées, et régulières et un Pacte Mondial sur les réfugiés.

La route sinueuse vers le Pacte mondial pour les migrations

Les négociations pour le Pacte mondial pour les migrations s’appuient sur les dialogues et les forums précédents, mais c’est la première initiative sur les migrations d’une telle envergure. Pour la première fois, tous les États sont invités à échanger sur tous les sujets relatifs aux migrations. Les thématiques les plus sensibles politiquement, comme la création de voies légales pour les travailleurs non qualifiés vers les pays occidentaux ou le retour des migrants sans statut légal vers les pays d’origine, sont mises à l’agenda.

Le processus dure deux ans, de 2016 à 2018, et il se caractérise par une deuxième ambition, une méthode plus inclusive des parties prenantes par rapport aux procédures de négociations traditionnelles des textes onusiens. Ainsi, dès 2016, les diasporas, les syndicats, les associations de femmes migrantes, et d’autres acteurs de la société civile sont sollicités. Ils partagent leurs perspectives sur la gouvernance des migrations et les solutions qu’ils préconisent. Les municipalités sont également consultées, ce qui dénote à quel point, depuis 2015, les villes sont devenues des acteurs stratégiques sur un sujet souvent perçu uniquement à travers le prisme étatique.

En dépit des efforts pour créer un véritable espace de dialogue, les discussions sont marquées par des tensions attisées par quelques pays occidentaux. En décembre 2017, l’administration Trump annonce son retrait des consultations et dénonce un accord biaisé en faveur des migrants – alors que, précisément, le texte est en cours d’élaboration. Les mois suivants, la Hongrie instrumentalise le processus à des fins électorales. Le gouvernement hongrois s’oppose bruyamment à toute qualification positive des migrations et défend la fermeture des frontières, une position radicale qui ne reflète pas la position européenne. Au printemps, la Hongrie quitte les négociations, tandis que les Européens tentent de maintenir un front uni à 27.

Un texte est finalement mis au point sur la base de compromis entre les États et les contributions des acteurs non-étatiques, et 23 objectifs communs sont formulés. C’est un succès, mais un succès discret entre responsables politiques et experts des questions migratoires.

C’est donc une surprise quand, à l’automne 2018, le Pacte fait soudain l’objet d’un violent débat public. C’est la première fois qu’un traité international non-contraignant suscite un tel intérêt, et un tel degré de désinformation. En Europe, ce sujet est devenu une profonde source de divisions depuis 2015 et les forces populistes instrumentalisent la situation. Elles accusent les responsables européens de promouvoir plus de migrations, se mobilisent sur les réseaux sociaux, et organisent des manifestations contre le texte.

Du côté des partisans du Pacte, la réponse est trop tardive et trop technocratique. Les gouvernements perdent le contrôle du narratif et ne parviennent pas à faire entendre que le Pacte doit permettre d’éviter les crises migratoires et d’avancer les intérêts des pays d’origine, de transit, et de destination.

En décembre 2018, 164 États votent officiellement en faveur du Pacte pour les migrations à l’ONU. Mais seuls 18 des 28 États membres de l’UE soutiennent le texte. La Suisse, l’un des deux pays qui a orchestré les négociations, ne l’adopte pas. L’Australie recule également. Malgré ces désertions, le texte n’en demeure pas moins le premier cadre global sur les migrations. Les négociations ont permis de mettre tous les acteurs autour d’une même table et d’identifier des objectifs communs.

Par exemple, les gouvernements s’accordent sur la nécessité de répondre aux problèmes qui poussent les populations à quitter leur foyer par manque de choix, de rendre les routes migratoires moins dangereuses, et de maximiser les bénéfices des migrations pour les migrants, mais aussi les pays d’origine et de destination. Le Pacte inclut même un objectif sur le retour des migrants sans statut légal, pourtant un sujet singulièrement délicat entre pays d’origine et de destination.

Un nouveau chapitre de coopération internationale sur les migrations s’ouvre donc en 2018. Les États signataires du Pacte conviennent de se réunir tous les quatre ans, pour discuter des progrès réalisés. La dernière réunion a eu lieu à New York City en mai 2022, et mis en exergue les difficultés d’avancer, mais aussi le besoin de créer des coalitions de pays volontaires pour porter des réformes tangibles.

D’une feuille de route à des progrès tangibles pour la gouvernance globale des migrations

Comme le Pacte n’est pas contraignant juridiquement, sa mise en œuvre dépend largement du bon vouloir des gouvernements et des bailleurs. Or, le texte ne bénéficie pas de soutiens politiques suffisants. L’Union Européenne évite de s’y référer, même si beaucoup de ses politiques et programmes de développement sont alignés avec ses objectifs, par exemple sur la valorisation des diasporas et la collecte de meilleures données sur les migrations.

Au regard des divisions des États membres, les leaders européens estiment que promouvoir le Pacte publiquement n’apporterait pas de gains politiques justifiant de raviver les tensions avec la Hongrie et ses alliés. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis ont finalement soutenu le texte après l’arrivée au pouvoir du Président Biden. Cet appui reste néanmoins discret et, par exemple, la nouvelle stratégie de la Maison Blanche pour répondre aux migrations en provenance d’Amérique Centrale ne s’y réfère pas.

Une deuxième faiblesse est l’application très inégale des 23 objectifs du Pacte. Le traité présente en effet un menu d’actions parmi lesquelles les pays signataires peuvent choisir ; les bailleurs, généralement issus des pays de destination, priorisent les actions alignées avec leurs politiques nationales. Cela inclut, par exemple, la lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, ainsi que l’accélération du retour des migrants sans statut légal.

De leur côté, les pays d’origine sont plus intéressés par la création de voies légales de migration, la protection des travailleurs migrants, ainsi que la facilitation des transferts de fonds des diasporas. Leurs demandes ne sont pas toujours entendues par les pays donateurs, et la panique aux frontières au début de la pandémie a montré à quel point la coordination internationale encouragée par le Pacte reste limitée en pratique.

Ces problèmes sont finalement liés à l’absence d’une enveloppe de financement global pour réaliser les ambitions du Pacte. Des projets de développement international sont nécessaires pour soutenir la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques, ainsi que le renforcement des capacités des autorités aux échelles nationales et locales, de la société civile, et des acteurs privés.

Officiellement, l’agence de l’ONU sur les questions migratoires, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), est responsable de l’application du Pacte avec un groupe d’autres agences de l’ONU et des parties prenantes représentant des gouvernements et la société civile. L’équipe responsable de ce dossier est cependant restreinte et manque de moyens. Le Fonds fiduciaire établi pour mettre en œuvre le Pacte n’a pas suscité l’intérêt des bailleurs. En 2020, seuls 12 millions de dollars avaient été promis. De fait, les pays donateurs préfèrent cibler leurs financements sur des régions ou des crises prioritaires comme l’Ukraine ou, précédemment, l’Afghanistan et la Syrie, plutôt que de contribuer à un fonds global, en particulier sur cette thématique tellement sensible politiquement.

Malgré ces difficultés, les besoins d’un cadre global de collaboration demeurent et vont même se renforcer. Trois ans après le début de la pandémie, les États doivent impérativement coopérer pour relancer la mobilité. De nouveaux mécanismes sont nécessaires pour répondre aux difficultés liées à la crise sanitaire et se préparer aux prochaines. Cela implique, par exemple, de s’accorder entre pays d’origine et de destination sur les procédures permettant aux travailleurs migrants de circuler.

La pandémie a soulevé des questions très concrètes : qui doit s’acquitter des frais supplémentaires liés aux tests avant le départ d’un travailleur migrant ? Le travailleur lui-même, la compagnie qui le recrute, le pays d’accueil, ou le pays d’origine ? Quels vaccins sont reconnus dans quels pays de destination, et dans quelle mesure ce système ostracise les pays qui n’ont pas eu accès aux vaccins reconnus par les États-Unis et l’Europe ? Que faire lorsqu’un travailleur migrant saisonnier est contaminé par le COVID-19 et doit s’isoler, quitte à dépasser la durée légale de son séjour dans le pays de destination ?

Par ailleurs, les gouvernements doivent mieux se préparer aux impacts du changement climatique sur les migrations. À mesure que les incendies, les sécheresses, et les inondations deviennent plus fréquents, ces déplacements vont être de plus en plus importants. D’autres populations vont être prises au piège parce qu’elles n’ont pas accès à des voies légales de migration, ou n’ont pas suffisamment de ressources pour déménager.

Des pistes sont déjà explorées pour répondre à ces situations, pour permettre à des communautés de s’adapter au changement climatique sur place, ou leur permettre de se relocaliser de manière volontaire. Par exemple, les populations des îles du Pacifique peuvent bénéficier de programmes de migration saisonnière vers l’Australie. L’objectif est de leur permettre de rester sur ces îles tout en les aidant à diversifier leurs revenus, et contrebalancer les effets délétères du changement climatique sur leurs moyens de subsistance. Cette option va néanmoins devenir moins soutenable lorsque leurs habitats seront directement menacés par la montée du niveau des eaux. Toutes ces problématiques nécessitent une réponse coordonnée des États, et la réunion de mai à New York a mis en exergue que cette thématique doit être une priorité pour les prochaines années.

À l’avenir, trois leviers pourraient être activés pour permettre des avancées concrètes au niveau du Pacte mondial. D’abord, la crise sanitaire a bouleversé les migrations dans de nombreuses régions du monde. Les mouvements ont repris, mais les gouvernements et leurs partenaires doivent profiter de cette dynamique de relance pour mieux organiser les départs, les séjours et les processus d’intégration des migrants. Par exemple, la relance des activités des agences de recrutement privées pourrait être accompagnée d’un meilleur encadrement de leurs pratiques, pour lutter plus efficacement contre les abus et exploitations à l’encontre des travailleurs migrants.

En parallèle, des pays moteurs pourraient continuer à promouvoir leurs actions pour mettre en œuvre le Pacte et encourager la coopération avec leurs pairs. Par exemple, le Mexique et le Maroc sont dans une situation semblable : à la fois pays d’origine, de transit et de destination, ils ont besoin de promouvoir des cadres de coordination sur les migrations aux niveaux régional et global. Le plaidoyer des acteurs de la migration par rapport aux objectifs du Pacte doit par ailleurs se poursuivre. Même si le texte n’est pas contraignant juridiquement, il reste un document cadre que les gouvernements, les agences de développement, la société civile et les chercheurs peuvent mobiliser pour justifier des politiques publiques et des engagements budgétaires pour des projets de développement international.

Enfin, les soutiens du Pacte doivent mieux documenter et mieux communiquer les progrès du Pacte. Cet exercice est éminemment compliqué puisqu’au-delà des financements alloués à des activités spécifiques (dans le cadre du Fonds dédié), les gouvernements, les organisations internationales, la société civile, les chercheurs, le secteur privé participent tous à des activités liées aux 23 objectifs. Il appartient néanmoins à l’OIM et ses partenaires de mieux rapporter ces progrès. Un discours nuancé est nécessaire sur ce sujet, pour éviter une approche trop technique, et surtout ne pas ignorer les inquiétudes de beaucoup d’opinions publiques sur l’accueil et l’intégration des migrants.

Perspectives pour l’avenir du Pacte

En 2018, l’adoption du Pacte Mondial pour les migrations a marqué un tournant et démontré que malgré leurs divergences, les États pouvaient s’entendre sur 23 objectifs communs. La dimension participative des négociations a aussi permis un dialogue avec les organisations internationales, les acteurs non-gouvernementaux et les villes.

Dans le même temps, la brutalité des manifestations au moment de l’adoption du texte a mis en exergue les limites du processus. Jusqu’aujourd’hui, de nombreux gouvernements évitent de s’y référer pour ne pas raviver un débat public activé par de fausses informations. Cette absence de portage politique a marginalisé le Pacte au sein des divers forums et processus intergouvernementaux relatifs aux migrations. Avec pour conséquence aussi que les pays signataires n’ont pas vraiment de pression pour mettre en œuvre les objectifs leur paraissant moins prioritaires, ou plus éloignés de leur agenda politique.

Au cours des trois dernières années, la pandémie a à la fois confirmé les limites de ce cadre global et montré à quel point les États ne pouvaient pas faire l’économie de ces dialogues et compromis. À ce stade, relancer la mobilité à un moment où des pays ont des besoins urgents de main d’œuvre et se préparer pour les migrations à venir du fait du changement climatique sont deux priorités qui devraient guider l’exécution du Pacte d’ici à la prochaine réunion à New-York, en 2026.


Camille Le Coz

Politiste, Chercheuse au Migration Policy Institute

Mots-clés

Covid-19