écologie

Résilience démocratique : face au réchauffement planétaire, la démocratie impuissante ?

Économiste

Pour faire face au réchauffement climatique, ni les politiques conduites dans les grands pays, ni la gouvernance mise en place par les Nations-Unies n’ont apporté de réponses à la hauteur de l’enjeu. Plutôt que d’interminables palabres entre négociateurs du climat, ne faudrait-il pas un gouvernement mondial disposant d’une capacité de coercition sur l’ensemble des pays ? Et, au sein de chaque pays, ne gagnerait-on pas à suivre les recommandations d’un dictateur vert éclairé ? La réponse est clairement non : pour agir efficacement et durablement face au péril climatique, il convient au contraire de renforcer les principes de base de la démocratie.

Dans les régimes démocratiques, une protection élevée des libertés d’expression facilite la lutte contre les pollutions locales. Les citoyens affectés peuvent se défendre et les scientifiques établir leurs diagnostics en toute indépendance. Résilience et démocratie font bon ménage.

publicité

Les menaces environnementales globales diffèrent des pollutions locales tant sous l’angle spatial que temporel. Elles constituent autant de « frontières planétaires[1]», suivant la formule consacrée depuis 2009, au-delà desquelles c’est l’ensemble du système Terre qui est menacé. Elles s’inscrivent dans le temps long, car le franchissement d’une de ces frontières résulte d’une agrégation d’impacts locaux qui altère durablement un système de régulation naturel.

Si l’action concertée dans le cadre multilatéral contre la destruction de la couche d’ozone a porté ses fruits, les politiques conduites dans les grands pays, comme la gouvernance mise en place au sein des Nations-Unies, pour faire face au réchauffement du climat n’ont pas apportées de réponses à la hauteur de l’enjeu. Ceci conduit à s’interroger sur la capacité de résilience des démocraties face à ces risques globaux. Plutôt que d’interminable palabres entre négociateurs du climat, ne faudrait-il pas un gouvernement mondial disposant d’une capacité de coercition sur l’ensemble des pays ? Au sein de chaque pays, ne gagnerait-on pas du temps en supprimant les règles complexes du débat et des alternances propres à la démocratie pour suivre les recommandations d’un dictateur vert éclairé ?

Pour apporter un éclairage à ces questions, nous proposons au lecteur d’observer la façon dont a été impulsée puis conduite l’action climatique au plan multilatéral et dans un certain nombre de pays clefs. Ces observation nous mettent en garde contre le chant des sirènes vantant les bienfaits de la résilience non démocratique. Elles suggèrent que pour agir efficacement et durablement face au péril climatique, il convient au contraire de ren


[1] Ce concept apparaît dans l’article : Johan Rockström et alii, « A safe operating space for humanity », Nature, 23 September 2009. Il fait depuis l’objet de travaux réguliers par les chercheurs du centre de résilience de Stockholm.

[2] Les chercheurs Paul Crutzen, Mario J. Molina et Frank Sherwood qui ont réalisé ces travaux ont reçu le prix Nobel de Chimie en 1995.

[3] Déclarations du 30 mars 2017 au sommet sur l’Arctique ou encore le 19 décembre 2021 lors de sa conférence de presse annuelle.

[4] En particulier, les projets introduits par les sénateurs Lieberman & McCain (2003) et Lieberman & Warner (2007).

[5] Les États-Unis détiennent le quart des réserves mondiales de charbon, loin devant la Russie et la Chine.

[6] David French, Divided We Fall : America’s Secession Threat and How to Restore Our Nation, Macmillan, 2020.

[7] Denny Ellerman, Frank Convery, Christian de Perthuis, Pricing Carbon The European Union Emissions Trading Scheme, Cambridge University Press, 2011. Voir le chapitre 1 sur les origines et le lancement de la politique climatique en Europe.

[8] Voir notamment : Jodi Dean, Democracy and Other Neoliberal Fantasies, Duke University Press, 2009.

Christian de Perthuis

Économiste, Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine

Notes

[1] Ce concept apparaît dans l’article : Johan Rockström et alii, « A safe operating space for humanity », Nature, 23 September 2009. Il fait depuis l’objet de travaux réguliers par les chercheurs du centre de résilience de Stockholm.

[2] Les chercheurs Paul Crutzen, Mario J. Molina et Frank Sherwood qui ont réalisé ces travaux ont reçu le prix Nobel de Chimie en 1995.

[3] Déclarations du 30 mars 2017 au sommet sur l’Arctique ou encore le 19 décembre 2021 lors de sa conférence de presse annuelle.

[4] En particulier, les projets introduits par les sénateurs Lieberman & McCain (2003) et Lieberman & Warner (2007).

[5] Les États-Unis détiennent le quart des réserves mondiales de charbon, loin devant la Russie et la Chine.

[6] David French, Divided We Fall : America’s Secession Threat and How to Restore Our Nation, Macmillan, 2020.

[7] Denny Ellerman, Frank Convery, Christian de Perthuis, Pricing Carbon The European Union Emissions Trading Scheme, Cambridge University Press, 2011. Voir le chapitre 1 sur les origines et le lancement de la politique climatique en Europe.

[8] Voir notamment : Jodi Dean, Democracy and Other Neoliberal Fantasies, Duke University Press, 2009.