Indispensable plurivers
Les lecteurs du conte philosophique Candide ou l’Optimisme (1759) de Voltaire se souviennent du personnage de Pangloss.

Le roman parut quelques années seulement après le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, qui fut suivi par un tsunami et des incendies, événement qui fit 60 000 morts selon les estimations. À l’époque de sa publication, la guerre de Sept Ans – un conflit sanglant majeur et mondial entre puissances coloniales – ravageait l’Europe, les Amériques et l’Asie.
Dans ce contexte historique de guerre et de destruction, qui sert également de toile de fond thématique au conte, Pangloss, le précepteur du jeune aristocrate Candide, lui enseigne sa « métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie » : « Le précepteur Pangloss était l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère. Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possibles. “Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin”[1] ».
La satire de Voltaire a pour cible, à travers Pangloss, l’optimisme métaphysique outrancier de Leibniz, grande figure de la philosophie, des mathématiques et de la diplomatie allemandes. Dans sa Théodicée (1714), Leibniz avait jeté les bases de l’universalisme mono-ontologique moderne en affirmant qu’en dépit de son immense injustice et de sa violence infinie, le monde dans lequel nous vivons est le « plus parfait de tous les mondes possibles » : « J’ai établi que Dieu, ayant choisi le plus parfait de tous les mondes possibles, avait été poussé par sa sagesse à permettre le mal qui y était lié, mais qui n’empêchait pas ce monde d’être, tout considéré, le meilleur qu’on