Le tournant climatique des banques centrales
Au cours des dernières années, de plus en plus de banques centrales se sont mises à intégrer la question du changement climatique à leurs communications et à leurs pratiques. À première vue, cet intérêt peut apparaître quelque peu incongru.

D’un côté, les banques centrales sont des institutions étatiques plus ou moins autonomes chargées notamment d’assurer la stabilité des prix ainsi que la stabilité financière. De l’autre, le changement climatique est un phénomène physique provoqué par la combustion de gaz à effets de serre au sein du système productif. Comment ce rapprochement s’est-il fait ? Par quels mécanismes la question climatique s’est-elle imposée comme un sujet légitime pour les banques centrales ? Son intégration traduit-elle une transformation profonde du rôle des banques centrales ou assiste-t-on davantage à une opération de green washing ? Il est bien sûr impossible de répondre à ces questions en toute généralité, tant le mouvement de « verdissement » des banques centrales recouvre une grande variété de pratiques. Mais en se concentrant sur le cas Européen, on peut en relever quelques étapes importantes, souligner les tensions que ce processus déclenche, et en pointer les limites.
Le climat comme source de risque financier
Au début des années 2010, d’anciens financiers de la City de Londres cherchent à convaincre l’industrie et les régulateurs que le changement climatique les concerne directement, ce dernier pouvant représenter une nouvelle source de risque financier. L’argumentaire développé par leur jeune ONG Carbon Tracker n’est alors pas centré sur les conséquences physiques du changement climatique et des dommages massifs qu’il provoquera sur le tissu économique et donc sur les rentabilités financières. Au contraire, l’ONG alerte sur le risque d’explosion de la « bulle carbone » provoquée par la survalorisation des entreprises d’extraction fossile dont les réserves d’hydrocarbures accumulées – et donc les profits futurs anticipés – serai