Politique

Où en est la gauche de la gauche ?

Sociologue

Où en est la gauche de la gauche dans la bataille qu’elle mène afin de devenir la représentante légitime des classes populaires ? Marqué notamment par un échec à détrôner les vieux appareils de la social-démocratie, le bilan n’est pas très reluisant. Un examen de son incapacité à susciter une solide adhésion des votants s’impose.

Alors que l’horizon est enténébré par la rumeur assourdissante de la guerre au Moyen-Orient et que le débat public est absorbé dans les dérives d’une droite qui s’aligne sur la xénophobie, l’islamophobie, la misogynie et le climato-scepticisme de ses extrêmes, une autre bataille se poursuit à l’autre bord du spectre politique : celle que mène la gauche de la gauche de gouvernement afin de devenir la représentante légitime des classes populaires en réduisant les partis de la social-démocratie à la portion congrue[1].

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Cette bataille semble un peu anecdotique aujourd’hui. Elle va pourtant peser sur l’orientation que vont prendre les politiques publiques nationales ou européennes dans les années qui viennent, comme l’indique la réunion de l’« Assemblée représentative » de La France Insoumise de samedi dernier. Les travaux de cette assemblée se sont tenus au moment où les échos qui nous parviennent de la situation actuelle des forces de cette gauche qu’on dit radicale font état de leur essoufflement. Quelles sont donc ces nouvelles ?

En Grèce, quarante-cinq anciens membres de Syriza (dont plusieurs ex-ministres) ont annoncé leur départ d’un parti qu’ils jugent avoir viré au centre depuis que Stefanos Kasselakis, jeune entrepreneur novice en politique et ancien employé de Goldman Sachs, a été élu à sa direction après qu’Alexis Tsipras ait remis sa démission à la suite de la débâcle électorale de juin 2023, passant de 36 à 18 % des voix. Quant au Parti socialiste (PASOK) qui avait été décimé aux temps de l’ascension de Syriza, il est redevenu la troisième force politique du pays (12 %)[2].

En Espagne, si l’alliance nouée entre le PSOE (Parti socialiste et ouvrier espagnol) et la gauche radicale réunie dans Sumar (dans laquelle Podemos s’est fondu) a, contre toute attente, maintenu ses positions lors des élections législatives de juillet 2023, le gouvernement de gauche vient d’être investi par le Parlement et il ne comprend plus aucun représentant de Podemos. Cett


[1] Parmi ces formations : le Bloco de Esquerda au Portugal (1999), Québec solidaire au Québec (2006), De Linke en Allemagne (2007), le Parti du Travail en Belgique (2008), Le Parti de gauche en France (2009), Revolucion democratica au Chili (2012), Syriza en Grèce (2013), Podemos en Espagne (2014). On peut ajouter à cette liste le Labour de Corbyn (2015) et La France insoumise (2017). Les contours de cette « gauche de la gauche de gouvernement » varient selon les pays : elle peut réunir des écologistes, des communistes, des « partis mouvementistes » ou des « coalitions citoyennes ».

[2] Stathis Kouvélakis, « Grèce : restauration conservatrice, déroute de Syriza », Contretemps, 10.06.23.

[3] Sandrine Morel, « Les leçons de la débâcle de Podemos et de la gauche radicale espagnole », Le Monde, 22.06.23 ; Nacima Baron, « Espagne : la détransition en dix leçons », AOC, 20.07.23.

[4] Joe Guinan et Martin O’Neil, « The Institutional Turn : Labour’s New Political Economy », Renewal, 26 (2), 2018. Il faut dire que, de tous les programmes présentés par les partis de la gauche de la gauche, c’est le seul qui ait des accents réellement anti-capitalistes. Voir Toufik Abdou, « Le programme du parti travailliste aux législatives de 2019 : la plus longue liste de Noël de l’histoire ? », Revue française de civilisation britannique, XXV (3), 2020.

[5] Marcelo Casals, « Victoire de l’extrême-droite au Chili : comment en est-on arrivé là ? », Contretemps, 23.05.23.

[6] Manuel Cervera-Marzal, Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, La Découverte, 2021.

[7] Comme les querelles autour du conflit israélo-palestinien viennent d’en donner un exemple désastreux.

[8] Le PTB fait exception à la règle qui, en Belgique, consolide et accroît ses forces. Voir William Bouchardon, « Raoul Hedebouw : « Nos Parlements sont des institutions fondamentalement anti-populaires » », Le Vent Se Lève, 20.11.2023 (en ligne).

[9] À l’exception notable et éphémère du programme révolutionnaire

Albert Ogien

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

Mots-clés

Démocratie

Notes

[1] Parmi ces formations : le Bloco de Esquerda au Portugal (1999), Québec solidaire au Québec (2006), De Linke en Allemagne (2007), le Parti du Travail en Belgique (2008), Le Parti de gauche en France (2009), Revolucion democratica au Chili (2012), Syriza en Grèce (2013), Podemos en Espagne (2014). On peut ajouter à cette liste le Labour de Corbyn (2015) et La France insoumise (2017). Les contours de cette « gauche de la gauche de gouvernement » varient selon les pays : elle peut réunir des écologistes, des communistes, des « partis mouvementistes » ou des « coalitions citoyennes ».

[2] Stathis Kouvélakis, « Grèce : restauration conservatrice, déroute de Syriza », Contretemps, 10.06.23.

[3] Sandrine Morel, « Les leçons de la débâcle de Podemos et de la gauche radicale espagnole », Le Monde, 22.06.23 ; Nacima Baron, « Espagne : la détransition en dix leçons », AOC, 20.07.23.

[4] Joe Guinan et Martin O’Neil, « The Institutional Turn : Labour’s New Political Economy », Renewal, 26 (2), 2018. Il faut dire que, de tous les programmes présentés par les partis de la gauche de la gauche, c’est le seul qui ait des accents réellement anti-capitalistes. Voir Toufik Abdou, « Le programme du parti travailliste aux législatives de 2019 : la plus longue liste de Noël de l’histoire ? », Revue française de civilisation britannique, XXV (3), 2020.

[5] Marcelo Casals, « Victoire de l’extrême-droite au Chili : comment en est-on arrivé là ? », Contretemps, 23.05.23.

[6] Manuel Cervera-Marzal, Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, La Découverte, 2021.

[7] Comme les querelles autour du conflit israélo-palestinien viennent d’en donner un exemple désastreux.

[8] Le PTB fait exception à la règle qui, en Belgique, consolide et accroît ses forces. Voir William Bouchardon, « Raoul Hedebouw : « Nos Parlements sont des institutions fondamentalement anti-populaires » », Le Vent Se Lève, 20.11.2023 (en ligne).

[9] À l’exception notable et éphémère du programme révolutionnaire