Justice

Les assistants des magistrats, travailleurs de l’ombre

Sociologue

Ces dernières années, les emplois d’assistants des magistrats ont connu un fort essor au sein des cours et tribunaux français. Ces assistants, jeunes juristes pour la plupart, ont pour mission d’aider les magistrats à prendre les décisions sur les affaires. Mais comment s’intègrent-ils aux équipes de travail, et en quoi leur présence affecte-t-elle le métier des professionnels de la justice ?

En novembre 2021, magistrats et fonctionnaires de greffe dénonçaient, dans une tribune signée par plus de 7 550 professionnels de la justice en trois semaines[1], des conditions de travail ne leur permettant pas de rendre une justice de qualité ni de trouver un sens à leur métier.

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Cela a été l’élément déclencheur d’une « mobilisation générale de la justice » à l’appel des principaux syndicats de magistrats, greffiers et avocats – le syndicat majoritaire de magistrats judiciaires, l’Union syndicale des magistrats (USM), a même déposé pour la première fois un préavis de grève.

Cette mobilisation largement suivie est révélatrice d’un sentiment diffus de « crise de la justice » chez ces professionnels. Cette perception, si elle n’est pas nouvelle, se centre aujourd’hui autour de la question des conditions de travail au sein des juridictions, en particulier celles des magistrats de l’ordre judiciaire[2].

Face à ces protestations et afin de pallier rapidement les manques d’effectifs qui sont notamment tenus pour responsables de ces conditions de travail dégradées, le ministère de la Justice a renforcé la présence d’assistants des magistrats dans les cours et tribunaux. Ces personnels, qui soutiennent l’activité juridictionnelle en effectuant des tâches d’aide à la décision pour les magistrats et existent pour certains depuis les années 1990, constituent aujourd’hui selon le garde des Sceaux des éléments « indispensables » au bon fonctionnement des juridictions[3]. Il semble que l’image d’Épinal de magistrats travaillant de manière solitaire sur leurs dossiers ait ainsi vocation à être remplacée par celle de magistrats managers supervisant une « équipe juridictionnelle ».

Assistant des magistrats, une fonction en plein essor

La présence d’employés effectuant des missions d’aide à la décision n’est pas nouvelle au sein des palais de justice français. Le poste d’assistant de justice, créé en 1995 et étendu ensuite aux juridictions administratives en 2002, permet ai


[1] « L’appel de 3 000 magistrats et d’une centaine de greffiers : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout » », Le Monde, 23 novembre 2021, en ligne, consulté le 26 octobre 2023.

[2] Yoann Demoli et Laurent Willemez, Sociologie de la magistrature : genèse, morphologie sociale et conditions de travail d’un corps, Armand Colin, pp. 36-46, 2023.

[3] Éric Dupont-Moretti, Présentation à la presse du plan d’action issu des États généraux de la Justice, 5 janvier 2023.

[4] Cécile Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, vol.63-64 no 2-3, p. 425-455, 2006.

[5] « Éric Dupond-Moretti dévoile la répartition des postes créés dans la justice, entre magistrats, greffiers et attachés de justice », Le Monde, 31 août 2023, en ligne, consulté le 23 octobre 2023.

[6] Andrew D. Abbott, The system of professions: an essay on the division of expert labor, The University of Chicago Press, 1988.

[7] Éric Dupont-Moretti, supra n° 3.

[8] Clément Clochet, « Quelle équipe autour du magistrat ? », Les Cahiers de la Justice, vol.3 no 3. p. 503-516, 2021.

[9] Éric Dupont-Moretti, supra n° 3.

[10] École nationale de la magistrature, « Profil de la promotion des auditeurs de justice issus des trois concours et du recrutement sur titres », 2023, en ligne, consulté le 30 octobre 2023.

[11] Everett C. Hughes, Le regard sociologique. Essais choisis, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1996.

[12] Ministère de la Justice, décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice, JORF n°0137 du 14 juin 1996, en ligne, consulté le 30 octobre 2023 ; et décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017 relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d’ordre national automatisé des procédures judiciaires, JORF n°0279 du 30 novembre 2017, en ligne, consulté le 30 octobre 2023.

[13] Yoann Demoli et Laurent Willemez, supra n° 2.

Diane Gattet

Sociologue, Doctorante à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Notes

[1] « L’appel de 3 000 magistrats et d’une centaine de greffiers : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout » », Le Monde, 23 novembre 2021, en ligne, consulté le 26 octobre 2023.

[2] Yoann Demoli et Laurent Willemez, Sociologie de la magistrature : genèse, morphologie sociale et conditions de travail d’un corps, Armand Colin, pp. 36-46, 2023.

[3] Éric Dupont-Moretti, Présentation à la presse du plan d’action issu des États généraux de la Justice, 5 janvier 2023.

[4] Cécile Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, vol.63-64 no 2-3, p. 425-455, 2006.

[5] « Éric Dupond-Moretti dévoile la répartition des postes créés dans la justice, entre magistrats, greffiers et attachés de justice », Le Monde, 31 août 2023, en ligne, consulté le 23 octobre 2023.

[6] Andrew D. Abbott, The system of professions: an essay on the division of expert labor, The University of Chicago Press, 1988.

[7] Éric Dupont-Moretti, supra n° 3.

[8] Clément Clochet, « Quelle équipe autour du magistrat ? », Les Cahiers de la Justice, vol.3 no 3. p. 503-516, 2021.

[9] Éric Dupont-Moretti, supra n° 3.

[10] École nationale de la magistrature, « Profil de la promotion des auditeurs de justice issus des trois concours et du recrutement sur titres », 2023, en ligne, consulté le 30 octobre 2023.

[11] Everett C. Hughes, Le regard sociologique. Essais choisis, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1996.

[12] Ministère de la Justice, décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice, JORF n°0137 du 14 juin 1996, en ligne, consulté le 30 octobre 2023 ; et décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017 relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d’ordre national automatisé des procédures judiciaires, JORF n°0279 du 30 novembre 2017, en ligne, consulté le 30 octobre 2023.

[13] Yoann Demoli et Laurent Willemez, supra n° 2.