Savoirs

La fin du relativisme (1/2)

Anthropologue

Pour aborder la notion souvent controversée de relativisme, il s’avère essentiel de clarifier ses différentes formes : morale, culturelle et anthropologique. Le premier volet de cet article retrace l’évolution du relativisme anthropologique, explorant son impact sur notre compréhension de la diversité humaine et ses racines historiques, qui influencent encore aujourd’hui notre manière de concevoir les valeurs universelles et les particularités culturelles.

Pour s’interroger sur la fin d’un phénomène, il faut bien savoir de quoi il s’agit exactement. Et si le phénomène en question est controversé, comme l’est la notion de relativisme, l’exercice est encore plus nécessaire. En effet, cette notion, depuis qu’elle a cessé d’être une simple idée-force de la pensée anthropologique pour devenir une arme de débat politique dans le contexte des sociétés multiculturelles, est devenue un concept compliqué à manier.

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Le processus consistant à adopter une vision simpliste du concept et à le rendre anathème dans le discours politique a considérablement brouillé son sens lorsque ce relativisme transfiguré est accusé d’être la cause d’une forme de faiblesse de nos sociétés, incapables de tracer une ligne claire entre le bien et le mal.

À ce soi-disant « relativisme moral » s’opposerait frontalement un universalisme qui n’est rien d’autre que l’affirmation de valeurs d’application générale qui, en réalité, expriment un point de vue idéologique, ne sont pas permanentes, ni identiques selon celui qui les formule. Pour dissiper la grande confusion qui entoure ce concept, peut-être devrions-nous essayer de faire une distinction claire entre, au moins, le relativisme moral, le relativisme culturel et ce que j’appellerai le relativisme anthropologique.

En bref, si le relativisme moral tel qu’il est utilisé dans le débat politique actuel se résume à ne pas juger le comportement d’autrui, renonçant ainsi à toute valeur universelle, le relativisme culturel serait celui selon lequel les valeurs établies par une culture ne peuvent être évaluées qu’en fonction de cette même culture. Le relativisme anthropologique, quant à lui, postule que les différences entre les cultures seraient relatives à une nature unique, et procède donc à une division de l’approche du phénomène de la diversité humaine en deux instances distinctes mais articulées : la nature et la culture.

Au sein du relativisme anthropologique, nous avons tout au long de l’histoi


[1] Wilhelm von Humbolt, Essai sur les langues du nouveau Continent, GS V, 1812, p. 312.

[2] Sur la nature de la proposition de Wilhelm von Humboldt et son impact sur les sciences humaines ultérieures, voir Jürgen Trabant, Traditions de Humboldt, Maison des Sciences de l’homme, Paris, 1999, p. 47-67, et Anne-Marie Chabrolle-Cerretini, La vision du monde de Wilhelm von Humboldt : histoire d’un concept linguistique, Lyon, ENS Éditions, 2007

[3] Voir, par exemple, Klaus Zimmermann, « Hervás’ contributions to linguistics and their reception by Humboldt », in Manfred Tietz et Dietrich Briesemeister (ed.), The Expelled Spanish Jesuits. Su imagen y su contribución al saber sobre el mundo hispánico en la Europa del siglo XVIII, Frankfurt / Madrid, Vervuert / Iberoamericana, 2001, pp. 647-668.

[4] Avec Wilhelm, Friedrich Schlegel attendait également ces livres, qui l’ont aidé à proposer une linguistique comparative des grammaires, une nouveauté à l’époque, qui a donné naissance à une partie de la linguistique scientifique d’aujourd’hui, puisque ce qui avait été comparé jusqu’alors n’était que des vocabulaires.

[5] Francisco de Vitoria, Relectio de usu ciborum, sive de temperantia, 1537. Pour une analyse détaillée, voir Anthony Pagden , « The forbidden food : Francisco de Vitoria and José de Acosta on cannibalism »,in The Uncertainties of Empire : Essays in Iberian and Spanish-American Intellectual History, Londres, Variorum, 1994, pp. 17-29.

[6] Francisco de Vitoria, « Relectio De Indis », in Relectiones theologicae. Relecciones teológicas, édition critique avec fac-similé des codex et des éditions princières, variantes, version espagnole, notes et introduction de Luis G. Alonso Getino, Publications de l’Association Francisco de Vitoria, Madrid, 1539, 1933-35.  Pour une étude approfondie voir Anthony Pagden, The Fall of Natural Man: The American Indian and the Origins of Comparative Ethnology, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.

[7] Sur la notion de dominium, voir A

Alexandre Surrallés

Anthropologue, Directeur de recherche au CNRS

Notes

[1] Wilhelm von Humbolt, Essai sur les langues du nouveau Continent, GS V, 1812, p. 312.

[2] Sur la nature de la proposition de Wilhelm von Humboldt et son impact sur les sciences humaines ultérieures, voir Jürgen Trabant, Traditions de Humboldt, Maison des Sciences de l’homme, Paris, 1999, p. 47-67, et Anne-Marie Chabrolle-Cerretini, La vision du monde de Wilhelm von Humboldt : histoire d’un concept linguistique, Lyon, ENS Éditions, 2007

[3] Voir, par exemple, Klaus Zimmermann, « Hervás’ contributions to linguistics and their reception by Humboldt », in Manfred Tietz et Dietrich Briesemeister (ed.), The Expelled Spanish Jesuits. Su imagen y su contribución al saber sobre el mundo hispánico en la Europa del siglo XVIII, Frankfurt / Madrid, Vervuert / Iberoamericana, 2001, pp. 647-668.

[4] Avec Wilhelm, Friedrich Schlegel attendait également ces livres, qui l’ont aidé à proposer une linguistique comparative des grammaires, une nouveauté à l’époque, qui a donné naissance à une partie de la linguistique scientifique d’aujourd’hui, puisque ce qui avait été comparé jusqu’alors n’était que des vocabulaires.

[5] Francisco de Vitoria, Relectio de usu ciborum, sive de temperantia, 1537. Pour une analyse détaillée, voir Anthony Pagden , « The forbidden food : Francisco de Vitoria and José de Acosta on cannibalism »,in The Uncertainties of Empire : Essays in Iberian and Spanish-American Intellectual History, Londres, Variorum, 1994, pp. 17-29.

[6] Francisco de Vitoria, « Relectio De Indis », in Relectiones theologicae. Relecciones teológicas, édition critique avec fac-similé des codex et des éditions princières, variantes, version espagnole, notes et introduction de Luis G. Alonso Getino, Publications de l’Association Francisco de Vitoria, Madrid, 1539, 1933-35.  Pour une étude approfondie voir Anthony Pagden, The Fall of Natural Man: The American Indian and the Origins of Comparative Ethnology, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.

[7] Sur la notion de dominium, voir A