L’inconsciente irresponsabilité du journalisme politique
Si d’aventure le RN venait à accéder au pouvoir à l’issue des élections législatives ou à l’occasion de la prochaine élection présidentielle – ce second cas s’avérant plus probable que le premier – la responsabilité du journalisme politique s’en trouverait sérieusement engagée. Non pas que les journalistes, dans leur ensemble, souhaitent la victoire de l’extrême droite, une nette majorité d’entre eux votent plutôt à gauche. Ce ne sont pas leurs convictions ou leurs opinions politiques qui doivent être considérées mais bien plutôt leurs manières de faire leur métier : leur pratique professionnelle a permis, depuis plusieurs dizaines d’années, de favoriser et d’entretenir la montée en puissance du Front puis Rassemblement national. Sans doute convient-il d’ailleurs de parler plus précisément d’idéologie professionnelle, au sens qu’en donne la sociologie de l’école de Chicago, celle d’Everett C. Hughes ou d’Anselm Strauss.

Impossible de cerner ici dans le détail l’entièreté des contours de l’idéologie professionnelle dominante du journalisme politique – qui condense et caricature à bien des égards l’idéologie professionnelle du journalisme en général. Arrêtons-nous simplement sur quelques traits saillants, en prenant pour exemple dans l’actualité récente non pas seulement le traitement médiatique de l’extrême droite – dont il a déjà été largement montré combien il a participé de la coproduction de la stratégie de « normalisation » mise en place par Marine Le Pen – mais aussi celui de son adversaire désormais principal, le Nouveau Front Populaire ainsi que celui du bloc macroniste qui a, par deux fois, accédé au pouvoir en cherchant à substituer au traditionnel clivage droite/gauche un « moi et le reste du monde face au RN » qui aura eu pour effet mécanique de renforcer le parti d’extrême droite.
Nous sommes nombreux sans doute, depuis quelques jours, à nous interroger sur les raisons qui poussent la majorité des médias à proposer un traitement de cette nouvel