Entre volonté scientifique et volonté politique – le cas du Japon
Loin des déclarations tonitruantes du gouvernement américain, à pas feutrés mais de façon inexorable, le gouvernement japonais est lui aussi entré dans une sorte de guerre contre un type de recherche, essentiellement les recherches en sciences sociales et humaines, mais aussi contre des chercheurs. Wokisme, cancel culture, ces expressions controversées n’apparaissent que rarement dans le monde académique japonais, mais des débats similaires l’agitent également.

Deux affaires expriment les tensions entre une grande partie du monde académique et le gouvernement japonais. La première est un procès ayant opposé trois chercheuses à la politicienne japonaise Mio Sugita (qui vient de perdre son siège au Sénat lors des élections du 20 juillet 2025), procès dont le verdict a été rendu le 30 mai 2023 après trois ans de débats, d’appels et de mobilisations. La deuxième affaire, plus récente, concerne la réforme du statut du Conseil japonais des sciences, qui deviendra à l’automne 2026 une personne morale. Ces deux affaires ne sont pas ordinaires tant, fait rare, elles ont mobilisé la communauté de chercheurs dans l’espace public, mais surtout car elles mettent au jour la façon dont un certain monde politique et une partie de la population japonaise conçoivent la place de la recherche et son rôle dans la construction de la société, à la fois sur le plan du financement et sur celui des thèmes de recherche.
Le procès
D’abord un bref rappel du procès[1]. Une équipe de chercheuses, dirigée par la sociologue Kazue Muta, alors professeure à l’université d’Osaka, a intenté un procès en 2019 contre Mio Sugita[2] pour diffamations contre un projet de recherche. Financé par la Japan Society for the Promotion of Science (JSPS)[3] ce projet de quatre ans portait sur des recherches sur le genre. Il comprenait la production d’un documentaire dont la projection ne put être faite qu’au mois de mai 2019. Mio Sugita, membre du parti au pouvoir, le Parti Libéral démocrate, et nommée à l